JCVD

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JCVD
De El Mechri Mabrouk
Éditeur : Gaumont Vidéo
Zone 2
Nombre de disques : 2
Durée : 1h36
Sortie : 04/12/2008
Note du film : ******
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Entre ses déboires avec le fisc, sa bataille juridique pour la garde de sa fille, et une carrière au point mort, Jean-Claude Van Damme quitte la frénésie de Los Angeles pour Bruxelles, le moral en berne et la carte bleue qui vire au rouge. Alors qu’il pense être à l’abri de la tourmente, c’est le coup de grâce, son avocat menace de le lâcher s’il ne lui règle pas au plus vite ses honoraires. Son agent concède à lui envoyer par mandat une avance sur cachet, Van Damme se rend dans un bureau de Poste pour retirer son argent. En vain. Des coups de feu retentissent, les portes se referment derrière lui, le rideau de fer tombe : pour JCVD, la journée va être longue. Très longue...

Quoi qu'en disent ses fans, et malgré la qualité évidente de certains de ses films (Replicant, L’empreinte de la mort, Until Death, pour ne citer que les plus récents...), il manquait à Jean-Claude Van Damme Le Titre, celui qui lui permettrait de garder à tout jamais la tête haute et de marquer réellement de son empreinte l'Histoire du cinéma. Stallone peut brandir Rocky ou Rambo, deux personnages qui lui servent encore aujourd’hui de monnaie d’échange pour ses autres projets ; Schwarzenegger a Terminator et Conan le barbare pour compenser La Course au jouet ou Batman et Robin ; même Wesley Snipes peut se vanter d'avoir joué non seulement dans le Jungle Fever de Spike Lee, mais également dans la trilogie Blade (dont les deux premiers épisodes ont, bien plus qu'on ne l'imagine, remodelé le cinéma hollywoodien). Van Damme, malgré sa célébrité, son statut culte, et l'admiration que peuvent susciter des succès tels que Bloodsport et Universal Soldier, n’avait pas encore derrière lui ce film étendard, ce titre qui lui vaudrait à tout jamais le respect du public, de la critique, et de la profession - trois entités encore relativement divisées sur la carrière de l’acteur. Et même Replicant, pourtant son plus grand succès critique, n’avait été que très timidement défendu par la presse, qui saluait volontiers la performance de l’acteur, mais émettait quelques réserves sur le scénario. Qu’on se le dise, c’est désormais chose faite : Van Damme vient de livrer son premier véritable chef d’oeuvre, sa première réussite incontestable ! Et c’est contre toute attente à un français qu’on le doit, le jeune Mabrouk El Mechri, réalisateur d’un premier film réussi (l’émouvant Virgil) et l’un des rares cinéastes avec Ringo Lam et Sheldon Lettich à faire preuve d’une véritable admiration pour l’acteur, au point de le traiter avec respect et de lui proposer le plus grand rôle de sa carrière. J.C.V.D s’impose ainsi d’emblé, dés les premières images d’un générique flamboyant, comme une date dans l’oeuvre de Jean-Claude Van Damme, et peut être même comme un événement dans le genre habituellement calibré du cinéma d’action - en admettant que ce film en fasse partie.

A ceux qui en doutaient encore, rappelons que J.C.V.D n’est en effet, à l’exception de son exceptionnel plan séquence d’ouverture (sans doute la meilleure scène de combats jamais jouée par l’acteur), à aucun moment un film d’action ou de combat, et qu’il n’entretient d’autre rapport avec le reste de la filmographie de l’acteur que l’acteur lui-même. De par sa sécheresse, sa musique et son arc scénaristique, J.C.V.D se réclame contre toute attente du cinéma américain des années 70. Plus particulièrement du tutélaire Un après-midi de chien, quasi hui-clos cité jusqu’au travers de la coupe de cheveux improbable de Zinedine Soualem, hommage évident à celle de John Cazale. Une prise d’otages, un scénario qui navigue entre deux pôles (intérieur : le bureau de Poste / extérieurs : la foule, le dispositif policier), l’intervention d’éléments périphériques (l’émotion des parents, l’admiration du public, la sollicitude des otages, l’acharnement et la sottise des médias), autant de composantes qui rappellent, et Mabrouk El Mechri ne s’en cache pas, le chef d’œuvre de Sidney Lumet. Réalisateur dont les films traduisaient d’ailleurs, comme il le disait, « le combat de l’homme pour une meilleure connaissance de soi face à un monde hostile », phrase qui sied parfaitement à ce J.C.V.D… Alors Van Damme en ersatz d’Al Pacino, dans une relecture d’un classique du Nouvel Hollywood ? Pas vraiment… Car à ce modèle, le cinéaste et ses coauteurs apposent non seulement une déconstruction minutieuse du scénario (flashbacks mentaux, rêves…) mais aussi un délabrement du visuel (couleurs ternes, flottement des images, ruptures brutales et astuces de montage…) que Mabrouk El Mechri s’amuse à triturer, concasser. La pellicule saute, fait de brusques retours en arrière, est parfois surexposée… La caméra opère des mouvements linéaires ou, au contraire, est soudainement portée à l’épaule. Il ne s’agit plus dés lors pour le cinéaste de livrer un film d’action. Encore moins une comédie - ce que le film n’est qu’à de très rares instants, contrairement à un Jean-Philippe. Mais bien de piétiner les ruines d’un genre, à partir des vestiges d’un corps, celui de l’acteur, qui en fut un jour le symbole.

Retour au premier plan. Van Damme sort d’un immeuble et atterrit en plein champ de ruines, au milieu de combats confus auxquels il participe : explosions, pistolets, couteaux, coups de pied, coups de poing, le panel habituel, l’ordinaire du cinéma d’action, celui que l’acteur a exploré jusqu’à épuisement, jusqu’à l’écoeurement. L’œil torve, Van Damme avance sans conviction. Au détour d’un mouvement de cette caméra qui balance et suit l’acteur principal en plan séquence (prouesse technique absolument ébouriffante), c’est tout le système qui se met en branle et se renverse : la caméra apparaît, les figurants se reposent dans un coin, un mur de carton pâte bascule, le réalisateur crie « coupez ! ». Retour à la triste réalité, fin du rêve, nous sommes sur le tournage d’une production de seconde zone où le réalisateur n’a aucun respect pour son acteur même si celui-ci « a ramené John Woo à Hollywood » (référence récurrente). Durant 1h30, le film va s’évertuer à confronter la réalité avec la vision cinématographique que pouvaient en avoir Jean-Claude Van Damme et le spectateur. Que devient le héros d’action lorsqu’il sort de l’écran – question similaire à celle déjà posée, mais sur un mode parodique, dans le Last Action Hero de John McTiernan ? Désarme t-il le méchant d’un coup de pied retourné avant de finalement saluer la foule en délire, comme l’imagine l’acteur à un moment du film ? Pas tout à fait. Blessé, cogné, menacé, obligé d’obtempérer, Van Damme ne peut pas grand-chose face à des individus réels et armés. Et, triste ironie du sort, le seul coup de pied qu’il donne, c’est contre un otage et à la demande de Karim Belkhadra, l’un des ravisseurs fan de ses films dans l’une des rares scènes vraiment comiques du film. Ces preneurs d’otages sont d’ailleurs, eux aussi, bousculés dans leurs certitudes. Ebréchés, loin des archétypes du cinéma hollywoodien, ils doutent, pleurent, se chamaillent, et se laissent rapidement dépasser par la violence de leurs actes.

Tout est affaire de point de vue. Celui de l’acteur, celui des policiers, celui des otages, mais aussi celui de la presse face à celui des fans, réduits comme peau de chagrin mais venus malgré tout en masse soutenir leur idole (les figurants sont d’ailleurs de vrais fans invités par la production pour apparaître dans le film). « On pense toujours que devenir une star altère la perception qu’on a des autres, explique Mabrouk El Mechri, mais le contraire est valable : votre entourage change d’attitude. J.C.V.D étant basé sur ce principe, la multiplication des points de vue est devenue non seulement cohérente, mais aussi jubilatoire ». En arrivant au sommet alors qu’il était parti de rien, en devenant l’incarnation de la réussite et du rêve américain, puis en subissant une chute médiatique sévère, Van Damme est simplement devenu une icône, un objet de culte, et il en paye aujourd’hui le prix. D’une scène à l’autre, le point de vue sur l’acteur et sur l’homme change : forcené pour les policiers ; idole absolue pour un des preneurs d’otage ; père indigne pour l’un des otages ; guignol pour les journalistes qui en profitent pour racler les fonds de tiroir et ressortir les interviews les plus célèbres de la star ; responsable des moqueries qu’elle subit à l’école pour Bianca, la propre fille de l’acteur ; fils incompris pour les parents apeurés dans une des plus belles scènes du film… Lui-même ne sait plus. Il y a ce plan incroyable dans lequel Van Damme se retrouve confronté aux images d’archives retransmises par les chaînes de télévision : « Moi je suis aware », « 1+1=1 »… Autant de répliques qui, sorties de leur contexte, on fait les beaux jours des enfants de la télé. Autant de répliques qui entraînent le point de vue du public auquel Van Damme doit aujourd’hui s’opposer : « le Jean-Claude Van Damme public face au Jean-Claude Van Varenberg privé ». Et c’est là la principale force du film, de ne pas chercher à soustraire sa star à ses démons, ses échecs, ses erreurs. L’image déliquescente que le grand public a de lui, l’acteur devra non pas l’assumer jusqu’au bout, mais plutôt la renvoyer en petits morceaux, noyés dans ses propres images mentales (son procès perdu pour la garde de son fils, ses contrats qui tombent les uns après les autres…).

Il reste un dernier point sur lequel il faut bien s’attarder : Jean-Claude Van Damme lui-même. Celui qui donne son titre au film. Wam Bam Van Damme, Van Dammage, The Muscles from Bruxelles, corps d’action aujourd’hui vieillissant… Qu’on le dise sans plus de suspens : on n’a simplement jamais vu un tel revirement, un tel bond en qualité chez un comédien. On savait qu’en tant qu’acteur, il était capable du pire (Derailed, Streetfighter, The Order, The Shepherd…) comme du meilleur (Until Death, Replicant, L’Empreinte de la mort…). Avec J.C.V.D, son jeu, alternant jusqu’ici intensité et absentéisme, acquiert subitement une nouvelle dimension. Comme si en jouant son propre rôle, Van Damme, écorché par ses erreurs, était soudainement parvenu à dégager toutes les émotions, toute la sensibilité, dont il avait encore du mal à faire preuve dans une bonne partie de ses films précédents. J.C.V.D, le film, va surprendre. Et JCVD, l’homme, va émouvoir. Parce que le film fait office de psychanalyse expérimentale (ce qui lui sera probablement reproché, à tort), et que l’acteur livre une performance absolument unique à laquelle, il le dit lui-même, il se prépare depuis vingt ans. Une mise à nue, portée par un courage exceptionnel, qui reste aux frontières de l’indécence sans jamais les franchir, et qui culmine dans La scène centrale, la fameuse « scène X » qui porte l’émotion, la sincérité, à un degré rarement atteint. A fleur de peau, se déplaçant au ralenti, investi corps et âme dans son rôle, Van Damme parvient à dépasser en intensité tout ce qui a été vu sur un écran ces derniers mois. Sous forme d’excuse à lui-même et à ses fans, Van Damme confesse ses erreurs dans des scènes autobiographiques, bouleversantes d’humanité, et regarde littéralement le spectateur dans les yeux à deux reprises. Pour s’entretenir avec lui quelques instants, lui dire qu’il regrette, qu’il a échoué, mais aussi qu’il a compris. Une renaissance, pour le personnage et pour l’acteur, voila la proposition de cinéma éblouissante faite par Mabroulk El Mechri. « Dans la vie, explique Van Damme, on fait des conneries, on déçoit les gens. J’avais envie d’inverser la tendance, mais c’est difficile de remonter la pente quand on est tout en bas ». Difficile peut être. Mais Van Damme vient de réussir l’impossible.

par Anthony Sitruk

Bonus

Cela faisait longtemps que les fans de l’acteur belge attendaient une édition digne de ce nom, tant il est vrai que la filmographie de Van Damme a été négligée par les éditeurs, en dehors sans doute de Studio Canal (pour Jusqu’à la mort et L’Empreinte de la mort) et Metropolitan (pour Replicant). Il faut désormais ajouter Gaumont à la liste, et même le placer tout en haut car JCVD est proposé dans une édition double en tout point excellente dans laquelle il ne manque plus que la version longue du film. Mais Mabrouk s’explique à ce sujet dans le commentaire audio et parle d’un remontage prochain et probable du film pour y intégrer les scènes manquantes.

Commençons avec le premier des deux disques et justement ce commentaire audio, gros morceau de cette édition. Mabrouk El Mechri, seul intervenant de ce module, fait sans conteste partie de cette génération de cinéastes élevée aux VHS, aux laser-disques, et aux DVD. Il le prouve par une aisance bienvenue et une générosité incroyable, une véritable envie d’en donner au spectateur. Presque trop bavard (au point de commenter encore une scène alors que le film est déjà passé à la suivante), il se révèle néanmoins passionnant : analyses de séquences, anecdotes sur les acteurs, souvenirs de tournages, révélations sur le tournage et sur les scènes manquantes, informations sur les choix de photographie, de cadrages, de montage… Tout y passe, sans exception, et le commentaire audio se boit comme du petit lait. Retenons les nombreuses révélations sur les improvisations des acteurs (bien plus nombreuses qu’on ne le croit), et plus encore celles sur les nombreux plans-séquences magnifiques qui parsèment le film.

Continuons avec les bandes-annonces du film. Si la bande-annonce principale du film (et non utilisée lors de la promotion) est malheureusement absente de cette édition, tous les excellents teasers répondent présent à l’appel : le taxi, le guichet de poste... Et même le premier teaser montrant un faux casting pour JCVD au cours duquel débarque… Le vrai Jean-Claude ! Pour information, ce teaser a été présenté au Festival de Cannes 2007 afin de prévendre le film.

Cette édition se devait d’avoir un point faible, le voici : les scènes coupées. Dommage, elles ne sont que deux, dont une qui est en fait déjà présente dans le film mais vue sous un autre angle (il s’agit de la scène dans laquelle Van Damme fait une démonstration de coup de pied). L’autre en revanche, plus intéressante et plus drôle, voit Van Damme expliquer le mot « aware » aux autres otages. Mabrouk El Mechri s’explique sur l’absence des deux principales scènes coupées (la scène du magasin de jouets et celle de la boîte de nuit) dans le commentaire audio : elles seront intégrées à une prochaine version longue du film.

Enfin, ce premier disque contient également le making of du film, Vents d’âme, réalisé par le scénariste Fred Bénudis et déjà présenté sur Canal+ au moins de juin dernier. Il s’agit ici de la version longue d’environ 35 minutes de ce making of, que Studio Canal m’a déjà envoyé à l’époque. Vous pourrez trouver toutes les informations (fiche technique, critique…) sur ce making of en cliquant ici.

Le second DVD contient certes moins de bonus, mais les deux modules proposés constituent des morceaux de choix. Le premier, c’est l’excellent documentaire de Laurent Veil (et filmé par Mabrouk El Mechri), Une journée avec Jean-Claude Van Damme. D’une durée de 52 minutes, ce documentaire suit pas à pas l’acteur dans les rues de Bruxelles. Celui-ci se livre, parle de sa famille, de ses parents, de ses débuts dans le magasin de fleurs de Papa, de son départ aux Etats-Unis sans un sou en poche, de ses réussites, de ses échecs. Ceux qui ne connaissent pas l’acteur découvriront quelqu’un de sensible et généreux, bien souvent drôle, et très éloigné de l’image de clown qu’il se traîne à tort dans les médias.

Le second documentaire présent sur ce disque a pour titre Dans la peau de Jean-Claude Van Damme. D’une durée de 45 minutes, diffusé en 2003 sur Canal+, ce film de Fred Bénudis (co-auteur du premier scénario de JCVD) avait à l’époque contribué à rétablir la réputation de Van Damme, alors au plus bas dans les médias français. On y voit l’acteur en famille, ainsi que dans sa salle de sport (où Lou Ferigno, acteur de Hulk dans la série télévisée, vient lui faire un petit coucou), mais surtout on le découvre en scénariste puisqu’il était à l’époque en pleine rédaction du scénario de The Tower, un projet très excitant malheureusement abandonné à l’époque. Van Damme s’expliquait pour la première fois sur ses erreurs de parcours, sans mélanger l’anglais et le français, sans partir dans des considérations métaphysiques, sans jamais passer pour un imbécile.

Résumons l’édition : le film dans une copie magnifique (image et son excellent), un commentaire audio passionnant, plusieurs bandes-annonces, deux scènes coupées, un making of, deux documentaires de près d’une heure chacun… On frôle l’indigestion !

Quoiqu’il en soit, vous savez maintenant quoi offrir à Noël. Souhaitons que ce film rencontre enfin le succès qu’il mérite.

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