Sommaire
Filmographie
Les acteurs de Tim Burton
Analyses thématiques
Autour de Tim Burton
Analyses de séquences
Entretien
FdC

FdC
Sally est tout un symbole. Pur ouvrage burtonien inspiré par Lisa Marie, sa femme d’alors, elle porte les plus belles traces d’humanité de tout L’Etrange Noël de Monsieur Jack. Version féminine et guenilles de la créature de Frankenstein, elle aime secrètement un Jack trop égocentrique pour le voir. Poupée fragile, facilement démembrée, la rebelle a le cœur à vif et un tempérament de rêveuse. Loin de se contenter de remplir le quota romantique, sa marginalité lui confère une sagesse particulière dans une Halloweentown vouée à l’incessante farce. Sa chanson, au-delà de la qualité de la composition de Danny Elfman, procure l’instant mélancolique du film où sa nature et sa condition explosent à l’écran. La mise en scène de Sally’s Song commence par un jeu de cadres montrant Sally derrière les barreaux d’une grille, prisonnière de sa condition, chantant son spleen et ses regrets vis-à-vis de Jack et de ses ambitions. Elle craint qu’il n’ait pas saisi l’esprit de Noël et, au-delà, qu’il ne la comprenne pas. Peu à peu elle se libère de ce qui la retient, mais ne parvient pas à trouver de l’espoir pour son compagnon. S’appliquant au moins à réparer les égarements de ce dernier, elle prend la décision de libérer le Père Noël, retenu prisonnier par Oogie Boogie. Ce n’est que plus tard, une fois que tout est rentré dans l’ordre, que le thème de Sally’s Song peut être repris. D’abord par Jack, puis par Sally, où le sens de la chanson est cette fois-ci inversé, passant des regrets à l’espoir nouveau.

Nicolas Plaire

FdC

FdC
Face to face. La chanson de Siouxsie débute. Bruce Wayne se retourne, Selina Kyle apparaît face à lui. Ils sont à découvert… dans une soirée costumée. Première interrogation: le masque n'est-il pas celui que l'on croit? Le couple s'enlace sensuellement, Selina fait des avances torrides à Bruce, mais leur conversation est toujours la même, évoquant leur double personnalité et leur souffrance de ne pouvoir révéler leur secret. Selina va plus loin, elle sort un pistolet, objet phallique s'il en est. Burton confirme l'inversion des rôles, amorcée avec la naissance de Catwoman: la femme est active, l'homme passif. La confusion grandit, Selina ne sait plus qui elle est, la caméra nous donne le vertige. Ils échangent enfin un baiser… sous le gui. Phénomène de déjà vu. Cette scène fait écho à la précédente bagarre entre Batman et Catwoman. Deuxième inversion des rôles: Selina reprend la phrase du justicier masqué: "Un baiser sous le gui… Le gui peut être mortel si l'on en mange". Et Bruce de répéter les paroles de sa féline adversaire: "Un baiser peut être encore plus mortel - il s'éloigne, la dévisage, la chanson s'évanouit - si l'on y met du cœur". Ils sont face à face, leur véritable nature exposée à l'autre, les identités s'entrechoquent. Le thème de la dualité est omniprésent dans l'œuvre de Tim Burton, et abordé ici sous plusieurs angles à la fois: homme/femme, humain/animal, double personnalité, secret/vérité… Soigneusement millimétrée, cette scène donne tout son sens au film, apporte une réflexion générale sur la condition de super-héros et, plus globalement, renvoie à la complexité psychologique des personnages burtoniens, souvent à double facette.

Marlène Weil-Masson

FdC

FdC
Tim Burton a toujours soigné les génériques de ses films, et a aussi pris l’habitude de jouer avec les logos des maisons de production. Si cette pratique n’est généralement qu’un moyen de plus de signer ses œuvres et de se moquer gentiment de l’ordre établi, la transformation de la majestueuse enseigne de la Twentieth Century Fox pour Edward aux mains d’argent est peut-être l'un des plus beaux plans du film, si ce n’est de sa filmographie. Accompagné d’un chœur discret, douloureux, qui amorce délicatement la venue du thème principal si connu, le logo de la Fox apparaît transfiguré. La douceur du doré glamour a laissé place à une gamme de teints bleutés, glacés. L’image est sombre, les spots n’éclairent rien ou si peu. Et surtout, la neige tombe, imperturbable, recouvrant lettres de pierres et projecteurs d’une fine couche de blanc. Le glorieux édifice a pris des allures d’épave, image d’un temps heureux révolu, d’un souvenir qui a vécu, à présent abandonné à l’oubli. Le mouvement régulier des projecteurs prend soudain une tournure mécanique, comme une machine qu’on aurait oublié d’éteindre et qui continue à fonctionner dans le vide. Un fondu d’ouverture, quelques instants à l’écran, et l’image replonge déjà vers le noir. Une dernière respiration avant de s’immerger dans le film. Mais qu’importent le magnifique générique cristallin qui suit ou l’histoire que va nous conter la vieille femme, qu’importe le film. Le souvenir, la douleur, la machine, la dimension du conte, la poésie, la neige qui tombe à n’en plus finir… En treize secondes et douze images, tout est déjà dit.

Tom Brauner

FdC

FdC
Des sculptures de Madame Deitz aux lampes magiques de Sleepy Hollow, en passant par les talents de styliste de Selina, les films d'Ed Wood ou la musique de Grandma Florence Norris, les œuvres d'art chez Tim Burton sont tour à tour un moyen d'expression révélant l'identité profonde des actants, une arme de destruction massive, ou un objet trop conventionnel qu'il faut s'empresser de transformer voire même d'éliminer. "Premier artiste assassin au monde en parfait état de marche", le Joker de Batman catalyse en son seul personnage toutes ces pistes lancées par le réalisateur. Point d'orgue de cette thématique, son entrée dans le musée de Gotham City. Ecran noir qui se scinde en deux pour laisser apparaître le hall d'une galerie de peintures où toute forme de vie semble éradiquée. Contre champ sur le maître de ces lieux qui s'empare de l'espace d'un simple regard. Musique omniprésente, danse clownesque pour évoluer entre les tableaux, les sculptures et les recoins d'architecture travaillée, Burton convoque tous les arts pour mieux les pointer du doigts et les déconstruire. Détourner, déformer, saccager toutes les représentations du classicisme et de l'institution pour créer son propre art. Statuts égyptiennes, grecques, toiles de maîtres européens comme Degas ou Vermeer, peintures dites d'histoire typées fin 18ème, 19ème siècle représentant l'indépendance des Etats-Unis et les pères fondateurs que sont Jefferson et Washington, tout passe à la moulinette Joker. Une esthétique en mouvement dans les tons de mauve, rouge et vert qu'il s'applique à signer d'un "The Joker was here". Seuls éléments échappant au carnage, les œuvres incluant la déconstruction dans leur thème même. Une idée qui sera prolongée plus tard lors du dialogue entre le Joker et Vicky Vale, avec l'allusion à Picasso comme maître de référence et la sélection des photos de guerre prises par la jeune femme.

Julie Anterrieu