Entretien avec Daniel Ribeiro

Entretien avec Daniel Ribeiro

Daniel Ribeiro a remporté avec son premier long métrage, Au premier regard, le Teddy Award du meilleur film à la Berlinale. Il raconte le récit d'apprentissage d'un ado aveugle, amoureux de son nouveau camarade de classe. Absolument irrésistible, Au premier regard (en salles le 23 juillet) est dans la veine de Beautiful Thing et porte un regard optimiste et enthousiasmant sur l'homosexualité. Entretien avec son jeune réalisateur...

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Quand et pourquoi avez-vous décidé de faire un long métrage de votre court qui a rencontré un grand succès ?

Dès que j’ai pensé à ce personnage aveugle qui découvre son homosexualité, j’ai voulu en faire le héros de mon premier film. Comme ça allait être mes débuts, j’ai pensé qu’il serait bon de réaliser d’abord un court métrage afin de tester un peu ma mise en scène, la direction d’un personnage aveugle et l’esthétique. Je me disais aussi que ce court métrage pourrait m’aider à financer mon long, comme une sorte de carte de visite présentant mes intentions. Mais je n’avais jamais imaginé que ce court aurait tant de succès qu’il changerait mes plans ! La première version du scénario du long métrage était très similaire au court, mais comme celui-ci a été vu des millions de fois sur Youtube et a été montré dans de nombreux festivals, je savais qu’il allait falloir faire des changements. Alors j’ai essayé de recréer l’histoire tout en maintenant l’esprit du film et en rendant celui-ci intéressant même pour ceux qui ont déjà vu le court métrage.

L’un des aspects remarquables de Au premier regard est sa douceur, que l’on retrouve autant dans son esthétique ensoleillée que dans sa description des relations entre les personnages. Quelles questions se pose t-on pour que cette douceur ne tourne pas à la mièvrerie ?

Parfois, pendant le tournage, je me demandais si je n’étais pas trop sentimental et si je ne devais pas modifier certaines choses. Mais l’un de mes buts était de faire un film pour le garçon que j’ai été à 16 ans, un film que je serais allé voir ado. Alors à chaque fois que je me suis posé cette question, je me suis efforcé de me souvenir de ce but et de m’y tenir. C’était un risque, et le seul moment où j’ai été soulagé que ça marche a été la projection de la Berlinale en première mondiale.

Leonardo est aveugle et gay, et il ne semble jamais en souffrir. Au contraire, Au premier regard est un film très positif ; ni la sexualité ni le handicap ne sont vécus comme un poids. Etait-ce important pour vous de faire un film si positif sur un sujet, le coming out, qui, il y a une quinzaine d’années, aurait probablement été traité sous forme de drame ?

Créer un film résolument positif était également l’un de mes objectifs. On a vu tellement de récits d’apprentissage ou de coming out où les choses se finissent mal, et ils ont un impact important parce qu’ils font le portrait d’une réalité à laquelle beaucoup de jeunes gays doivent faire face. Mais je pense qu’il y a également le besoin de créer un portrait optimiste avec un aboutissement heureux pour un ado gay tombant amoureux pour la première fois. Il y a une quinzaine d’années, quand j’avais 16 ans, ce que je voulais voir c’était des personnages gays décrits de façon positive parce que ce qui m’intéressait au cinéma c’était de voir des personnages dans lesquels je pouvais me reconnaitre. L’exception étant Beautiful Thing, qui parvenait à montrer qu’être gay, c’était possible.

L’émergence du new new queer cinema a beaucoup été commentée. Il a parfois été décrit comme un cinéma post-coming out, dans lequel les personnages sont homosexuels mais où leur sexualité et leur identité n’est jamais au centre des enjeux du film. Pensez-vous qu’Au premier regard appartienne à cette famille ?

Oui, Au premier regard appartient totalement à cette catégorie. Leonardo, le personnage principal, ne remet jamais en question les sentiments qu’il découvre et ressent pour Gabriel. C’est parfaitement naturel pour lui, et c’est ce que je voulais raconter. Par exemple, le mot « gay » n’est jamais mentionné dans tout le film, même quand il fait son coming out auprès de Giovana. Les conflits et doutes de Leonardo tournent autour de son indépendance et de savoir si les sentiments de Gabriel sont réciproques. N'importe quel public peut s'identifier à cela, quel que soit l'âge ou l'orientation sexuelle, parce que ces sujets sont universels.

Qu’est-ce que le Teddy Award que vous avez reçu à la Berlinale représente pour vous ?

C'était un honneur de recevoir le Teddy. Surtout vu le nombre de grands réalisateurs qui l'ont remporté pour des films aussi remarquables.

Entretien réalisé le 23 juin 2014. Un grand merci à Viviana Andriani

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par Gregory Coutaut

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