Pascal Greggory

Pascal Greggory
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Acteur

Le destin de Pascal Greggory ressemble à un conte dans lequel le héros a du suivre un parcours initiatique avant de pouvoir quitter sa peau pour finalement devenir un homme. Le vilain petit canard se transformant en un majestueux cygne. Un passage vers la maturité physique et artistique orchestré de mains de maître par son mentor Patrice Chéreau. Le haut de l’affiche n’attendait que lui.

INTELLO PETIT CANARD

C’est par une journée de début septembre 1955 que vint au monde Pascal Greggory. On sait de son éducation qu’elle fut bourgeoise et protestante. Quelques images, telles sa mère assise à un piano et son père dont l’entreprise était chargée du traçage des lignes blanches sur les routes. C’est qu’il n’est pas enclin aux confidences sur les premières années de sa vie et ne se sent pas toujours en accord avec la bourgeoisie dont il est issu: "Les bourgeois ont le sentiment d’avoir toujours raison. La façon dont ils vivent, dont ils parlent, dont ils élèvent leurs enfants est obligatoirement la meilleure. Je préfère les extrêmes, les gens très riches ou très pauvres". Il n’a jamais eu le sentiment de faire corps avec ce milieu, préférant l’inconfort de la marge. Aujourd’hui encore, lors des visites dans sa famille, il a cette sensation d’être à la traîne, le petit dernier qui a quelque chose à prouver. Mais le petit dernier a fait du chemin et le mouton noir a, au fil des années, trouvé l’assurance d’assumer pleinement la couleur qu’il s’est choisie. En 1973, après avoir raté son bac, il sera auditeur libre au conservatoire à l’invitation d’Antoine Vitez. Les choses se déroulent plutôt bien pour lui et il décroche des rôles dans des petits films commerciaux: Docteur Françoise Gailland ou encore Madame Claude. Il fait ensuite une excursion dans le cinéma expérimental avec Flammes, en 1978, de Adolfo Arrieta, auteur avec lequel il retournera pour un film qui ne sera pas distribué. Entre ces deux films, le cinéma d’auteur lui ouvrira ses portes et, en 1979, sa rencontre avec André Téchiné l’entraînera dans l’aventure des Sœurs Brönté, pour lequel il sera Branwell, le frère maudit des trois sœurs, l'un de ses meilleurs rôles. Auréolé de ce succès, une amie lui glisse de prendre contact avec Eric Rohmer. Un avis qu’il a eu bon ton de suivre car il tournera avec lui deux de ses meilleures comédies, Le Beau Mariage et Pauline à la plage. Il est aussitôt catalogué jeune premier intello, mais c’est une image qui ne lui colle pas bien à la peau. En effet, il n’était alors pas très à l’aise avec ce grand corps sec dénudé par le maillot de bain, et également mal dans sa tête. "Je savais des choses sur la vie beaucoup plus fortes que ce que je représentais, le physique n’allait pas avec le moral et la pensée". Il tournera, dix ans plus tard, un autre film avec Rohmer L’Arbre, le maire et la médiathèque et, avant cela, apparaîtra dans les bluettes kitsch et farfelues d’Arielle Dombasle, sa partenaire de Pauline à la plage.

LE PÈRE QUE J’AI TOUJOURS CHERCHÉ

Il est jeune, beau, célèbre, les gens le reconnaissent dans la rue mais, inconstance oblige, la gloire le quitte aussi vite qu’elle est venue. Il tourne de temps à autre, des rôles alimentaires qui le laissent frustré d’autant plus qu’ils ne passent pas inaperçus: "On pense toujours que les gens ne regardent pas mais en fait ils regardent. Alors on est d’autant plus surpris et désespéré qu’on vous associe à du bas de gamme". Il travaille de moins en moins et va s’étourdir la tête et les sens dans les soirées techno de la capitale. C’est l’engrenage, il sort de plus en plus, et vu qu’il ne sait pas trop ce qu’il fait devant une caméra, il décide de donner priorité aux excès, sans se soucier du reste. C’est un soir de 1987 qu’inconsciemment, il va sortir de cette crise autant existentielle qu’artistique. Une rencontre va le remettre sur les rails. Un soir, un dîner au restaurant, seul. Un autre homme est seul à sa table. Cet homme c’est Patrice Chéreau. Il voit Pascal, le salue et s’installe à sa table. La rencontre, somme toute banale, de deux solitudes, qui aurait pu en rester là. En effet, au début il n’était nullement question de collaboration entre les deux hommes. Patrice Chéreau était en train de préparer Hamlet au théâtre et n’a alors jamais considéré lui donner un rôle. Il trouve que Pascal a un côté trop dilettante. Qu’il se repose sur ses lauriers au lieu de se chercher comme acteur, qu’il joue mal, qu’en fait son physique de jeune premier et les films de Rohmer l’ont à la fois révélé et enterré. Malgré ou peut-être à cause de cela, Chéreau devient son pygmalion. Le metteur en scène qu’il est perçoit le potentiel caché, il va donc lui apprendre à jouer, à aller à la rencontre de l’homme sous l’image du jeune premier. "Patrice Chéreau recherche les défauts des acteurs et aime leur faire faire des choses qu’ils n’ont jamais faites". C’est la révélation pour Pascal qui, au contact de ce mentor, va entreprendre un énorme travail sur lui. Il va non seulement développer son jeu, mais décide de s’assumer enfin tel qu’il est grâce à une psychothérapie. Une fois l’âme soignée, il s’attaque à ce grand corps dont il ne sait que faire et, à grand coup de musculation, développe un physique plus masculin, qui lui donne la confiance qui lui faisait tant défaut. Enfin bien dans sa tête et dans son corps, il est maintenant en mesure de trouver la place qu’il mérite sur grand écran.

LA MÉTAMORPHOSE ASSUMÉE

Le nouveau Pascal Greggory ne passe pas inaperçu. Il sera le débauché Duc d’Anjou dans la magnifique fresque de Chéreau La Reine Margot, où il livre une interprétation remarquable et remarquée. Seulement chassez le naturel et il revient au galop. Il se perd ensuite dans la série télé dégoulinante La Rivière Espérance, ce qu’il revendique en déclarant qu’"un acteur doit être de tous les univers". Cela dit, au moment de la diffusion, il sera sur les planches avec Patrick Chéreau pour jouer le client de Dans la solitude des champs de coton, la magnifique pièce duettiste de Bernard Marie Koltès. Il ne comprend rien au texte, alors Chéreau le guidera, lui apprendra à lire entre les lignes pour aller chercher au fond de lui-même le ton à coller aux mots, allant jusqu’à le rejoindre sur scène dans le rôle du dealer. L’histoire de deux êtres, un dialogue hallucinant sur la transaction commerciale et amoureuse. Regonflé à bloc, il crève l’écran en 1998 avec Ceux qui m’aiment prendront le train. Il y sera François, critique d’art solitaire qui, en ce jour d’enterrement, a décidé de justement être en deuil de tout. Il veut en finir avec les trois hommes de sa vie et terminera le film seul, comme il l’a souhaité. Un rôle qui va le voir nommé pour la seconde fois aux César, après La Reine Margot, rendant ainsi hommage à la force, au magnétisme quasi animal qu’il imprime sur la pellicule. Magnétisme encore plus à l’état brut dans Zonzon de Laurent Bouhnik. En effet, son métier c’est avant tout son physique, ses traits, toutes les intonations de sa voix. Il n’hésitera donc pas à le modeler ce corps, quatre heures de musculation par jour pendant deux mois. Il rencontrera un caïd, ex-détenu, qui lui permettra de se forger une vraie carapace. Devant la caméra, avant même d’avoir ouvert la bouche, son corps façonné, tatoué, crie ce qu’il est devenu. Un pied de nez au jeune homme fluet de Pauline à la plage, désormais à la trappe. Il s’assume enfin en homme et n’a pas peur de prendre des risques. Ainsi, cette même année 1998, il fait un crochet par la Belgique pour interpréter Guido, dans Pourquoi se marier le jour de la fin du monde?, une œuvre exigeante à la beauté fragile, passée malheureusement inaperçue en France. Il y est hallucinant de noirceur, livrant une interprétation très inquiétante, mais c’est surtout la puissance de son jeu qui impressionne. Les offres se succèdent pour lui maintenant que son art et son physique sont à l’apogée. Il a la chance de posséder la séduction d’un homme jeune doublée d’un physique de la quarantaine, qui assume tout en laissant la part belle à son côté féminin.

L’HOMME BLESSÉ

En 1999, il tournera aux côtés de Raoul Ruiz pour Le Temps retrouvé. Puis Besson le croisera dans un studio de doublage et, sans bien trop savoir encore quel personnage il veut lui faire jouer, lui avoue qu’il le voudrait bien dans son prochain film. Pascal le trouve sympathique et aime le naturel de cette démarche. Il sera de l’aventure Jeanne d'Arc. Le tournage sera une belle expérience pour lui, même s’il préfère le travail de troupe de Chéreau à la manière un peu trop hollywoodienne de tourner de Besson. Tourner sur des grosses productions ne lui donne pas d’arrogance et on le retrouve dans le second long métrage de Gaël Morel, Tu seras un homme, lui aussi révélé par Téchiné et partenaire de Zonzon, avant Un ange de Michel Courtois. En 2000 il sera Clève, en quête du bonheur impossible chez Zulawski face à Sophie Marceau qui lui préfère un autre. Puis c’est l’écrivain Ilan Duran Cohen qui, adaptant son roman La Confusion des genres, lui offre le rôle de cet avocat déboussolé, partagé entre les hommes et les femmes, l’amour physique et le mariage, la fidélité et l’inconstance. Un homme qui ne s’aime pas et qui a donc du mal à aimer les autres. Il est désormais incontournable dans les rôles d’homme blessé, avec son air d’éternel ado. Il le dit lui-même: "J’ai l’impression d’être né à 35 ans", et se définit comme un "étudiant attardé" aussi à l’aise sur la piste d’une soirée techno qu’en costume trois pièces. Il prouve aussi cette versatilité sur le grand écran où, en 2002, il sera le gardien de nuit moustachu à la détente facile de Nid de guêpes, de Florent-Emilio Siri, avant de remonter le temps pour retrouver Laurent Bouhnik dans l’adaptation de la nouvelle de Stephan Zweig, 24 heures de la vie d’une femme. C’est en demi-teinte, dans un rôle qui aurait mérité d’être plus étoffé, qu’il sera ensuite sur les écrans, dans le film d’Olivier Dahan, La Vie promise. Il devra attendre Jacques Doillon l’année suivante pour de nouveau donner la pleine mesure de son talent dans Raja, où il est Fred, amoureux touchant et maladroit de sa domestique qui ne pense qu’à profiter de la situation. 2003 marque également les retrouvailles avec Patrice Chéreau pour un petit rôle de médecin dans Son frère. Son pygmalion qui lui offre en 2005 un rôle cadeau avec pour partenaire Isabelle Huppert, qu’il retrouve pour la troisième fois après Les Sœurs Brontë et La Vie promise. Le duo est à l’affiche du magnifique huis clos Gabrielle, où les coups se donnent par le verbe. Pascal Greggory y est Jean, mari quitté et réinvesti qui découvre qu’il aime une femme qu’il ne connaît pas malgré les dix ans qui couronnent leur union. Un exercice de style pour une interprétation toute en sensibilité. En 1998, il avouait lors d’une interview espérer devenir l'une de ces gueules de ciné qu’on retient. Sept ans après, le contrat est depuis longtemps rempli. Pascal Greggory a lentement mais sûrement gagné ses galons de gueule que l’on a pas envie d’oublier.

par Carine Filloux

En savoir plus

2005 Gabrielle 2004 Arsène Lupin 2003 Raja 2003 Son Frère 2002 24 heures de la vie d’une femme 2002 La Vie promise 2002 Nid de guêpes 2001 Un ange 2000 La Confusion des genres 2000 Pourquoi se marier le jour de la fin du monde? 2000 La Fidélité 1999 Jeanne d’Arc 1998 Zonzon 1998 Ceux qui m’aiment prendront le train 1997 Lucie Aubrac 1994 La Reine Margot 1993 L’Arbre, le maire et la médiathèque 1983 Pauline à la plage 1982 Le Beau Mariage 1979 Les Sœurs Brontë 1978 Flammes 1977 Madame Claude 1975 Docteur Françoise Gailland

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