Ed Wood

Ed Wood
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Réalisateur
États-Unis

Ed Wood est connu aujourd'hui grace à deux événements: le fait qu'il ait été sacré, dans les années 80, donc à titre posthume, plus mauvais réalisateur de tous les temps, et que Tim Burton lui ait rendu un sublime hommage en 1994 avec le film qui porte son nom. Ceci nous a permis d'aller à la rencontre des films obscurs, secrets, qui sont de petites merveilles en soi et qui enfin explosent au grand jour, de ce cinéaste exubérant, dont on pourrait désigner John Waters comme digne successeur.

NO LIMIT

Personnalité fantasque, Edward Davis Wood Jr. aimait passoniément le cinéma et fut sûrement l'un des rares réalisateurs au monde à faire des films pour le plaisir et non pour l'argent. Bien lui en a pris, car il n'a pas connu le moindre succès et est mort sans un sou. Le seul film qui rapporta de l'argent, Bride of the Monster, ne remplit pas ses poches, mais celles de ses financiers. Pour trouver des financiers, il savait s'y prendre, il réussira même à faire financer Plan 9 from Outerspace, complètement ancré dans le genre fantastico-érotico-épouvante typique des années 50, par une paroisse baptiste. De même pour les acteurs: son enthousiasme n'ayant pas de limite, il a ainsi pu engager pour ses films Bela Lugosi, vieux Dracula rejeté par Hollywood et accro à la morphine, mort pendant le tournage de Plan 9 from Outerspace, mais vite remplacé par... le propre dentiste de Wood!

En effet, frappé par la ressemblance du front du dentiste d'avec celui de Lugosi, Wood l'engage sur le champ; on peut ainsi le voir jouer les Bela Lugosi en se déplaçant constamment avec sa cape à hauteur des yeux. C'en est émerveillant de naïveté. De la même façon, Wood recruta Tor Johnson, un ancien catcheur suédois, qu'il plaça dans tous ses films dans des rôles divers: policier, zombie... et il faut dire que l'on est bluffé par l'absence totale de jeu de celui-ci, tant et si bien que c'en est à mourir de rire. Enfin, on peut aussi apercevoir Vampira, l'"ancêtre" d'Elvira (d'ailleurs Vampira poursuivra Cassandra Peterson en justice pour plagiat de personnage), ex-star télé reléguée aux oubliettes, qui se contente, dans sa panoplie de Morticia Addams, de jouer les zombies en marchant les bras devant elle, raide comme un piquet. On remarquera aussi, par exemple dans Plan 9, un policier qui a l'air de n'avoir pas plus de dix-sept ans (Paul Marco, acteur fidèle de Wood), ou encore le célèbre (à l'époque) mage Criswell.

Et ceci n'est rien en comparaison des "gaffes" nombreuses et variées qui ponctuent chacun de ses films: en plus des éternels enjôliveurs-soucoupes volantes, les montages frisent l'incohérence, les dialogues sont ridicules voire se contredisent, la lumière est approximative, des objets passent constamment dans le champ, et surtout les effets spéciaux sont proprement incroyables: Bela Lugosi se battant contre un poulpe géant dans Bride of the Monster, il faut le voir pour le croire (et voir surtout la reconstitution de la scène dans le film de Burton). Sans compter que Wood ne se gêne pas pour rajouter dans Plan 9 des plans de Lugosi, filmé devant chez lui juste avant sa mort, plans qui n'ont absolument rien à voir avec le film, mais qui sont un dernier hommage à un mythe et à un ami.

ABSOLUT ANGORA

Mais Ed Wood savait y faire pour motiver ses troupes, et bien que filmant sans relâche et se contentant de peu - et malgré son manque total de succès -, il n'abandonna pas. Dès 1955, il fut même encouragé par sa seconde femme, Kathy, qu'il rencontra à l'hôpital tandis que Lugosi mourrait. Elle fut la seule à l'aimer tel qu'il était: un réalisateur passionné, un génie incompris, aux idées abondantes et farfelues, mais aussi un homme obsédé par les dessous féminins et les pulls angora... Tout petit, sa mère l'habillait en petite fille, et c'est souvent en robe qu'il sortait, enfant, pour réaliser de petits films. Plus tard, alors qu'il était tout à fait hétérosexuel (les femmes et l'alcool étaient ses seuls vices, qu'il consommait avec ardeur, l'un de ses pseudonymes étant même Akdov Telmig, "vodka gimlet" à l'envers), il ne pouvait s'empêcher de porter des dessous féminins (il dira même en avoir porté sous son uniforme pendant qu'il combattait lors de la Seconde Guerre Mondiale) et, surtout, des pulls angora, son objet fétiche. Ses acteurs et techniciens ne devaient ainsi pas s'étonner de voir arriver sur le plateau, le matin un homme, l'après-midi une "femme"... Il reprendra cette obsession personnelle dans un livre, Death of a transvestite et, surtout, dans un film semi-autobiographique, Glen or Glenda, dans lequel le magnifique dernier plan montre une femme (Dolores Fuller, alors petite amie de Wood) enlever son pull angora et le tendre au personnage masculin (joué par Ed Wood lui-même).

Ce film, aussi abstrait et confus soit-il, reste tout de même une merveille d'émotion par cette "confession" de Wood; il nous livre ainsi son intimité et permet de comprendre comment un homme "normal" peut simplement avoir envie, certains jours, d'être une femme, sans pour autant être un pervers ou une aberration de la nature. Non seulement réalisateur, mais aussi scénariste, acteur, producteur, éclairagiste voire même cascadeur, et avant tout homme de cœur, Ed Wood fabriquait ses films de A à Z, endossait tous les rôles ou presque, et mérite enfin cette reconnaissance tant espérée, ne serait-ce que pour la volonté et l'ambition investies dans ses films. Mais pour clore la légende, le petit garçon déguisé en fille qui rêvait d'Hollywood finit sa vie en tournant des pornos et mourut d'une crise cardiaque en 1978, à l'âge de 63 ans. Sa femme Kathy était toujours à ses côtés. Près de vingt ans plus tard, Tim Burton réhabilite le personnage dans Ed Wood, dans lequel Johnny Depp est extraordinaire dans le rôle-titre.

par Marlène Weil-Masson

En savoir plus

1971 Necromania 1971 The Only House 1970 Excited 1961 The Sinister Urge 1959 Night of the Ghouls 1958 Plan 9 from Outer Space 1957 Final Curtain 1957 The Night the Banshee Cried 1956 Bride of the Monster 1954 Jail Bait 1953 Boots 1953 Crossroad Avenger: The Adventures of the Tucson Kid 1953 Glen or Glenda 1953 Trick Shooting with Kenne Duncan 1951 The Sun was Setting 1948 The Streets of Laredo

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