Entretien avec Kaori Imaizumi

Entretien avec Kaori Imaizumi

Repérée à la dernière Berlinale, Kaori Imaizumi, infirmière, a réalisé Just Pretended to Hear… durant son congé maternité. Des conditions étonnantes qui révèlent une tout autre façon de faire du cinéma au Japon. Mais Just Pretended to Hear, mélo sensible et prometteur, a d’autres qualités que celles d’un simple tour-de-force. Entretien avec la réalisatrice.

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FilmDeCulte : Vous êtes cinéaste mais aussi infirmière, et vous avez tourné Just Pretended to Hear durant votre congé maternité. Pouvez-vous nous parler de ces conditions de tournage assez particulières ?

Kaori Imaizumi: Si je me suis lancée dans la réalisation tout en continuant à travailler comme infirmière, c’est avant tout parce que la technologie moderne me le permettait. Il est désormais devenu relativement facile de faire un film avec un ordinateur et une caméra. Bien sûr la qualité n’est pas toujours la même, mais je me suis dit que cela valait tout de même le coup d'essayer. J'ai fait ce film durant mon congé maternité car il m’était impossible de le mettre en scène tout en poursuivant mon travail d’infirmière. J'ai des enfants, et je n'aurais pas pu faire de film sans cette longue période de temps libre. C'est difficile d'être à la fois mère, infirmière et réalisatrice. C’est bien sûr plus facile quand on a déjà à son actif des films qui ont marché, cela assure une source de revenus.

FdC : On a pu voir récemment d'autres films japonais réalisés par des gens qui ont parfois une autre profession qui n'a rien à voir avec le milieu, comme Saudade réalisé par Katsuya Tomita, qui est chauffeur routier, ou The Sound of Light de Juichiro Yamasaki qui travaille dans une ferme. Qu'est-ce que cela révèle, selon vous, sur l'état de la production japonaise, ou de la société japonaise ?

KI: Malheureusement, je connais encore mal ces deux réalisateurs. Si je continue à travailler comme infirmière, c'est avant tout pour gagner ma vie. On ne peut pas survivre en étant simplement réalisateur, surtout dans le cinéma indépendant japonais.

FdC : Comment avez vous dirigé vos deux jeunes actrices principales ?

KI: Pendant les répétitions, Hana Nonaka (Sachi) et moi partagions nos impressions au fil du scénario. On réfléchissait ensemble aux sentiments éprouvés par Sachi, et je la laissais libre pendant les prises. Je ne l'ai pas tellement dirigée, finalement. C'était la même chose pour Meru Goda (Nozomi) : dès l’étape du casting elle maîtrisait déjà son personnage.

FdC : Votre film est très beau. Pouvez-vous nous parler du traitement visuel que vous souhaitiez apporter à cette histoire ?

KI: Je voulais retranscrire visuellement le ressenti de l'héroïne : la façon dont le temps s'est arrêté pour elle, et la tension qui en découle. Je crois et j'espère que cette atmosphère transparait dans le film.

FdC : Just Pretended to Hear parle de fantômes mais n'est jamais un film fantastique. Seriez-vous intéressée à l'idée de faire un film de genre ?

KI: Oui, le fantastique est un moyen d'expression qui m'intéresse, mais ce n’était pas la direction que je souhaitais prendre cette fois-ci. Je voulais justement montrer comment l'héroïne évolue en refusant le surnaturel.

FdC : Quels sont les cinéastes qui vous inspirent ?

KI: Mes réalisateurs préférés sont Bong Joon-Ho, Woody Allen, Milos Forman et Jun Ichikawa.

FdC : Quels sont à vos yeux les aspects les plus excitants du cinéma japonais récent ? Quels jeunes réalisateurs admirez-vous ?

KI: Je trouve ça passionnant que beaucoup de films indépendants japonais aient été diffusés dans des grandes villes, comme Tokyo et Osaka. Par contre il est dommage ces films n’aillent pas encore jusque dans les zones rurales. Récemment, s'il y a un réalisateur qui me rende enthousiaste, c'est mon mari, Rikiya Imaizumi dont les films sont des chefs d'œuvre !

Entretien réalisé le 30 octobre 2012. Un grand merci à Naoko Sumii et Mari Kajiwara.

par Nicolas Bardot

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