Les Noces funèbres de Tim Burton
(Tim Burton's Corpse Bride)
États-Unis, 2005
Scénario: John August, Caroline Thompson, Pamela Pettler
Photo: Pete Kozachik
Musique: Danny Elfman
Avec: Johnny Depp, Helena Bonham Carter, Emily Watson, Christopher Lee, Tracey Ullman
Durée: 1h15
Suite à un malentendu, Victor épouse le cadavre d’une mystérieuse mariée. Le jeune homme, déjà promis à une autre, va débuter un voyage dans le royaume des morts.
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Après avoir peint son
conte bien à lui, avec son triste héros à cisailles et son amoureuse dansant sous les flocons de neige, après s’être approprié un classique anglo-saxon du genre en illustrant les aventures de quelques polissons dans la chocolaterie d’un confiseur dément, Tim Burton part en voyage vers d’autres vieilles malles mystérieuses, celles du folklore russe et des contes gorgés d’âmes mortes et de Baba Yaga, de démons en goguette et de mariées trépassées. Un bain de vodka qui lui va naturellement au teint, lui qui n’aime rien tant que les Martiens ou les Oompas Loompas ivres d’acide et de saccharine. La traduction française du titre original,
Corpse Bride devenu
Les Noces funèbres de Tim Burton, parle pour elle-même: Burton est ici marque déposée, label d’excellence. Une dizaine d’années sont passées depuis
L’Etrange Noël de Monsieur Jack, et
Les Noces funèbres sonnent l’heure de la récréation pour un auteur qui a donné à ses figures une dimension nouvelle à travers
Big Fish et
Charlie et la chocolaterie. Mais le véritable héros, lui, est ailleurs.
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Un héros, ou plutôt une
héroïne, chose pas si fréquente pour le réalisateur, même s’il a toujours su faire la part belle aux demoiselles, Catwoman en tête. Batman lui cédait son rang de star, le fadasse Mark Wahlberg s’effaçait derrière Ari la guenon savante, et ici, Victor laisse à la mariée le soin de porter la culotte dentelée. Victor, un
antihéros typiquement burtonien, neutralisé sexuellement par un prénom qui lui sert de moitié complétée par celui de sa promise, Victoria. Sans cette dernière, le jeune homme semble bien nu face à une morte vivante à l’appétit dévorant, apparition céleste et échappée des enfers, prête à vampiriser son nouvel amant et rejouant à l’envers les partitions d’Orphée et d’Eurydice. On évoquera à nouveau la poésie lugubre de Burton comme une évidence ou un lieu commun, mais on aura raison, dans cet univers où les cœurs se brisent encore après avoir cessé de battre, où les mariées s’enivrent d’un clair de lune retrouvé. Les deux scènes miroirs au piano figurent également en bonne place parmi les sommets poétiques d’un film qui n’oublie pas non plus d’être une comédie trépidante.
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La mort bouffonne reste un refrain commun à tous les films du réalisateur, et le dernier né ne déroge pas à la règle. Armé des chansons de son frère siamois Danny Elfman, Burton, et son co-réalisateur, Mike Johnson, orchestrent un au-delà chantant façon Bob Fosse d’outre-tombe, fait de danses macabres et de gags décharnés, d’yeux qui roulent ou de retrouvailles animalières, vingt ans après Frankenweenie (où le petit héros s’appelait déjà... Victor), là où les vivants semblent, l’espace de quelques répétitions d’un mariage, empêtrés et déjà embaumés dans leurs conventions cafardeuses. La technique du stop-motion, réponse sensible aux glaces de synthèse et renvoi direct aux songes désuets de Ray Harryhausen, est portée ici à son sommet dans un film d’esthète qui disperse sa poudre d’or par poignées. Ainsi, ce qu’il manque parfois au récit comme nerf (un léger ventre mou après une fantastique première demi-heure), est compensé par l’enchantement permanent d’un spectacle à faire palpiter la rétine. Sans regret, vous pouvez embrasser la mariée.
Nicolas Bardot

