Entretien avec Rosemary Myers

Entretien avec Rosemary Myers

Venue du théâtre, l'Australienne Rosemary Myers signe avec Fantastic Birthday un premier film très remarqué qui fut sélectionné l'an passé à la Berlinale avant de sortir en salles ce mercredi 22 mars. Ce récit d'apprentissage poétique et décalé est un labyrinthe où les rêves sont plus lucides que la réalité. Entretien avec la réalisatrice...

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Quel était le principal défi dans l'adaptation d'une pièce de théâtre en long métrage de cinéma ?

Matthew Whittet (qui est dramaturge), Jonathon Oxlade (qui est décorateur) et moi-même formons une petite équipe très soudée au sein de notre compagnie du Windmill Theatre, en Australie-Méridionale. Nous avons créé de nombreuses pièces ensemble et nos sensibilités sont tout à fait alignées ; ainsi il était important de trouver des collaborateurs venant du cinéma qui partageraient nos envies esthétiques. Sans cela, faire le film aurait pu être beaucoup plus délicat. Nous avons été très chanceux de trouver le directeur de la photographie Andrew Commis et la monteuse Karryn de Cinque qui sont venus voir la pièce, et étaient excités par la perspective de l'adapter au cinéma – nous nous sommes instantanément entendus.

Le processus pour créer une pièce ou un film est très différent. Au théâtre, on découvre la pièce lors des répétitions alors qu'il y a énormément de choses au cinéma qui sont conçues en pré et post-production. Nous avons tourné le film en 22 jours, ce qui a conditionné un planning extrêmement serré. C'était ma première expérience en tant que réalisatrice et avant de me lancer, quelqu'un m'a dit : « Une personne qui sait ce qu'elle fait ne tenterait jamais de réaliser un film pareil avec un tel budget ». Du coup le déroulement du tournage a été cette combinaison assez grisante d'exaltation quant à ce que nous étions en train de créer et l'inquiétude écrasante que nous ne parviendrions jamais à terminer à temps.

L'aspect visuel de Fantastic Birthday joue énormément dans l'atmosphère particulière du film. Comment avez-vous abordé l'esthétique de cette adaptation ?

Notre décorateur Jonathon Oxlade et moi-même avons collaboré étroitement pour envisager l'univers du film. Les années 70 ont constitué un formidable point de départ parce que c'est une époque si remarquable esthétiquement. Nous avions également décidé très tôt de tourner une large partie du film, plus particulièrement tout ce qui concerne la forêt, en studio. Avec Andrew, notre directeur de la photographie, nous avons exploré de nombreuses références pour la forêt stylisée. On a aussi testé différentes idées d'éclairages issues de la scène ou des œuvres des grands photographes des 70s.

Comment et pourquoi avez-vous choisi le format d'image particulier de Fantastic Birthday?

C'était l'idée d'Andrew, parce que c'était un format commun dans les années 70 et nous adorions l'idée de composer des images dans ce « carré ». Nous avons passé beaucoup de temps sur le storyboard, ce qui nous a permis d'être tout à fait clairs sur ce que nous souhaitions créer.

Fantastic Birthday pourrait ressembler à de nombreux récits d'apprentissage, mais votre film parvient à trouver sa singularité et à être unique. Aviez-vous des références en tête lors de la préparation du long métrage ?

Le cinéma est le medium artistique dominant de notre époque, c'est pourquoi même lorsque nous faisons du théâtre, beaucoup de nos références viennent du cinéma. Des films tels que Le Magicien d'Oz, Le Labyrinthe de Pan, Donnie Darko, Napoleon Dynamite, Rushmore, Seize bougies pour Sam, Moonlight Kingdom, Blue Velvet, La Science des rêves, The Secret Adventures of Tom Thumb et Sleepy Hollow ont tous été évoqués, à un moment ou un autre de la production.

La structure du film est assez déroutante. Était-il clair dès le départ que la partie onirique prendrait tant de place dans la narration ?

Nous sommes de grands admirateurs de Bruno Bettelheim et de sa réflexion sur la résonance psychologique des contes de fées, ainsi nous avons toujours su que cette partie de l'histoire, où l'on assiste à la transposition de Greta, était primordiale. Par ailleurs, comme nous avions déjà fait le travail sur scène, nous savions comment cette structure pouvait fonctionner – même si c'était effectivement risqué de se lancer dans un tout autre type de narration à ce point du film.

L'imaginaire dans Fantastic Birthday est parfois sombre, est l'expression d'anxiétés. Pourtant, le ton du film est toujours doux et bienveillant. Comment avez-vous trouvé cet équilibre avec votre scénariste, Matthew Whittet ?

Créer une expérience qui soit sur le fil du rasoir entre l'humour et quelque chose de plus sombre était un défi qu'on a particulièrement apprécié. Alors le film peut parfois être drôle, puis triste ou effrayant l'instant suivant. Je trouve que Matthew a fait un travail merveilleux sur l'écriture des personnages qui sont à la fois parfaitement excentriques et tout à fait familiers.

Quels sont vos cinéastes favoris ?

Parmi mes cinéastes favoris, je citerais Spike Jonze, David Lynch, Jane Campion, Sofia Coppola, Wes Anderson et Sophie Hyde. J'admire également beaucoup d'artistes travaillant pour la scène tels que Bruce Gladwin, Romeo Castellucci et Pina Bauch.

Avez-vous de nouveaux projets ?

Pour le moment, nous travaillons tous sur d'autres projets. Matthew, Jonathon et moi sommes à nouveau sur un projet théâtral mais nous commençons également à développer des projets de cinéma pour le futur – on a totalement attrapé le virus après l'expérience merveilleuse de Fantastic Birthday.

Entretien réalisé le 6 octobre 2016. Un grand merci à Sata Cissokho.

par Nicolas Bardot

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