Kristen Stewart

Kristen Stewart
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Actrice
États-Unis

Kristen Stewart n’est pas Bella Swan. Chassons ce malentendu : Kristen Stewart est née bien avant la saga Twilight, dans des rôles de marginales et de filles tordues qui ne manqueraient pas de faire des doigts à tous ses haters. Kristen n’est pas spécialement réputée pour sa bonne humeur printanière ou son sourire étincelant de sœur Marie-Paule. Si cela ne tenait qu’à elle, Kristen resterait seule chez elle à regarder le plafond avec son chat. Avant Twilight, il n’y a ni loup-garou, ni vampire. Le loup dans la bergerie, ce serait plutôt elle. La sortie de Sur la route de Walter Salles, ce projet qu’elle attend et chérit depuis si longtemps, devrait totalement dissiper le malentendu. La prédatrice, c’est elle.

LA VIERGE MISE A NUE PAR SES PRETENDANTS

Scène de la vie quotidienne : Kristen jette un nez dehors et une armada de paparazzi immortalise sa sortie des poubelles. Kristen pousse son caddie au supermarché ; sous les roues, elle est sûre d’y trouver au moins trois stalkers psychotiques. "Les attroupements de filles me foutent la trouille." L’actrice a arrêté de s’en plaindre. Une parole de travers et son comité de non-soutien l’égorge sur la place publique. En Argentine, pendant le tournage de Sur la route, la production a dû ruser pour semer les indésirables anonymes et trouver une parade aux menaces d’enlèvement. On passera sous silence le statut de Robert Pattinson, son collègue de Twilight, lui aussi victime de harcèlement chronique. Le soir, après un bon sprint pour fuir les photographes, ils ont sans doute quelques anecdotes sympathiques à s’échanger. Les aléas de la célébrité, Kristen Stewart s’y était préparée sans vraiment savoir. A vingt-deux ans, elle a déjà quatorze ans de carrière derrière elle. Le succès phénoménal de Twilight semble être un accident dans son parcours émaillé de bides, d’inédits restés dans l’ombre et de productions modestes. Avec un père producteur de télévision à la Fox et une mère scénariste, Stewart n’a eu qu’à cligner des yeux pour infiltrer le milieu. Mais c’est un agent qui la repère à l’école, dans un spectacle de Noël (les agents font partie de ces espèces insaisissables qui prolifèrent dans des lieux insoupçonnés). Elle ne voulait pas monter sur scène, on l’a forcée à chanter. Elle a huit ans. A l’échelle d’Hollywood et de ses générations de Shirley Temple, c’est une broutille. Son premier film, un an avant Panic Room de David Fincher, est une production indépendante. Dans The Safety of Objects (2001), elle y joue un garçon manqué, tenant tête à une mère divorcée (Patricia Clarkson). Elle porte les cheveux courts et on la confondrait presque avec Macauley Culkin. Elle n’a pas vraiment le profil de celles qu’on pourchasse jusqu’aux toilettes. Quand on sollicite la jeune fille pour minauder dans une publicité, elle fait la gueule. Pas le genre coopératif.

BELLA DE JOUR

"Quand j’étais petite, je n’ai jamais été déguisée en princesse. Mon truc, c’était plutôt Dracula." Et on la croit volontiers. Avec sa dégaine de rockeuse, son regard effronté et sa bouche moqueuse, Kristen Stewart mordrait sans hésiter. Dans Blanche-neige et le chasseur, elle plante ses ravissantes quenottes dans une pomme empoisonnée. On a connu morsure plus flippante, certes. Mais la relecture moderne du conte de Grimm par Rupert Sanders a tout pour retenir son attention. Blanche-neige n’est plus la jouvencelle en sabots qui s’épanouit dans le ménage et la cuisine. C’est une fugitive et une guerrière qui prépare le renversement d’un royaume maléfique. Sous la robe (traînée dans la fange), la princesse porte un pantalon. A peine échappée de sa cellule, elle se jette à l’eau, revêt une armure, lève une armée… Kristen Stewart a visiblement plus d’atomes crochus avec Jeanne d’Arc qu’avec Blanche-neige. Sa distraction préférée, c’est la subversion. C’est la première à vouloir corrompre la vierge et l’ingénue. Quand elle passe le casting de Twilight, elle n’a pas lu le livre, elle ignore tout du culte qui l’entoure. Le premier volet de la saga est réalisé par Catherine Hardwicke, qui a révélé Evan Rachel Wood dans Thirteen dans un rôle d’adolescente frondeuse qui se scarifie. Sur le papier, le projet est séduisant et le résultat n’est pas aussi effroyable qu’on le dit. Les quatre suites ressemblent davantage à des punitions ; elles la figent dans un registre légèrement sirupeux. Le goût de Stewart pour les figures tourmentées ne date pas d’hier. Une partie de sa filmographie est un catalogue de jeunes filles en crise ou mal dans leur peau. Dans Speak, Melinda choisit le mutisme après avoir été violée. Dans Welcome to the Rileys, Mallory est une sans-abri qui fait du pole dance dans des boîtes de strip-tease. Dans Adventureland, la très influençable Em boit, fume, jure et s’ennuie ferme dans un parc d’attraction. Ses rôles semblent raconter mieux qu’elle le spleen des tournées promotionnelles : dans cette vie surexposée, au milieu de bénis oui-oui et d’actrices robotes ayant réponse à tout, Stewart revendique le droit de casser l’ambiance et de ne pas trouver ses mots.

HELLO MARYLOU

Deux rôles ont marqué les esprits : celui de Joan Jett dans Les Runaways, où Kristen Stewart, armée d’une guitare, semble faire la synthèse rock de tous ses personnages (rébellion et sex-appeal) ; celui de Tracy dans Into the Wild, amoureuse de passage qui surgit sans crier gare, une guitare à la main (elle aussi), et retient de sa voix fragile un héros vagabond (Emile Hirsh). Elle le dévore des yeux. Mais la caméra de Sean Penn ne voit qu’elle. Ses longs cheveux en bataille, ses jambes blanches de sauterelle, sa douceur et sa vulnérabilité. C’est Stewart elle-même qui compose et écrit la chanson de Tracy. C’est une facette peu connue de l’actrice : la littérature la passionne. Elle qui a dû abandonner l’école pour suivre des cours par correspondance, rêve d’écrire un roman. Ses étagères n’accueillent pas seulement l’œuvre complète de Stephenie Meyer, on y trouve Henry Miller, Norman Mailer ou John Steinbeck. Elle y puise son inspiration. Elle languit de rôles comme celui de la monstrueuse Cathy dans A l’est d’Eden. Sur la route de Jack Kerouac fait partie de ses obsessions. Alors que Walter Salles recherche "sa" Marylou (LuAnne Henderson, la première femme de Neal Cassady, alias Dean Moriarty, personnage emblématique de Sur la route), son compositeur Gustavo Santaolalla et Alejandro Inarritu lui soufflent de regarder le film de Sean Penn. This is the girl. Marylou, ça ne peut être que cette fille-là. Dès qu’elle a vent du projet, Stewart s’y agrippe de toutes ses forces. En dépit d’une pré-production interminable, elle restera, comme l’acteur Garrett Hedlund (Dean Moriarty), fidèle à Salles pendant des années. Les deux craignent que ces rôles en or leur glissent entre les doigts. Le tournage de Sur la route s’écrit au fil des improvisations, au gré de l’errance. Pour Stewart, il correspond à une certaine idée de la plénitude : une équipe réduite, une amitié fusionnelle avec Garrett Hedlund et Sam Riley, une vie de bohème qui passe comme un enchantement. Pas d’agents, pas de gardes du corps ni de maquilleurs… Seulement le jeu, la magie de l’instant. A propos du trio qu’il formait avec ses compagnons de voyage, Kerouac écrivait : "C'étaient trois enfants dans la nuit de la terre qui voulaient affirmer leur liberté et les siècles passés, de tout leur poids, les écrasaient dans les ténèbres." Mais Kristen Stewart ne rêve que de ça : débusquer dans l’ombre une étincelle.

par Danielle Chou

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