Carey Mulligan

Carey Mulligan
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Actrice
Royaume-Uni

"Je me sens vieille", avouait-elle dans Une éducation, le film qui lui a valu un BAFTA et une nomination à l’Oscar de la meilleure actrice. A seulement 26 ans, Carey Mulligan est une vieille jeune fille aux traits ingénus et à la voix étonnamment grave. Il a suffi d’une coupe à la garçonne, comme une lointaine réminiscence de Jean Seberg, pour accentuer son image de baby doll un peu gauche, au sourire mal assuré. Discrète, presque effacée, Carey Mulligan avance masquée ; elle n’est pas de celles dont la présence s’impose immédiatement. Tant mieux, elle ne ressemble à aucune autre. A force de conviction et de détermination, l’actrice se faufile, telle une petite souris, entre les mailles du filet. En 2011, elle partage l’écran avec Ryan Gosling (Drive) et Michael Fassbender (Shame). En 2012, ce sera face à Leonardo DiCaprio (The Great Gatsby). En théorie, nous la détestons tou(te)s. Dans la réalité, elle semble si naturellement détachée des remous d’Hollywood qu’on l’inviterait bien à grignoter un scone avec nous.

MOI, LOLITA ?

On la croit fragile, frêle comme un canari. Mais Carey Mulligan a la tête dure. Armée de sa seule volonté (et de beaucoup d’insouciance), c’est elle qui, le plus souvent, sollicite les personnes avec lesquelles elle aimerait travailler. Avant l’âge de 10 ans, elle connaît déjà sa vocation. A 18 ans, elle écrit à Julian Fellows, le scénariste de Gosford Park rencontré lors d’une conférence dans son lycée, pour lui demander conseil – et les coordonnées d’un directeur de casting. Elle écrit aussi à Kenneth Branagh pour qu’il devienne son mentor. Ce n’est pas un hasard si le personnage de Jeanne d’Arc, qu’elle rêve d’incarner au théâtre, l’inspire plus qu’un autre. Carey se fit à son intuition et à sa bonne étoile. Son physique d’éternelle débutante habillé d’une voix rauque, bien loin d’être un handicap, est son arme secrète. Carey Mulligan joue de son apparence naïve et délicate. A 18 ans, elle interprète le rôle d’une adolescente de 14 ans dans Orgueil et préjugés aux côtés de Keira Knightley. A 22 ans, elle est Jenny, l’héroïne d’Une éducation sensée avoir 16 ans. L’illusion est parfaite. Sa frimousse de moineau apeuré, ses yeux un peu tristes expriment aussi bien la candeur d’une Lolita que l’amertume d’une lady vieillissante. Elle n’est jamais tout à fait celle qu’on attend. Never Let Me Go, adapté du roman de Kazuo Ishiguro, Auprès de moi toujours, creuse encore cette différence. Carey est une curiosité. Elle a cette solennité et cette étrange familiarité en plus. Sa fulgurante ascension à Hollywood l’a ainsi épargné des rôles de bécasses dans les teen movies. Au quotidien, c’est pourtant une fan obsessionnelle de Glee qui se verrait bien en combinaison de bad girl et fait volontiers l’éloge de Kristen Wiig dans Mes Meilleures Amies qu’elle a vu trois fois.

HIT THE ROAD

Carey Mulligan est née à Londres en 1985. Son père travaille pour la chaîne d’hôtels InterContinental, obligeant ainsi la famille à déménager régulièrement. L’hôtel, c’est son refuge. Elle vit quelques années à Hanovre puis à Düsseldorf, toujours au dernier étage des palaces, sans jardin ni hamsters, mais avec le frisson (éphémère) de la vie de bohème. Ce n’est qu’à l’âge de 8 ans qu’elle revient s’installer à Londres. On l’imagine première de la classe (et c’était en effet la meilleure de son cours de théâtre), mais elle se dit fainéante, ou plutôt très chanceuse. Méfiants et protecteurs, ses parents s’opposent à sa vocation d’actrice. Plusieurs fois recalée des écoles d’art dramatique, elle compte sur son effronterie pour forcer le destin. Entre deux apparitions de luxe au cinéma (Wall Street : l’argent ne dort jamais, Brothers, Public Enemies) et des seconds rôles à la télévision (Bleak House et Doctor Who), elle trouve son équilibre au théâtre (La Mouette de Tchekhov, A travers le miroir adapté du film homonyme de Bergman). Une éducation est le premier film qui l'expose aux médias. Légèrement déprimée par son emploi du temps, elle envoie un mail à son agent pour lui faire part de son désir de tourner avec le cinéaste danois Nicolas Winding Refn. Elle vénère Tom Hardy dans Bronson et ne cache pas son admiration pour Valhalla Rising et la trilogie Pusher. Coïncidence, le scénario de Drive circule au même moment. Winding Refn est à la recherche d’une héroïne latino. Carey Mulligan réussit à lui faire changer d’avis ; le rôle est réécrit pour elle. Le tournage sera à l’image du film : un conte de fée. Ryan Gosling (ce farceur) la défie tous les jours au Rubik’s Cube et l’emmène en voiture faire des tours nauséeux dans le parking. Moins chafouin qu’il n’y paraît, Nicolas Winding Refn lui ouvre les portes de sa maison familiale le week-end, l'invite à voir les rushes, se plaît à lui montrer l'envers du décor. Adulée et choyée pendant plusieurs semaines, Carey Mulligan hérite une nouvelle fois du rôle de l’ingénue, de l’amoureuse en détresse d'une tour imaginaire, mais son sourire radieux et son élégante gravité servent parfaitement le film. Mi-chevalier blanc, mi-monstre ténébreux, Ryan Gosling ajoute à la beauté surannée et surréelle de leur rencontre.

ALL ABOUT LOVE

"I hate my job, I'm working way too much (every day I'm stuck in an office)". Peu de gens le savent, mais Carey Mulligan prête sa ravissante voix à l’une des merveilleuses ballades de Belle & Sebastian, Write About Love. La chanson lui ressemble. Elle aussi frémit à l’idée de s’ennuyer et de se répéter. Elle refuse d’être cataloguée actrice anglaise ou d’être piégée dans des rôles de princesse évaporée. Carey Mulligan peut néanmoins s’enorgueillir d'avoir inspiré deux séquences mémorables de 2011 : le baiser volé de Drive et une reprise alanguie de New York, New York dans Shame. C’est ce dernier film qui, enfin, donne un tout autre éclairage à son jeu. Après avoir paisiblement flirté avec l’onirisme électrique de Drive, elle s’abandonne à la réalité crue de Shame. C’est elle qui part à la rencontre de Steve McQueen et le supplie de l’engager. Surpris et séduit par tant d'éloquence, McQueen lui offre le rôle sans lui faire passer le moindre essai. Il lui demande si elle sait chanter. Elle bluffe (elle sait vaguement fredonner). Hantée par son personnage dans La Mouette, Carey Mulligan regrettait jusque-là de n’avoir jamais trouvé de rôle aussi fort au cinéma. Sissy, la sœur névrotique de Brandon (Michael Fassbender), est à ses yeux un prolongement de Nina, l’aspirante actrice. Sissy chante d'une voix sereine, mais tout son être brisé crie la solitude et le besoin d'amour. Dès sa première apparition dans Shame (une entrée par effraction), elle montre tout. Les enceintes hurlent I Want Your Love de Chic, elle est nue face à son propre frère. Ses bras ont gardé les cicatrices de ses mutilations. Sissy jure, insulte, menace, exige d'être aimée en retour, mais se heurte à un mur d'indifférence. Improvisant à loisir avec Fassbender, Carey Mulligan est méconnaissable. On s'étonne encore de la voir si désinvolte et si brutale. Depuis la fin du tournage, elle s'est fait tatouer une mouette au creux du poignet, comme un témoignage de son admiration pour Tchekhov et de tous ces rôles passionnés qu'elle n'a pas fini d'explorer.

par Danielle Chou

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