Rencontre avec Tim Burton

Rencontre avec Tim Burton

Rencontrant son public lors d'une masterclass puis les journalistes lors d'une conférence de presse, Tim Burton est longuement revenu sur Frankenweenie, son dernier long métrage (en salles le 31 octobre). Le réalisateur évoque son rapport à Disney, son amour pour l'animation image par image, et ses souvenirs d'enfance. Compte rendu détaillé !

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Sur l'enfance

C’est fascinant parce que les adultes oublient qu’il y a, dans chaque Disney, un aspect très noir. Regardez Blanche Neige et la reine, la mère de Bambi qui meurt, dans Le Roi Lion c’est la même chose, et les adultes ont tendance à oublier ça. Ils oublient ce que c’est d’être un enfant, oublient les contes de fées et ce qu’ils ont de sombre, d'effrayant, c’est même leur fonction.

J’ai basé ce film sur mes souvenirs. Quand j’étais gosse, je voulais devenir soit un savant fou, soit le mec qui était dans le costume de Godzilla. Ça c’était mes désirs d’enfant. Les gamins, comme les profs, sont vraiment des souvenirs très concrets de mon enfance. Le professeur, dans Frankenweenie, c’est une combinaison de 2-3 profs que j’ai eus. Ce film est comme un travail de mémoire personnel. On peut certes y voir des références aux films d’horreur d’Universal, de la Hammer, des films d’horreur japonais, je les regardais ces films-là. Mais je suis parti vraiment de personnes réelles que j’ai véritablement croisées, pareil pour la relation avec le chien, c’était la même chose quand il a fallu choisir des lieux, des décors, l’école, tout vient de souvenirs qui me sont propres.

Je n’étais pas un enfant rebelle, ou alors si je l’étais, je l’étais en secret. Je ne crois pas qu’il y ait d’enfant heureux de façon permanente. On passe tous par des moments difficiles. Et on y réagit en étant plus créatif, en s’exprimant plus. Peut-être que c’était mon amour du film d’horreur qui faisait ma différence, et ma rébellion.

Sur la banlieue

Je viens de la banlieue. Les gens pensent que je me venge et que je déteste la banlieue. Quand j’ai commencé à faire des films, il y avait cette petite vengeance. Lorsque j’étais enfant, j’avais du mal à exister à Burbank, à y être une personne. Aujourd’hui, je considère que ça fait tout simplement partie de moi. Jamais plus je n’habiterai à Burbank, c’est complètement derrière moi. Mais cela fait complètement partie de la construction de ma personne.

Sur ses origines

Ma famille, comme toutes les familles, était dysfonctionnelle. Mon père était un joueur de base-ball raté, qui a fini par bosser dans une agence de voyage. Nous faisions partie de la petite classe moyenne. De mon côté je passais mon temps au drive-in, à profiter des triple features. Burbank était une bulle. C’était curieux : d’un côté il y avait Disney, la Warner, et quand on traversait la rue, on n’avait aucune idée des films qui pouvaient s’y tourner. Je ne connaissais personne qui faisait du cinéma.

Sur Vincent Price

Quand j’avais 10-12 ans, ses films étaient très importants en Amérique, surtout ceux réalisés par Roger Corman. Il jouait tout le temps des personnages fous, surexcités, mélodramatiques, très sentimentaux, et moi je m’identifiais totalement. C’est pour ça que j’ai fait le court métrage Vincent et que je lui ai envoyé. Il m’a écrit et cette lettre était splendide. Quand je l’ai rencontré, mon rêve s’est réalisé et je me suis rendu compte aussi que l’acteur était dans la vie une personne hors du commun. C’est une de mes plus belles expériences.

J’ai eu aussi la chance de rencontrer d’autres gens que j’admire comme Ray Harryhausen ou Christopher Lee. En les rencontrant, j’ai découvert des hommes intéressants, curieux de tout, ça a été une véritable motivation pour moi.

Sur le stop motion

C’est tellement lent à faire. Certains plans nécessitaient une semaine pour être réalisés. On tournait ce film à l’est de Londres. Le temps qu’il nous a fallu pour faire Frankenweenie, c’était le temps qui a été nécessaire pour construire le stade olympique d’à côté. Mais cette possibilité de jouer à la poupée, si elle avait quelque chose de vieux jeu, c’était aussi quelque chose d’affectif, d’artisanal, un retour à la simplicité.

Sur l’animation traditionnelle

Je n’étais pas un très bon animateur, en tout cas dans le style Disney. Ma véritable influence en termes d’animation c’était les films de Ray Harryhausen, King Kong, ces films faits en stop motion, image par image, avec leur dimension physique, qui ont été les plus excitants pour mon imaginaire. Les films Disney, pour moi, c’était autre chose.

Sur une revanche envers Disney

J’ai été viré après mon court métrage Frankenweenie effectivement ! Concernant les deux versions du film, j’ai le sentiment d’avoir réalisé ici une version plus pure. J’avais commencé mon court métrage en faisant des dessins préparatifs. Faire ce film d’animation en 3D, aujourd’hui, était plus logique. C’était la façon la plus pure de réaliser ce projet. On utilise le thème de Frankenstein. Or Frankenstein, qu’est-ce que c’est ? Le principe c’est de donner vie à quelque chose d’inanimé. Et c’est justement ce qu’on fait avec l’animation image par image. En ce qui concerne Disney, Disney quand j’y travaillais et Disney aujourd’hui, ça n’est quand même pas du tout la même société. C’était la pire période pour le cinéma d’animation. J’étais aussi, de mon côté, quelqu’un de beaucoup plus frustré. Je travaillais sur Rox et Rouky qui était un projet qui ne me plaisait pas. Il y a eu beaucoup de sang neuf depuis. Je leur suis reconnaissant de m’avoir laissé faire mes courts métrages à l’époque, et de m’avoir donné la liberté aujourd’hui de réaliser ce film en stop motion et en noir et blanc.

Refaire Frankenweenie

Pour moi l’idée n’était pas de refaire ce que j’avais déjà fait. C’est un retour aux souvenirs, et ça renvoie à cette époque de films déclinés, les différents Frankenstein ou la série des Abbott et Costello.

Sur l’apparition de Christopher Lee dans le film

Les films de Christopher Lee ont quelque chose de très réaliste pour moi, contrairement à ce que pensent beaucoup de gens. C’est une sorte de réalité. Ça m’amusait que cette vérité apparaisse dans un film avec des marionnettes. J’ai trouvé que ça avait un sens.

Sur l’exposition qui lui a été consacrée

Le seul musée où j’allais enfant, c’était le musée du cinéma à Hollywood ! Être au MoMA, c’était complètement surréaliste. Je me suis senti très vulnérable en y voyant mes dessins et gribouillis ainsi exposés.

Sur son prochain film

Je ne sais pas encore. C’est difficile de passer à un nouveau projet après celui-ci. Je suis un peu lessivé (rires).

Sur ses enfants

Ma fille doit tenir de mes gènes : à 3 ans, elle adorait déjà La Guerre des monstres (réalisé par Ishiro Honda en 1966, ndlr). Et mon fils a vu les films de Ray Harryhausen.

Propos recueillis les 23 et 24 octobre 2012

par Nicolas Bardot

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