Julianne Moore

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Actrice
États-Unis
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"La sensualité et l'urgence d'une jeune Joan Crawford, mais avec plus de profondeur, plus de contradictions". C'est en ces termes élogieux qu'Andre Gregory, qui l'a dirigée sur scène dans une adaptation de Oncle Vanya, parle de Julie Anne Smith, plus connue sous le nom de Julianne Moore.

LA CLASSE AMERICAINE

Julianne Moore naît sous le signe de la bougeotte le 3 décembre 1960 en Caroline du Nord. Fille d'un militaire qui a le don pour faire gigoter la petite famille Smith aux quatre coins des Etats-Unis, Julie Anne finit par s'établir à Boston, où apparaissent les premiers indices du virus de la comédie lors de cours d'art dramatique. La mise en pratique aura lieu quelques temps plus tard, sur les scènes new-yorkaises. Julianne Smith existant déjà, Juli (son surnom) deviendra Julianne Moore. Mais jouer l'Ophélie d'Hamlet n'ouvre pas forcement toute grande l'immense porte hollywoodienne: la case départ se situe à l'étage soap. As the World Turns: riches et élégantes dames en fourrure, intrigues amoureuses et gentlemen de velours, le succès est au rendez-vous depuis 1956. Peu de temps après Courteney Cox (et quelques années avant James Van Der Beek), Moore s'y illustre en tant que charmante pâquerette, et se fait déjà remarquer en étant récompensée d'un Daytime Emmy Award, catégorie "Ingénue". Il est en tout cas bien tôt pour parler de déclencheur: les seuls exploits cinématographiques de Julianne Moore consistent alors à succomber sous la malédiction d'une momie dans le pénible Tales of the Darkside (1990), et ce entre deux soaps.

C'est d'abord Curtis Hanson, réalisateur quelques années plus tard de LA Confidential et de 8 Mile, qui croise sa route et lui offre un second rôle dans La Main sur le berceau, téléfilm amélioré où Rebecca de Mornay menace de briser un petit cocon familial uni (Moore faisant partie des oeufs cassés). Suite à l'obscur Gun in Betty Lou's Handbag, elle apparaît à l'affiche du blockbuster Le Fugitif (1993), mais on remarque davantage Harrison Ford que le docteur que Julianne Moore y interprète. L'année sera pourtant riche: Body (navet dont elle garde un souvenir atroce), Benny & Joon (au côté de Johnny Depp) et surtout Short Cuts, qui la révèle, notamment grâce à une scène de monologue dans une tenue assez particulière. Après avoir tourné sous le regard du maître Altman, Moore enchaîne avec Louis Malle (dont ce sera le dernier film), qui la dirige dans Vanya, 42e rue. Dès lors, sa carrière pétille, mais pas grâce aux supposées évidences de sa filmographie. On oubliera ainsi volontiers les médiocres Neuf mois aussi et Assassins qui, s'ils lui ont permis de copiner avec Hugh Grant et Sylvester Stallone, n'ont que peu rendu grâce à son talent.

La même année, c'est Todd Haynes qui lui offre son plus beau rôle dans Safe, ovni éthéré où une femme au foyer souffre d'un mal dont on ne prononce pas le nom au cours du film. Malaise urbain, allégorie du sida ou film féministe annonçant Loin du paradis, Safe se fait une petite réputation de curiosité miraculeuse, dans laquelle Julianne Moore excelle. L'actrice s'est par la suite fait une spécialité des rôles de femmes au foyer sombrant corps et âme, et ce dans tous les registres. Après Safe, elle est une mère qui perd son enfant dans Une Carte du Monde, une épouse cupide mais finalement malheureuse dans Magnolia (dont la crise de nerfs dans une pharmacie est un des sommets du film), une sainte ballottée entre son mari et son amant dans La Fin d'une liaison (nomination à l'Oscar), une femme au foyer dont la maison de poupées s'écroule dans Loin du paradis et enfin une mère dépressive dans The Hours. Dès lors, le chemin emprunté par l'actrice rappelle singulièrement celui d'une de ses illustres aînées et suscite une interrogation: Julianne Moore serait-elle la Deborah Kerr de notre époque? Pour anecdote, Moore reprend dans La Fin d’une liaison un rôle autrefois tenu par... Deborah Kerr. Mais d'autres emplois, comme celui d'une mère perverse dans l'inédit Savage Grace, viennent nuancer le portrait.

Cependant, l’art de Moore ne se limite pas à la tragédie: l’actrice, souvent récompensée pour ses rôles dramatiques, s’est illustrée ces dernières années dans le registre de la comédie. Du côté des frères Coen, elle interprète une peintre à la technique particulière dans The Big Lebowski. Chez Altman encore, dans le savoureux et mésestimé Cookie’s Fortune, elle est la soeur aussi simplette que pure de Glenn Close. Enfin, dans Un Mari idéal, elle est une intrigante venimeuse qu’Oscar Wilde n’aurait pas reniée (on oubliera volontiers son incartade dans Evolution, comédie vieillotte où le seul ressort comique accordé au personnage qu’interprète Moore est de tomber par terre dans la plupart de ses scènes). Préparée à l’exotisme de tous les voyages depuis l’enfance, l’actrice fait des incursions aussi bien dans l’aventure (Le Monde perdu, où son destin est suspendu à une vitre craquelée), le drame choral (pre-Magnolia avec Boogie Nights, pour lequel elle fut nommée aux Oscars) ou le thriller (où elle est la Belle dans la variation façon Ridley Scott de La Belle et la Bête, plus connue sous le nom de Hannibal). Parmi ses audacieux séjours, on compte également la réincarnation pop art du chef-d’oeuvre de Sir Hitchcock avec le Psycho version Van Sant, où la frêle Vera Miles devient la castratrice Julianne Moore dans une relecture à la sexualité chamboulée. Entre temps, l’actrice s’est entichée du réalisateur Bart Freundlich (qui l’a dirigée dans Back Home, World Traveler et l'horrible Trust the Man) et a eu deux enfants. Le thriller ambitieux et atypique Les Fils de l'homme lui permet de revenir sur le devant de la scène, tandis que Blindness lui a permis de faire un tour en compétition à Cannes. Aujourd'hui à l'affiche chez Tom Ford et Atom Egoyan, Julianne Moore prouve, aux côtés de Cate Blanchett ou Nicole Kidman, à l'heure où Sandra Bullock règne sur le box-office US, où Sigourney Weaver triomphe dans Avatar et où Meryl Streep fête sa 16e nomination aux Oscars, qu'être actrice de plus de quarante ans à Hollywood n'est plus forcément signe de malédiction.

par Nicolas Bardot

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