Blessure (La)

Blessure (La)
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Blessure (La)
Éditeur : Malavida
Zone 2
Nombre de disques : 1
Durée : 2h07
Sortie : 15/06/2009
Note FilmDeCulte : ******
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Blandine est blessée sur le tarmac de Roissy lors d'un retour à l'avion où un groupe d'Africains résiste à l'embarquement. Bien qu'elle soit sur le sol français, sa blessure, sa présence, son être sont niés par la police aux frontières à qui elle demande l'asile. La France est sourde. La France n'est plus une terre d'accueil. Mais une terre butée qui expulse, blesse et humilie. Réfugiée dans un squat aux fenêtres murées, auprès de son mari Papi qui la soigne, Moktar qui a peur de sortir dans la rue, Steve qui ne se fait plus d'illusions, Fanny et Kary qui vendent leurs corps pour pouvoir dormir sous un toit, Blandine plonge dans le silence...

Nicolas Klotz serait-il le cinéaste français le plus passionnant de ces dernières années ? En trois films, Klotz a en effet plongé le cinéma français dans un "ailleurs", un "no man's land" rarement filmé, répondant ainsi à l'interrogation de Godard sur la supposée mort du cinéma et de sa confrontation au réel. Mais si Paria, film pourtant magnifique, est encore sous bien des aspects, quoiqu'en dise le cinéaste, un film de cinéma utilisant certains des archétypes de la fiction (notamment la figure du flashback), La Blessure opère un changement radical dans la méthode, abandonnant ce qui aurait pu facilement devenir des tics de metteur en scène pour aborder la difficile question de l'industrialisation des corps - thème qui traverse ses trois derniers films. La Blessure est un choc, un pavé d'une rudesse proprement hallucinante, qui montre des situations absolument inacceptables, sans jamais tomber dans l'émotion facile, la violence graphique, le voyeurisme… A l’inverse de son film précédent, Klotz utilise donc de longs plans fixes, neutres, qui évitent toute brusquerie. Parce que la violence est contenue dans le sujet et dans ce qu'il filme, Klotz, restant à la bonne distance, n'a pas besoin de la souligner via une mise en scène tape à l'œil constituée d’effets faciles (comme il l'explique lui-même dans le passionnant livret qui accompagne le DVD, la scène de fouille par exemple est suffisamment traumatisante en l'état, pas besoin que le flic balance une gifle à la jeune femme africaine - même si cela peut effectivement arriver dans la réalité).

Ainsi la violence chez Klotz, c'est celle de corps rejetés à l'écart de la société (ces "parias" justement qui, en Indes, forment une caste à l'extérieur des quatre castes principales, une caste de laissés pour compte, que l'on nettoie, repousse afin qu’ils n’apparaissent pas dans le champ), de corps honteux dont certains en viennent jusqu’à regretter, jusqu’à haïr, la couleur de peau. La violence, c'est celle de gestes industrialisés, que le cinéaste enregistre en très gros plans (reproduisant ici le dispositif mis en place par Haneke dans Le Septième continent) pour les déshumaniser. Dans ce même livret, Klotz s’interroge sur les raisons qui ont pu pousser "la société à oublier son Histoire pour en venir à considérer les corps comme des numéros, qu'on insert dans des listes pour respecter des quotas". Cette violence, c'est encore celle d'employés d'aéroports (techniciens, stewarts...) qui regardent, sans détourner la tête et sans protester, les africains demandeurs d’asile renvoyés chez eux au détriment de tout respect de la convention de Genève (le film a d'ailleurs l'intelligence de bien poser les bases légales bafouées ici). C'est celle d'africains ayant perdu toute dignité (Blandine qui se couvre le visage d'un voile) vivant dans un squat bientôt détruit, regrettant le temps où ils étaient chez eux, où ils existaient, avaient une vie (le levé, l'école, le foot...) au lieu de venir se perdre dans cet Eldorado fantoche où "chaque jour qui se lève, on perd quelque chose, on perd une partie de soi-même". On l’aura compris, La Blessure est un film absolument indispensable, le genre de film qui nous essouffle et nous fait prendre conscience que parfois, il existe des œuvres pour lesquelles on peut légitimement se demander "depuis quand je n'ai pas vu un film comme ça ?".

par Anthony Sitruk

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