Lorsque Barbara Broccoli, fille d’Albert « Cubby » Broccoli, et son demi-frère, Michael G. Wilson, initialement scénariste des cinq derniers épisodes sortis à l’époque, reprennent la saga en main et décident de la ressusciter pour 1995, ils retournent voir Pierce Brosnan, alors âgé de 42 ans, pour lui donner le rôle de sa carrière. Brosnan avait déjà été approché en 1986 mais son contrat le liant à la série Remington Steele l’empêcha d’accepter l’offre. A présent libre d’accepter, Brosnan est peut-être alors le Bond qui mettra tout le monde d’accord.

COLD AS ICE

A nouveau la saga se doit d’opérer un retour aux sources, et c’est avec Timothy Dalton en tête que les scénaristes écrivent ce 17e Bond. Ceci explique donc le jeu tout en retenue de Brosnan, même lorsqu’il balance une punchline. Dans GoldenEye, Brosnan s’impose comme un excellent composite des différents acteurs l’ayant précédé et comme le successeur le plus proche du Bond de Connery. Beau gosse au visage lisse, presque trop (Brosnan pourrait être un Mr. Tout-le-monde), Brosnan apporte néanmoins la gravité nécessaire au rôle pour contrebalancer son physique. Lorsqu’il blague, il ne se regarde pas jouer. Lorsqu’il est froid, il n’est jamais complaisant. Dans ce premier chapitre, il est juste parfait. Par la suite, il penchera un peu plus du côté de Moore, au niveau de l’humour, mais son principal apport au personnage demeurera la dimension humaine qu’il lui a conféré, plus encore qu’un Dalton. Indéniablement british, alliant classe et séduction, il n'en perd pas pour autant son côté ténébreux et s’avère crédible lorsqu'il emploie son permis de tuer. Apportant un visage plus humain à Bond, sans jamais manquer de flegme et de charisme, il aura beau être plus vulnérable, il n'en restera pas moins le héros que le commun des mortels ne sera jamais. Cependant, l'angle abordé dans cette première prestation de Brosnan se perdra avec les deux volets suivants. Nous sommes à présents à la fin des années 90 et la loi du blockbuster règne sur tout Hollywood.

VOUS LES FEMMES, VOUS LE CHARME

Là où GoldenEye avait coûté seulement 60 millions de dollars, le budget de Demain ne meurt jamais s'élève presque au double de cette somme. Définitivement moins sombre que le précédent, cet épisode subit même les influences de la tendance en adoptant les arts martiaux dans plusieurs scènes d'action. Néanmoins, 007 n'est pas celui qui les pratique, mais Michelle Yeoh. Elle est Wai Lin, agent chinois, autrement dit l'égale de Bond. Le film devient par moments un buddy-movie. Bond ne peut plus évoluer dans un monde où la femme ne s'est pas émancipée. En témoigne d’ailleurs sa brève rencontre avec Paris (Teri Hatcher), une ex-petite amie qu’il condamne à mourir en se servant d’elle. La misogynie qui caractérisait le personnage se perd légèrement. Cependant, cet épisode possède toutes les qualités qui manquait à GoldenEye et vice versa. Les deux premiers volets avec Brosnan s’avère donc amplement complémentaires. Malheureusement, on ne peut en dire autant des deux suivants. Le Monde ne suffit pas coûtera encore plus cher mais cette fois le résultat ne sera pas à la hauteur. Avec un scénario désastreux, Brosnan aura beau vouloir orienter le protagoniste vers une approche plus sérieuse et obscure, répétant une fois de plus le cycle bondien, le reste ne suit pas. Avec un an de retard, Meurs un autre jour viendra légèrement changer la donne. En présentant quelques similitudes avec Permis de tuer, l'intrigue du film permet à Brosnan d'exploiter tel qu'il le désirait la veine noire du personnage. C’était compter sans la concurrence d’enfants de la saga tels que la franchise Mission : Impossible et xXx.

OVER THE TOP

Le film opte alors pour le spectacle plus grand que nature, on ne peut plus décomplexé, où les gadgets et l’intrigue frôlent la science-fiction et où les scènes d’action sont plus démesurées que jamais, et empreint de jeunisme. Un épisode « trop » qui représente le palier infranchissable de la saga. Après cette débauche d’effets spéciaux, la saga prendra quatre ans avant de revenir, une fois de plus assagie, sous les traits de Casino Royale. Le budget de Meurs un autre jour n'est pas moins grandissant, mais il en va de même pour les recettes des trois premiers opus de Brosnan, chacun ayant successivement dépassé le précédent et se classant simultanément comme les épisodes à avoir le plus rapporté d'argent. Beaucoup accusent la franchise d'être devenue une énorme pub onéreuse où les placements de produits sont de plus en plus énervants ,et le fait que la saga subisse le traitement des films d'actions d'aujourd'hui, à savoir le manque de scénario et la banalité absolue, n'aide en rien. Malgré la qualité plus humaine de Brosnan, son ère en Bond reste malheureusement dans les mémoires comme celle de la surenchère, caractéristique du Bond super-héros auxquels beaucoup n’adhèrent pas. Bien que la situation ne soit pas très claire, il semblerait que Brosnan soit le premier Bond à ne pas avoir mis fin à sa carrière en 007 de son propre accord. Pas réellement licencié alors qu’il était partant pour un cinquième épisode (à 50 ans passé), Brosnan est plus ou moins forcé de céder sa place.

Robert Hospyan