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Filmographie
Les acteurs de Tim Burton
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Autour de Tim Burton
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Entretien
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Foin de l'hypocrisie qui entoura la sortie de la Planète des singes. Un réalisateur adulé était voué au gémonies pour avoir commis l'impensable: un film raté! Considéré comme perdu et vendu à l’establishment par une certaine presse – comme si un demi-échec artistique constituait une quelconque preuve – Tim Burton tombait en disgrâce. La tempête passée, qu’en reste-t-il? Une œuvre bâtarde assurément, légèrement bancale, tiraillée entre un script pépère et la volonté incessante de Burton de faire dans le subversif. Qui plus est, le film ne possède plus la misanthropie de l’édition de 1968, il est plus proche du roman et perd ainsi une part de la force du script de la version de Schaffner. En contrepartie, Tim Burton y brouille les cartes en faisant de son héros falot un anti-héros qui préfèrerait avoir des relations avec un singe plutôt qu’avec la sublime blonde que les dictats hollywoodiens lui ont collée en travers des jambes. Malgré ses avances, il ne lui prête guère d’attention. Ceci se retrouve lors de la scène de départ du héros. Il y ignore complètement le personnage d’Estella Warren pour se réconforter avec la jeune singe. Généreux de nature, Burton y injecte aussi une importante part d’humanisme et d’anti-racisme. Le mouvement pour les droits civiques des noirs des années 60 trouve ici une résonance pertinente. A cela s’ajoute une réflexion sur la religion et les mythes fondateurs et la façon dont ils trouvent une réalité dans une société déiste. Ainsi, si le film échoue sur l’aspect purement divertissant – acteur principal fade, histoire et rebondissements convenus et mal construits – le film regorge de sens et de détails qui nous rappellent qu’il s’agit bien de Tim Burton derrière la caméra. La Planète des singes: un échec en beauté!

Nicolas Plaire

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Dans l’univers charbonneux du village de Sleepy Hollow, Tim Burton ménage quelques parenthèses oniriques, territoires des anges et des démons qui hantent l’esprit accidenté du jeune Ichabod Crane. Une figure maternelle féérique tout d’abord, magicienne tournoyante qui emporte dans son sillon ses sortilèges, dispensés dans une clairière baignée par les pétales de fleurs ou auprès d’un feu rassurant, cœur du foyer uni. Mais la beauté et la fantasmagorie sont des transgressions au monde des hommes, c’est pourquoi la femme, créature pécheresse, sera jugée sorcière et châtiée en conséquence. Emprisonnée comme une image, Lady Crane, renvoyée au fantôme du Masque du démon de Mario Bava, devient martyre transpercée par les piques de son tombeau. Celle qui se posait comme figure d’évasion, jouant de son pouvoir pour libérer les oiseaux de leur cage, est maintenant la captive de l’homme, inquisiteur implacable, ombre errant dans un couloir immaculé, privé de sa tête l’espace d’un plan annonciateur où le père assassin est filmé de dos. Ils seront tous mis dans le même sac, du trancheur de têtes aux vieux comploteurs du bourg, Ichabod Crane faisant figure d’exception dans ce paysage corrompu. Il lui trotte encore probablement en tête le souvenir idyllique de sa mère, s’envolant dans le ciel pour une ronde hors du temps.

Nicolas Bardot

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Dans un laboratoire terrien ou au cœur d’une soucoupe logée dans les étoiles, les Frankenstein de tous horizons se jaugent, s’apprivoisent et se découvrent, scalpel à la main. Paluche gantée en boite crânienne d’un côté, longs doigts accrochés sur quelques armes de bricoleur de l’autre. Tandis que l’être humain se perd en conjectures et finit la main dans le margouillis verdâtre, le martien est plus rieur – lui qui s’amuse à renverser les buildings comme des quilles, à jouer au choriste pour Tom Jones, et qui voit en Las Vegas un grand terrain de divertissement clignotant. Tout ceci aux dépends de la pauvre Nathalie Lake, journaliste vedette enlevée par les extra-terrestres. Customisée mode martienne, la jeune femme y perd sa tête et la troque contre celle de son chihuahua (qui est d’ailleurs celui de la maison Burton). On aura d’ailleurs vite reconnu ce dernier derrière son masque de chirurgien dans le rôle de chef d’orchestre du puzzle humain. Burton en profite ainsi pour jeter sur la table d’opération ses lubies potaches: atomisation de l’animal familier, cuisine de la femme idéale, et expérimentation chirurgicale pour tout le monde. Le spectateur, amené sous sa cloche, prisonnier du cuistot, n’a plus que ses yeux pour pleurer et sa bouche pour hurler devant la macabre attraction. Bienvenue dans le cabinet du Dr Burton.

Nicolas Bardot

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La rencontre fictive entre Orson Welles et Ed Wood dans le film éponyme donne une clé d'analyse de l'univers burtonien. Interprété par un Vincent d'Onofrio méconnaissable, le réalisateur de Citizen Kane ne prend pas de haut le plus mauvais cinéaste de tous les temps, qui l'érige en modèle inaccessible. Qu'importe le fond, dit le génie en substance, l'essentiel pour l'artiste est de ne pas trahir sa vision en acceptant les compromis. Tim Burton a fait de cette volonté une règle de survie dans la jungle d'Hollywood. Jamais il ne trahira son amour de jeunesse pour le cinéma bis, fait de bric et de broc, naïf et passionné, dont les images ont peuplé les rêves de l'enfant solitaire de Burbank, banlieue pavillonnaire sans âme de la côte Ouest des Etats-Unis. Hommage à la passion du septième art, Ed Wood est peut-être le film le plus personnel de Tim Burton. Pudique, il évoque par le biais de la relation quasi filiale entre l'auteur de Glen or Glenda et Bela Lugosi, sa propre histoire avec l'acteur Vincent Price, héros de jadis, devenu un proche avant de décéder des suites d'une terrible maladie. Drôle, émouvant, magnifiquement mis en scène dans un noir et blanc somptueux, Ed Wood est un petit chef-d'oeuvre.

Yannick Vely