Rencontre avec Alexandre Aja, Nora Arnezeder et Rob

Rencontre avec Alexandre Aja, Nora Arnezeder et Rob

Remake du film culte de William Lustig, Maniac relève plusieurs défis. D'abord en étant fidèle à la brutalité du long métrage original, là où les remakes sont généralement synonymes de relectures aseptisées. Ensuite en ayant sa propre personnalité, avec ce récit teinté d'un romantisme et d'une mélancolie 80's à la Drive. Enfin, en étant un vrai bon film d'horreur réussi, en salle le 2 janvier. Alexandre Aja, producteur et scénariste du film, Nora Arnezeder, actrice, et Rob, compositeur, ont rencontré le public lors d'une avant-première. Extraits !

  • Rencontre avec Alexandre Aja, Nora Arnezeder et Rob
  • Rencontre avec Alexandre Aja, Nora Arnezeder et Rob

Sur le film original

Alexandre Aja: J’avais 2-3 ans quand le film est sorti donc c’était un peu tôt ! Mon premier souvenir de Maniac, comme pour beaucoup de gens de ma génération je pense, c’est la pochette d’une cassette dans un vidéoclub. Il y avait un visuel marquant, fort, extrêmement violent : le scalp d’une femme dans une main, un couteau dans l’autre. Comme beaucoup d’autres classiques de l’horreur c’était le genre de film qu’on ne pouvait pas voir avant un certain âge, donc on a vu le film quelques années plus tard avec Greg (Grégory Levasseur, ndlr), mon meilleur ami et collaborateur de toujours.

Nora Arnezeder: Moi je n’avais jamais entendu parler de Maniac. Pourtant, je suis une grande fan de films d’horreur. Quand Alexandre Aja m’a appelée pour me proposer Maniac, j’étais folle de joie parce que ça faisait longtemps que je voulais travailler avec lui. Et j’ai rencontré Franck Khalfoun qui a réalisé le film. C’était un rêve de faire un film d’horreur. Maintenant je serais ravie de voir Maniac, l'original, par curiosité en tout cas.

Rob: Moi c’était exactement comme Alexandre, Maniac c’était un souvenir, un flash interdit. Je n’avais pas vu le film avant de travailler dessus, je l’ai vu en préparant la musique. La BO du film original est magnifique, très belle. L’idée de faire une musique très mélancolique, nostalgique, sensible, qui permet d’entrer en emphase avec notre pauvre héros, elle était déjà dans l’original. Il y avait beaucoup de flûte à bec, et l’idée originale, la plus belle, c’était d’amener de la beauté dans cet univers dégueulasse.

AA: C’est ça qui m’a marqué quand j’ai découvert l’original, c’est cette empathie avec le personnage, par la musique et par l’interprétation de Joe Spinell. C’est vraiment ces éléments-là qui ont été les plus importants quand on a abordé l’écriture et la production du film.

Sur le choix de l’acteur

AA: Quand Elijah Wood, qui est un grand fan du cinéma de genre et d’horreur, a entendu parler du projet et qu’on s’intéressait à lui, il s’est dit « Qu’est-ce qui se passe ? » (rires). C’est absolument pas le même profil que dans l’original où Joe Spinell est un ogre à côté d’Elijah. L’idée est venue au moment de l’écriture, quand on est revenu sur la mythologie du film de William Lustig. On s’est rendu compte que derrière Frank, on était plus proche de Norman Bates que du Joe Spinell de l’original. Avec un côté plus romantique, plus désespéré, ce mal-être, qui allaient plus avec ce personnage, qui pourrait disparaître dans la foule et être invisible.

Sur les difficultés

AA: Jouer en regardant la caméra c’est quelque chose de très particulier.

NA: Et Elijah était là tous les jours pour donner la réplique. Jouer en regardant la caméra pouvait me mettre mal à l’aise mais être mal à l’aise, ce n’est pas si mal parfois.

Sur la musique

R: On parlait de stéréotypes, mais n’est-ce pas un exercice encore plus intéressant que d’en jouir, de les embrasser et les transcender ? Moi qui suis très sensible et compose une musique très romantique, déjà j’étais surpris d’être appelé à travailler sur ce film, et pour moi c’était formidable avec ma sensibilité de jeune fille de plonger à la place du personnage. On a évoqué Moroder pour le côté électronique, mélodique, très romantique.

AA: Ça devait être beau, romantique, dans l’émotion, presque kitsch.

R: L’idée c’était d’avoir envie de pleurer non pas pour les victimes mais pour le maniac. Je recevais quotidiennement les rushes et je me suis pris d’une affection malsaine.

Sur Los Angeles

AA: J’ai passé beaucoup de temps à LA ces dernières années. Mais c’est vrai que le centre-ville de Los Angeles est un peu déserté, c'est un endroit où l’on va rarement si ce n’est jamais, même quand on vit à Los Angeles. J’avais tourné une partie de Mirrors dans ces rues qui servent parfois à faire une sorte de New York vite fait, et il y a toute une partie qui fait vraiment cour des miracles et je pèse mes mots, c’est très impressionnant. Dans l’original, New York est un personnage à part entière. Ça sent la pisse, c’est très dur. Ce New York a disparu, c’est une ville formidable mais c’est plutôt Disneyland maintenant. Ce n'est plus le New York de Warriors ou de Maniac. Le centre-ville de Los Angeles, c’est exactement ça, où les gens viennent travailler mais qui est abandonné la nuit, il y a une sorte de faune étrange, tout une nouvelle génération de hipsters qui ré-envahissent le downtown. Drive a été une autre exploitation formidable de Los Angeles mais c’est une partie de Los Angeles rarement utilisée pour ce qu’elle est. Et ça a été une évidence quand on a fait les repérages, il fallait qu’on y tourne.

R: C’est aussi une ville qui est métamorphosée quand la nuit tombe. C’est comme San Francisco, quand la nuit tombe, t’as l’impression que les monstres sortent de terre, les clodos et les crackers sortent quand les gens arrêtent de bosser.

Sur le point de vue subjectif

AA: Il y a toute une histoire du cinéma subjectif. Il y a Gaspar Noé, Enter the Void bien sûr, mais en fait l’influence majeure c’était un autre film français qui n’a rien à voir avec le genre. C’était La Femme défendue de Philippe Harrel, qui est extrêmement différent mais qui avait quelque chose d’assez fort, en racontant une histoire d’adultère en vue subjective mais sans tomber dans le tout-plan séquence grand angle avec les mains en avant, où la forme dépasse un peu le fond. Je voulais un système où l’on oubliait la vue subjective pour rentrer dans l’histoire et les personnages. J’étais convaincu qu’il fallait trouver un concept tout en se démarquant de l’original. J’ai eu une réaction forte en lisant Un tueur sur la route de James Ellroy qui était raconté à la première personne. J’ai aimé le défi de se couper de la grammaire classique du cinéma d’horreur. Les codes visuels, la création du suspens, la façon de se mettre du côté des victimes… Il fallait s’y tenir et c’était mon rôle en tant que producteur d’insister là-dessus, parce que Franck venait me voir tous les jours pour me dire « C’est pas possible, il faut qu’on tourne la caméra et qu’on filme Elijah ». Mais le film existe par ce concept. On n’aurait pas eu la même intensité autrement. L’originalité, à partir d’un film qui est un classique, était nécessaire. Sinon pourquoi le refaire ?

Sur l'écriture du remake

AA: Moi j’avais déjà fait en quelque sorte mon remake de Maniac avec Haute tension qui comportait beaucoup de scènes très proches. A l’écriture, on a refait le même travail que sur La Colline a des yeux : reprendre une histoire, des personnages, et creuser. Pourquoi Frank a-t-il des mannequins dans son appartement ? En développant ce fétichisme, on arrive à développer le personnage de sa mère, son angoisse de se transformer lui-même en mannequin, et tout ça enrichit le personnage. On part de l’essence de l’original, on respecte l’histoire de base et on essaie d’arriver à un endroit un peu plus riche et plus intéressant.

Sur la collaboration avec Thomas Langmann

AA: C’est une chose méconnue mais Thomas est un énorme fan du genre, un énorme fan de Maniac est c’est lui qui est à l’initiative du projet. Ça a commencé par des discussions ensemble sur les films qu’on aimait. Et c’est lui qui a fait venir William Lustig à Paris, c’est à lui que je dois ce film, qui l’a mis sur des rails, et j’espère que ce sera le premier d’une longue série de productions de genre pour lui.

Sur Cobra

AA: J’y pense tous les jours, ça avance. C’est un gros projet, très ambitieux, qui coûte très très cher. Et ça prend du temps. Il faut trouver le financement, j’espère que ce sera mon prochain film.

Propos recueillis le 11 décembre 2012

par Nicolas Bardot

Commentaires

Partenaires