Entretien avec Guillaume Morel - Survivance

Entretien avec Guillaume Morel - Survivance

La 5e édition du Salon de l’Édition DVD Indépendante a lieu ce weekend à Paris ! 19 éditeurs DVD indépendants sont présents pour vous faire découvrir des centaines de DVD en tout genre. Des projections, rencontres et dédicaces auront lieu au cinéma La Clef. Après Potemkine, Blaq Out et Ed Distribution ces trois dernières années, c'est Survivance qui, à travers son co-fondateur Guillaume Morel, a répondu à nos questions. Guillaume Morel nous parle notamment de ses paris en matière de cinéma d'auteur - dont certains des nouveaux cinéastes les plus excitants du moment.

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Comment définirais-tu la ligne éditoriale de Survivance ?

L’idée était d’avoir une ligne qui soit avant tout l’expression affirmée d’un goût, avec tout ce que cela induit en lacunes et en subjectivité. Survivance n’a jamais voulu se spécialiser dans un genre ou une cinématographie, ou tendre vers une forme d'exhaustivité dans un genre, ce que d’autres éditeurs ou distributeurs feraient bien mieux. Ce que je trouve beau, que ce soit dans une programmation de festival, d’un cinéma, le catalogue d’un label de musique, c’est de voir se dessiner une vraie prise de position chez la personne qui, à un moment, a décidé de réunir des œuvres. J’ai été un peu guidé par cela. De faire confiance à mon goût et de tenter de le communiquer via une collection de films aussi différents que complémentaires. Et j’aime bien cette manière de mêler, dans notre collection DVD, des films a priori aussi différents que les essais de Farocki et ceux de Kleber Mendonça Filho. Peut-être que, vu de l’extérieur, cela manque de cohérence mais pour moi c’est un cheminement parcellaire dans l’histoire du cinéma. Ce cheminement très éclectique se dessine surtout dans notre collection DVD où des films très divers sont réunis sous la même identité graphique. Mais il y a des lignes de force.

J’ai rencontré Carine, mon associée qui s’occupe de la production au sein de Survivance, dans un cursus de documentaire, du coup se dessine un fort goût pour les formes documentaires. Sinon, ce qui me plaît, c’est de combler des lacunes, comme le cinéma de Farocki qui était inaccessible en DVD ou de faire découvrir des cinéastes encore peu identifiés en France, comme Kleber Mendonça Filho ou Koji Fukada. A posteriori on s’est rendu compte avec Carine que les cinéastes qu’on avait distribués ou édités étaient des cinéastes en colère qui venaient affronter cinématographiquement une sorte de refoulé de leur pays. C’est très clair chez Fukada, Ghassan Salhab, Filho ou Anocha Suwichakornpong.

Miser sur le défrichage et la découverte peut être un pari risqué. Quels ont été tes plus grandes réussites commerciales ? As-tu eu des déceptions et si oui lesquelles ?

C’est un risque pour la distribution, notamment pour se faire une place dans les cinémas parce que ce ne sont pas des cinéastes fléchés par Cannes ou des films précédents. De plus, on n’a pas les moyens de passer en force avec un budget marketing important. Notre plus grande réussite est celle des Bruits de Recife. Sinon le DVD permet d’initier la découverte de cinéastes importants avec un risque moindre. Pour les déceptions, 2016 a globalement été compliqué pour nous et pour le cinéma qu’on cherché a distribué plus globalement. J’avais deux films auxquels je croyais beaucoup : La Vallée et Court (En instance). La Vallée de Ghassan Salhab est pour moi un grand film de mise en scène, à la fois métaphorique et géopolitique, qui a vraiment été boudé par les programmateurs. Court (En instance) a eu une meilleure distribution en salles et un bel accueil critique mais je pensais que le film marcherait mieux. C’est vraiment un exemple rare de « fiction documentée ». Je pense vraiment qu’on n’avait jamais vu la justice, la contestation et l’Inde de cette manière au cinéma.

Survivance a activement participé à la découverte de cinéastes singuliers tels que Koji Fukada, Anocha Suwichakornpong ou Kleber Mendonça Filho dont les tout derniers films ont accédé aux festivals les plus importants cette année. En tires-tu une certaine fierté ?

Oui ça fait toujours plaisir, cela légitime le travail de prospection, surtout quand peu de monde y croyait au début. Au revoir l’été a été montré dans cinq salles la semaine de sa sortie et, cette année, Koji Fukada remporte un prix à Cannes avec Harmonium qui connaîtra du coup une belle sortie en salles j’imagine. C’est surtout que ce sont des cinéastes qui ont commencé avec peu. Koji bricolait ses films pour 5.000 € pendant des années, Kleber et Anocha s’autro-produisaient donc tant mieux si, même à notre petite échelle, on peut faire en sorte qu’ils soient mieux repérés.

Quel est l'enjeu pour vous d'un salon comme celui de l'édition DVD indépendante auquel tu participes ?

Surtout de dire que le DVD reste pour moi le vrai support cinéphile et que c’est plus qu’un dérivé de la sortie en salles. C’est un objet qui permet de faire le tour d’un film, d’un cinéaste. C’est un objet qu’on se prête, qu’on s’offre. A cet égard il faut qu’il soit le plus beau et le plus complet possible pour qu’il garde un intérêt face à la VOD. Ce qui est intéressant est aussi d’échanger avec le public parce que ce travail d’édition est peu connu.

Peux-tu nous parler des prochaines sorties ou productions de Survivance ?

Nous allons sortir deux documentaires que nous avons aussi produits. Tout d’abord, Bienvenue à Madagascar de Franssou Prenant, primé à Belfort, qui, comme son nom ne l’indique pas, est un portrait d’Alger sur les 60 dernières années. La forme du film est inouïe, basé sur un échafaud de voix-off. Je n’avais vu ça que chez Marker, un tel bain d’images et de voix. Il y a Bricks ensuite, de Quentin Ravelli, un film très brillant qui déconstruit la crise financière et immobilière de l’Espagne à travers un objet : la brique. Nous distribuons ensuite Sayonara, le film de science-fiction de Koji Fukada qui sera présenté en janvier au Festival Kinotayo à Paris. Koji Fukada va très loin par rapport à ses précédents films. Le robot du film est joué par un véritable prototype de robot et il y a des prouesses formelles assez sensationnelles. Concernant le DVD, nous préparons deux projets importants : un coffret des premiers films de Tsaï Ming Liang restaurés et un autre de quelques films d’Harun Farocki.

Entretien réalisé le 30 novembre 2016.

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par Nicolas Bardot

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Le Salon de l’Édition DVD Indépendante a lieu les 3 et 4 décembre à Paris. Toutes les infos ici !

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