Kiyoshi Kurosawa

Kiyoshi Kurosawa
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Réalisateur, Scénario

On associe souvent le nom de Kiyoshi Kurosawa à ceux de la Nouvelle Vague japonaise, comme Hideo Nakata. Mais à la différence d'un Nakata à la filmographie naissante, Kurosawa (aucun lien) a déjà à son actif une vingtaine de long métrages en autant d'années de carrière. Le point commun entre ces différents metteurs en scène (auxquels on peut ajouter Tsukamoto ou Miike), c'est qu'ils oeuvrent chacun dans la série B (horreur, thriller, etc...) tout en étant de véritables auteurs. Kurosawa le premier.

CONFUSION

Le monde est persuadé que Kiyoshi Kurosawa est né quelque part en 1999, lorsque trois de ses films, Licence to Live, Charisma et Barren Illusions sont respectivement projetés aux festivals de Berlin, Cannes et Venise. Quel est donc ce réalisateur au nom illustre mais à l'identité floue, obsédé par la déliquescence de la société industrielle nippone, l'effondrement salvateur des valeurs d'un pays qui s'enfonce dans le chaos et les personnages rongés par les doutes identitaires? Quelques années auparavant, Kurosawa obtenait son premier budget conséquent pour réaliser l'un de ses films les plus connus, Cure. Dans ce thriller psychologique racontant l'enquête d'un inspecteur traquant un serial killer qui tue ses victimes en leur plantant une croix dans le cou, Kurosawa expose toute sa noirceur et son goût pour le trouble mystérieux. Il s'agira là de son premier réel succès au Japon, et l'un de ses premiers retentissement à l'international, posant les galons d'un metteur en scène qui se plaît à transcender les limites de la série B tout en se conformant à ses codes.

Une quinzaine d'années auparavant, au début des 80’s, Kurosawa est étudiant en sociologie et réalise des courts métrages en 8mm. Les grands studios s'effondrent et les ambitions cinématographiques du jeune homme semblent contrariées. Pourtant, l'un de ses courts sera récompensé, poussant le Japonais à confirmer ses efforts. D'abord assistant réalisateur, il met en scène son premier long métrage en 1983 avec Kandagawa Wars, qui sera un échec. Les années se suivront au rythme des romans pornos (dont le plus connu, The Excitment of the Do Re Mi Fa Girl, est parfois comparé à La Chinoise de Godard) et des films de yakusas sous l'influence de ses maîtres, Don Siegel et Sam Peckinpah. Kurosawa tourne à toute vitesse, sans que la reconnaissance n'aille à la même allure. Le meilleur exemple est sa série inégale intitulée Suit Yourself or Shoot Yourself, composée de six films diffusés en vidéo ou à la télévision. Pourtant, l'auteur se forge et son identité se fait de plus en plus affirmée.

CHAOS

En 1992, Kurosawa réalise The Guard from the Underground, film d'horreur où brillent son sens du cadre et sa maîtrise de l'espace pour ce huis clos carpenterien. Le metteur en scène y effectue une allégorie de l'enfer, une thématique que l'on retrouvera par la suite dans sa carrière. "Le point de départ pour réfléchir à l'avenir, c'est la destruction totale", déclare t-il. Il en découle ainsi les dernières images de Charisma et de Kaïro. Dans le premier, un homme retiré dans une forêt découvre au loin une ville rongée par les flammes, plongée dans un chaos infernal. Dans le second, des jeunes gens tentent de fuir un Tokyo imprégné de fantômes et livré à la destruction. La tonalité apocalyptique n'est pas le seul point commun à ces films: ceux-ci sont habités par le motif de la solitude, de l'absence. Charisma, son western métaphysique présentant une communauté qui se déchire autour d'un arbre maléfique, est peuplé de plans larges et vides qui perdent ses personnages. Kaïro approfondit cette thématique en confondant fantômes et humains. Le film raconte la propagation d'une épidémie par le net propageant la mort et faisant de ses victimes autant de fantômes. Chez Kurosawa, il n'y a guère de différence entre les fantômes, emprisonnés dans une solitude éternelle symbolisée par la mort, et les vivants, otakus accrochés à leurs écrans comme autant de preuve d'une solitude urbaine typiquement nippone. Le Tokyo de Kaïro est en ce sens particulièrement désolé.

Avec ce dernier film, Kurosawa s'inscrit plus particulièrement dans la vague fantastique japonaise qui a réveillé le box-office et la création locale. Comme dans le Ring de Nakata, Kurosawa contribue à renouveler la figure du fantôme japonais. Après la K7 de Sadako, Kaïro présente des fantômes technologiques qui s'échappent du net. Pour leur représentation, alors que Nakata se conforme à l'esthétique classique (jeune femme en robe blanche et long cheveux sur le visage), Kurosawa s'inspire des peintures de Bacon qui rejoignent d'une certaine façon la représentation traditionnelle en ce qui concerne la torsion des corps. Ses fantômes, visuellement plus humains, nourrissent l'ambiguïté qui intéresse Kurosawa: "Dans les grandes villes comme Tokyo ou Paris, la mort est une chose cachée, occultée dans la vie quotidienne, on en a perdu conscience. Avec ces nouvelles technologies, on pense à un avenir immortel". Dans son film d'horreur urbain, Kurosawa mêle fantômes et êtres humains, et au-delà se sert du fantastique pour faire état d'un malaise social ancré dans un Japon moderne. Après cette oeuvre parfaitement maîtrisée, le Japonais connaît sa première sélection officielle en compétition à Cannes (faisant suite à la présentation à Un Certain Regard de Kaïro) avec Jellyfish, l'histoire d'un jeune homme dont le meilleur ami est accusé de meurtre. De quoi explorer à nouveau ce qui selon lui fait l'essence de ses films, à savoir des "histoires d'hommes et de femmes qui, à partir d'un événement particulier, voient leur système de valeurs complètement perturbé et leur identité remise en question de fond en comble".

par Nicolas Bardot

En savoir plus

2002 Jellyfish 2000 Kaïro 1999 Barren Illusions 1999 Charisma 1998 Licence to Live 1997 Cure 1992 The Guard from the Underground 1985 The Excitment of the Do Re Mi Fa Girl 1983 Kandagawa Wars

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