Nos Funérailles

Nos Funérailles
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New York, années trente. La famille Tempio se réunit pour pleurer un de ses membres, Johnny, qui vient d’être assassiné. Il y a là Ray, le chef du clan, qui n’attend que le moment propice pour venger la mort de son jeune frère. Il y a aussi Chez, l’autre frère, dévoré par une maladie mentale qui le rend incontrôlable. Et puis il y a les femmes, veuves noires à la dignité opaque. Ensemble, tous se souviennent de Johnny. Mais vient l’heure de la vengeance, suivie du cortège de haine et de folie qui l’accompagne.

Dans la filmographie d’Abel Ferrara, The Funeral fait suite à The Addiction (1995). Les points communs entre ce dernier, qui traite du vampirisme contemporain, et le suivant, sur la dérive d’une famille mafieuse à l’époque de la prohibition, sont nombreux, même si cela peut paraître surprenant. Il faut dire que l’œuvre d’Abel Ferrara se distingue par une cohérence d’ensemble remarquable autour d’un thème, qui pourrait être résumé ainsi: la chute de l’homme.

FILM NOIR

Nos Funérailles donne l’étrange impression au spectateur de se retrouver devant un film en noir et blanc. En effet, tout y est noir: les costumes des personnes endeuillées, les limousines, la nuit qui enveloppe les scènes extérieures et les salles de cinéma… La seule couleur vive est celle du sang, synonyme de mort et de souffrance. Ce rougeoiement au milieu des ténèbres symbolise à merveille l’état crépusculaire du film. Mais il s’agit bien d’un polar, d’un film de genre ou plutôt qui va jusqu’au bout de son genre. Nos Funérailles porte alors vraiment bien son nom, puisque Ferrara enterre le mythe des gangsters flamboyants de façon plus cruelle et plus définitive encore que ne l’ont fait Coppola ou Scorsese. Et d’une manière tellement brillante. Maîtrisée à l’extrême, la réalisation épate par son élégance chez un auteur à qui on a souvent reproché son côté foutraque. La lenteur du rythme en fait un film austère, mais parfaitement adapté au script de Nicholas St-John, scénariste attitré de Ferrara, qui a ciselé des dialogues fabuleux. Une seule phrase de Jean (Annabella Sciorra), l’épouse de Ray (Christopher Walken), résume l’essentiel: "Ce sont des criminels, et il n’y a absolument rien de romantique là-dedans".

LA NUIT DES MORTS-VIVANTS

Christopher Walken n’a jamais autant ressemblé à un mort-vivant, plus encore que dans Le Roi de New York, déjà sous la direction de Ferrara. Véritable vampire, il suce le sang de sa famille, qu’il mène à sa perte. Son frère, Cesarino, dit Chez, prend conscience de cette impasse. Chris Penn habite ce personnage. Découvert chez Tarantino dans Reservoir Dogs, il est l’absolue révélation du film, qui lui offre le rôle de sa carrière. Toute la douleur de son âme transpire dans sa magistrale interprétation d’un blues. Vincent Gallo est le jeune frère assassiné. Passionné de cinéma, il ne s’intéresse pas vraiment aux "affaires" de la famille. Mais est-il vraiment l’innocent injustement frappé? Quant aux actrices, aux noms prédestinées de veuves siciliennes (Annabella Sciorra et Isabella Rossellini), elles jouent à merveille l’impuissance et la détresse devant la violence masculine. Mais cette fois leur amour ne suffira pas à la rédemption. Car la mort recouvre tout de son voile noir: elle ouvre le film par un enterrement, et le clôture par un massacre.

par Yannick Vély

En savoir plus

Collaborateur fidèle d’Abel Ferrara, Nicholas St-John travaille avec lui depuis Nine Lives of a Wet Pussy, premier film du duo (pour adultes, s’il est nécessaire de le préciser). Leur dernière collaboration est Nos Funérailles, mais St-John a aussi écrit Body snatchers, Le Roi de New York ou encore The Addiction pour ne citer que ceux-là.

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