Dernier Samaritain (Le)

Dernier Samaritain (Le)
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Dernier Samaritain (Le)
The Last Boy Scout
États-Unis, 1991
De Tony Scott
Scénario : Shane Black, Greg Hicks
Avec : Halle Berry, Chelsea Field, Danielle Harris, Taylor Negron, Damon Wayans, Bruce Willis
Photo : Ward Russell
Musique : Michael Kamen
Durée : 1h45

Joe Hallenbeck, détective privé, est approché pour protéger Cory, une danseuse. Il refuse et son collègue Mike Matthews garde l’affaire, le temps de se faire tuer. Hallenbeck prendra la relève et lorsque Cory meurt à son tour, le petit ami de celle-ci, Jimmy Dix, s’associe à Hallenbeck pour mener l’enquête.

THE LOST BOY SCOUT

A la fois culte pour certains et méconnu pour beaucoup d’autres, Le Dernier Samaritain est un véritable petit bijou. On se rappelle de Tony Scott surtout pour Top Gun, film inaugural de sa longue collaboration avec le duo de producteurs Jerry Bruckheimer et Don Simpson (avec qui il réalisera Le Flic de Beverly Hills 2, Jours de tonnerre, USS Alabama, et Ennemi d’état) mais on oublie qu’il est l’auteur de ce film, produit par Joel Silver, et considéré à l’époque comme un sous-croisement de Piège de cristal (pour la présence de Bruce Willis en anti-héros) et L’Arme fatale (pour le tandem central). On retrouve d’ailleurs le scénariste révélé par ce dernier, Shane Black, plume-star de la fin des années 80 et du début des années 90. A l’époque, Le Dernier Samaritain avait brisé le record du script vendu le plus cher. Pourquoi? Etait-ce juste parce que Black sortait du succès de L’Arme fatale (1987)? Ou peut-être le manuscrit recelait-il quelque chose de plus particulier? On renvoie trop facilement le film à son simple statut de polar aux répliques cultes, en oubliant l’aspect un tant soit peu plus profond de l’œuvre. Une œuvre noire, teintée de cynisme, qui marque le tournant du film d’action.

FILM DES ANNEES 80, FILM JUSQU’AU BOUT DES SEINS

Black continue alors sur la trace de son précédent buddy movie, genre qui a pour principe de s’articuler autour d’un duo de protagonistes initialement en opposition puis finalement partenaires, et dans lequel il se spécialisera par la suite (il signera plus tard Last Action Hero et Au revoir à jamais). Sans transcender les codes du genre (comme le fera plus tard Seven, de manière à représenter les points de vue opposés des personnages principaux), il les emploie pour finalement mettre en relation les parcours des deux hommes. Black tisse une histoire qui baigne dans la mélancolie, dans un présent hanté par le passé. Joe Hallenbeck est passé de héros (sauvetage du Président) à moins-que-rien (viré par le Sénateur pour avoir joué le héros au "mauvais" moment). Jimmy Dix, jadis un homme comblé (la gloire, la famille), a tout perdu (viré de l’équipe pour paris illégaux, femme et fils morts, drogue). Il s’agit probablement de ce que Black a fait de mieux avec L’Arme fatale, déjà traversé par cette noirceur. Cette noirceur qui caractérise la vie des deux figures centrales offre alors à Tony Scott l’opportunité de soigner sa forme, dépassant le stade d’illustration léchée typique de son style ‘80s. Avec Le Dernier Samaritain, le metteur en scène gagne ses galons d’auteur, en privilégiant l’atmosphère aux beaux cadres travaillés, et parvient à conférer au film l’ambiance nécessitée par le scénario de Black.

LA DERNIERE SEANCE

Un tournant pour Tony Scott donc, mais également pour tout un genre. Jusqu’alors, Joel Silver n’avait produit que des films d’action majoritairement sérieux (Commando, L’Arme fatale 1 et 2, Piège de cristal, 58 minutes pour vivre, Predator 1 et 2) et, sans que cela change radicalement le registre de ses propres productions par la suite (Ultime décision, Matrix), la nouvelle approche marquée avec Le Dernier Samaritain aura son importance. La transition du cinéma d’action des années 80 (violence, noirceur, seins gratuits) à celui des années 90 (où, dixit Joe Hallenbeck dans le film, on ne peut plus "frapper un gars sans balancer quelque chose de cool avant") se fait donc évidente. Dès lors, l’humour, voire même le second degré, viendra parasiter peu à peu l’action, multipliant les tentatives de punchlines (la filmographie de Schwarzie est assez représentative) ou l’importance des sidekicks comiques (tout le monde se rappelle de l’insupportable Rob Schneider dans Judge Dredd) pour le pire et le meilleur. Un exemple symbolique: la franchise Arme fatale. Les deux volets précédant le film de Scott sont des monuments de noirceur, les deux volets suivants sont des comédies. Cumulant le meilleur de deux époques et jamais le cul entre deux chaises, Le Dernier Samaritain bénéficie d’un statut particulier, unique. Culte.

par Robert Hospyan

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