Dossier: Quoi de neuf au Japon aujourd'hui ?

Dossier: Quoi de neuf au Japon aujourd'hui ?

Quoi de neuf au Japon aujourd'hui ? A l'occasion de la sortie de Saudade de Katsuya Tomita, FilmDeCulte a enquêté du côté des nouvelles têtes du cinéma japonais. Gros plan, interviews et critiques : nous vous proposons un dossier spécial sur les cinéastes qui comptent déjà ou compteront peut-être demain.

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La dernière Palme d'or décernée à un cinéaste japonais remonte à 1997 avec L'Anguille de Shohei Imamura. Imamura, l'un des derniers géants du cinéma japonais, avait alors une large partie de sa carrière derrière lui. La fin des années 90 coïncide également avec l'éclosion de nouveaux talents dans l'archipel. L'année de la Palme pour Imamura, Kiyoshi Kurosawa réalise Cure. Un an avant, Naomi Kawase se révèle avec Suzaku, son premier long métrage. Un an après, Hirokazu Kore-Eda signe son second long métrage, After Life. Kurosawa, Kawase et Kore-Eda, petits maîtres du cinéma nippon, font partie des cinéastes les plus passionnants du cinéma mondial. Mais le plus âgé des trois (Kurosawa) a 57 ans, tandis que la plus jeune (Kawase) en a 43. Tous les trois ont un certain nombre de longs métrages à leur actif, et tous les trois ont tourné dans les plus grands festivals du monde. Quid de la relève ? FilmDeCulte ne dresse pas une liste exhaustive des espoirs du cinéma japonais, mais propose quelques paris et pointe les réalisateurs marquants apparus sur la scène internationale ces dernières années. Certains ont déjà la cinquantaine et sont déjà bien identifiés par les connaisseurs, d'autres sortent de nulle part, bricolant leurs films pendant leurs congés.Tour d'horizon du sang frais qui irrigue le cinéma japonais contemporain...

Le faux nouveau: Sono Sion

Débuter un dossier sur les nouveaux visages du cinéma japonais avec un réalisateur de 50 ans qui tourne depuis une vingtaine d'années ressemble à un contresens. En ce qui concerne Sono Sion, c'est plus son éclosion sur la scène internationale qui est relativement neuve. Le petit culte voué à des films tels que Suicide Club ou Noriko's Dinner Table est resté relativement confidentiel. Strange Circus et Love Exposure ont été montrés dans des sections parallèles de la Berlinale. Mais c'est surtout à partir de Cold Fish, montré à Venise, que les choses changent. Sono Sion déboule à Cannes avec Guilty of Romance (une première), puis figure en compétition à Venise avec Himizu. Cette année, il est primé à Toronto pour The Land of Hope. Aucun autre "nouveau" nom du cinéma japonais, parmi les cinéastes inconnus ou méconnus en occident, ne s'est autant fait remarquer que lui ces dernières années. Himizu, long métrage terrassant sur deux jeunes errant dans le Japon post-tsunami, est haut la main l'un des films les plus puissants vus en salles cette année. Son cinéma punk rappelle parfois l'esprit de Koji Wakamatsu, notamment par sa façon dont il se sert du cinéma de genre pour accoucher d'œuvres politiques et poétiques. La reconnaissance semble tardive pour Sono Sion mais celui-ci a, depuis, mis les bouchées doubles. The Land of Hope sera distribué en France.

Notre entretien
Je crois que je suis traité comme un réalisateur embarrassant - Entretien avec Sono Sion

Nos critiques
Cold Fish
Guilty of Romance
Himizu
The Land of Hope
Why Don't You Play in Hell ?

Tomita, Imaizumi, Yonghi, Hashimoto : la voie indé

En cette période de crise économique, on a vu apparaître des cinéastes qui œuvrent dans des conditions bien particulières. Katsuya Tomita, ouvrier, a réalisé Saudade pendant ses weekends et congés. Kaori Imaizumi, infirmière, a réalisé Just Pretended to Hear pendant son congé maternité. A l’arrivée, des films réussis, avec des ambitions, meilleurs que de nombreuses productions japonaises plus fortunées qui ressemblent à des téléfilms à peine améliorés. Parmi les autres poids plumes repérés ces derniers temps, Yang Yonghi, documentariste, a signé sa première fiction avec Our Homeland, qui traite des relations entre le Japon et la Corée du nord. Sobre, sans artifice, le film a créé la surprise en étant retenu pour représenter le Japon aux Oscars. Autre promesse : Naoki Hashimoto, dont le long métrage Birth Right nous a tapé dans l’œil. Il y a, excusez du peu, un fantôme de Kiyoshi Kurosawa qui plane sur cette histoire d’enlèvement, film radical qui flirte avec le fantastique. C’est plus qu’un fantôme mais une marraine qui veille sur Toyoko Yamazaki. Son premier long, Bion, est produit par Naomi Kawase. L’influence de la réalisatrice semble évidente sur ce film minimaliste et déjà très maîtrisé. Yamasaki a, depuis, réalisé un nouveau long métrage, Musubi, présenté à la rentrée au Festival de Nara, initié par Naomi Kawase. De Tomita, réalisateur autoproduit, à Kawase, productrice et organisatrice de festival, la question actuelle n’est pas seulement « comment produire autrement », mais aussi « comment montrer les films autrement ».

Nos entretiens
Le temps était notre seule richesse, mais c’était aussi notre arme - Entretien avec Katsuya Tomita
J'ai fait ce film durant mon congé maternité - Entretien avec Kaori Imaizumi
Ils n’ont donc aucun amour-propre ? - Entretien avec Naoki Hashimoto
Il y avait de nombreuses histoires dont ma famille ne pouvait parler - Entretien avec Yang Yonghi

Nos critiques
Birth Right (Naoki Hashimoto, 2010)
Bion (Toyoko Yamazaki, 2010)
Saudade (Katsuya Tomita, 2011)
Our Homeland (Yang Yonghi, 2012)
Just Pretended to Hear (Kaori Imaizumi, 2012)

Hosoda, Takekiyo, Koike, Shinkai : desseins animés

Si l’on demande à un spectateur français de citer un cinéaste japonais, Akira Kurosawa viendra probablement en premier. Hayao Miyazaki, peut-être en deuxième. Après quelques tâtonnements, la sortie en France de Princesse Mononoke en 2000 (soit 3 ans après sa réalisation) a été le déclic. Depuis, Miyazaki et Ghibli sont devenus une marque pour le public. Rares sont les films japonais millionnaires au box-office français. Le Voyage Chihiro fait partie de ceux-là (1.4 million d’entrées), tandis que Ponyo sur la falaise a frôlé cette marque (900.000 entrées). Mais il y a évidemment un monde derrière Miyazaki et Ghibli. Un nouveau déclic a peut-être eu lieu cet été avec la sortie des Enfants loups, Ame & Yuki, de Mamoru Hosoda. Cette fois, la sortie française n’a pas eu lieu 3 ans après la japonaise mais seulement 1 mois. Distribué discrètement, carburant au bouche à oreille, ne bénéficiant pas du label Ghibli, le film parvient en fin de carrière à la barre des 150.000 entrées. Le cinéma d’animation japonais hors studio de Totoro n’est peut-être plus condamné au bide ou aux sorties dvd.

Quels autres noms à noter à part Hosoda ? Keiichi Hara, qui avait fait un flop dans les salles françaises l’an passé avec Colorful, mais qui reste évidemment un nom à suivre. Dans une lignée miyazakiesque, le jeune Makoto Shinkai, auteur de Voyage vers Agartha, sorti en dvd cet été. Film à la narration un peu bancale, Voyage… est visuellement splendide et extrêmement généreux (chaque plan semble avoir été conçu pour exploser la rétine). En parlant d’explosion de rétine, dans un registre plus rock’n’roll, deux noms se sont imposés récemment : ceux de Takeshi Koike et de Hitoshi Takekiyo. Le premier a réalisé Redline, sorte de mariage zinzin entre Speed Racer et Bill Plympton. Le second signe After School Midnighters, balade barrée et euphorisante dans une école hantée. D’Hosoda à Koike en passant par Takekiyo, c’est peut-être du côté de l’animation que le jeune cinéma japonais est le plus riche et le plus éclectique.

Notre entretien
J'ai voulu faire un film qui soit une comédie simple et enjouée - Entretien avec Hitoshi Takekiyo

Nos critiques
Redline (Takeshi Koike, 2010)
Colorful (Keiichi Hara, 2010)
Les Enfants loups (Mamoru Hosoda, 2012)
After School Midnighters (Hitoshi Takekiyo, 2012)

Matsumoto, Miki, Iguchi, Ohata : potaches et contre tous ?

On en a déjà beaucoup parlé sur FilmDeCulte: le cinéma d’Hitoshi Matsumoto ne ressemble à aucun autre. Son premier long, Dai Nipponjin, ne ressemble à rien de connu. Pareil pour son second, Symbol. Même chose pour son troisième, Saya Zamurai (son premier film à sortir en France). Matsumoto n’est pas qu’un trublion en roue libre. En trois longs métrages dadaïstes, il a imposé une personnalité où ses clowneries télévisuelles (Matsumoto se fait d’abord connaître sur le petit écran) se mêlent à une véritable ambition formelle. Assurément l’une des principales révélations nippones de ces dernières années. Autre révélation farfelue : Shunichiro Miki. Comparse de Katsuhito Ishii (The Taste of Tea), Miki réalise en solo The Warped Forest, ovni très sexué sur quelques personnages en quête de bonheur qui, là encore, ne ressemble à rien de connu. Côté craquage, citons Noboru Iguchi. Entre ses RoboGeisha (tout est dans le titre), ses zombies des chiottes (Zombie Ass), ses sushis tueurs (Dead Sushi) ou sa gogolissime adaptation de Junji Ito (Tomie Unlimited), Iguchi, et ses comédies cons à crever, est un peu l’antidote au cinéma indé dont on parlait un peu plus haut. Mais l’esprit frondeur n’est peut-être, au fond, pas si éloigné. Citons enfin Hajime Ohata, qui, avec 3 yens, a bricolé Henge, un film de monstre spectaculaire et jubilatoire...

Nos entretiens
A chaque fois, des images bizarres jaillissent d’un seul coup dans ma tête - Entretien avec Shunichiro Miki
Quand des cinéastes japonais se réunissent, on entend souvent des remarques négatives ou pessimistes - Entretien avec Hajime Ohata

Nos critiques
Dai Nipponjin (Hitoshi Matsumoto, 2007)
Symbol (Hitoshi Matsumoto, 2009)
Saya Zamurai (Hitoshi Matsumoto, 2011)
Tomie Unlimited (Noboru Iguchi, 2011)
Dead Sushi (Noboru Iguchi, 2012)
The Warped Forest (Shunichiro Miki, 2012)
Henge (Hajime Ohata, 2012)

par Nicolas Bardot

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