Entretien avec Riley Stearns

Entretien avec Riley Stearns

Premier long métrage de l'Américain Riley Stearns, Faults était l'une des découvertes de l’Étrange Festival. Etrange, Faults l'est. Le film raconte l'histoire d'un spécialiste de déprogrammation mentale qui vient en aide à une famille dont la fille (incarnée par Mary Elizabeth Winstead) est sous la coupe d'une mystérieuse secte. Ambitieux et minimaliste, Faults varie les tons avec talents et ressemble à une vraie petite révélation. Entretien avec son réalisateur.

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Faults est votre premier long métrage après quelques courts. Quel a été le point de départ de cet étrange film ?

J'imagine que j'ai d'abord pensé à Faults parce que je suis moi-même fasciné par les sectes, ou en tout cas, le principe d'une secte. Il y a eu différents films qui ont parlé de sectes ces dernières années mais ce qui m'intéresse le plus, à savoir le processus de déprogrammation et le fait de quitter une secte, n'a pas tellement été exploré. L'idée à la base tenait davantage du pur drame, mais le film est devenu de plus en plus bizarre au fil du développement. Je savais que je voulais une histoire qui tourne autour de ces deux personnages. Je voulais que l'action soit contenue dans quelques espaces, en partie parce que je savais que j'allais devoir, sur un film comme ça, faire preuve de débrouille avec un budget minuscule, mais aussi parce que cela nourrissait le sentiment de claustrophobie et l'atmosphère du film. Du coup à l'écriture j'avais tout cela en tête mais j'ai aussi laissé le scénario m'emmener là où il voulait.

La mise en scène de Faults participe largement à l'atmosphère étrange du long métrage. Comment avez-vous abordé le travail formel sur ce film ?

Je suis un grand fan du minimalisme mais la nuance est mince entre le minimalisme intéressant et le minimalisme juste ennuyeux. Le but pour moi est de vivre l'instant tant qu'il mérite d'être vécu. Et pas d'avoir recours au montage simplement parce que j'ai du matériel. Tenir une prise plus longue qu'habituellement permet aussi de tenir le public en haleine ce qui rend à mes yeux l'expérience plus intéressante. Quant au travail formel, mon directeur de la photographie Michael Ragen et moi-même avons discuté de l'esthétique pendant les mois de préparation avant le tournage, mais la plupart de temps on trouvait le plan approprié le jour du tournage. Ensuite, Michael et son équipe se chargeaient de rendre ça beau ! Comme une large partie du film se déroule dans une chambre de motel, le défi était de ne pas rendre l'espace trop statique. Mike et notre éclairagiste Conor O'Brien ont fait des merveilles avec la lumière et ça a servi l'histoire. C'est un travail subtil que le public ne remarque peut-être pas ou seulement de façon inconsciente, mais sans cette attention au détail, le film n'aurait pas été le même.

L'écriture de Faults est riche et surprenante. Le film est d'abord une comédie noire, puis un thriller absurde, avant de flirter avec le fantastique. Est-ce que ce mix de genres aventureux constituait l'un des challenges de Faults ?

Je ne dirais pas que ces changements de ton constituaient un challenge dans le sens où ce n'était pas quelque chose qu'on essayait de mettre de force dans le scénario. C'était en quelque sorte une progression naturelle durant l'écriture. La plupart des gens sont suffisamment intelligents pour savoir que ce n'est pas parce qu'on rit que les choses ne peuvent pas être effrayantes, ou au contraire que des choses terribles arrivent n'empêche pas de faire une blague. Je crois que l'une des choses les plus intéressantes quand je montre le film à des publics extrêmement différents, c'est que chacun semble le voir à sa façon. Certains parlent d'une comédie noire, d'autres de film d'horreur. On ne peut pas le dire de tant de films que ça dont c'est assez cool !

Faults m'a évoqué quelques récents films signés de jeunes réalisateurs indépendants américains comme Coherence de James Ward Byrkit, Toad Road de Jason Banker ou Resolution de Justin Benson et Aaron Moorhead. Ce sont des films à budget très bas, très conceptuels, où le minimalisme rencontre le fantastique. Avez-vous vu ces films ? Vous sentez-vous proche de certains nouveaux réalisateurs indépendants américains ?

Malheureusement je n'ai vu aucun de ces films pour le moment mais ils figurent tous sur ma liste ! Je trouve qu'il s'agit d'une période assez excitante pour le cinéma indépendant américain. Blue Ruin par exemple est un des meilleurs films que j'ai vus ces dernières années et c'est un film qui vient de nulle part. Un budget ridicule. Passé par Kickstarter. Avec un ton très particulier. Une putain de première à Cannes. Je ne connais pas le réalisateur Jeremy Saulnier mais j'ai le sentiment que lui comme d'autres jeunes réalisateurs qui arrivent maintenant ont grandi avec un accès plus immédiat à un très large panel de films que les générations précédentes de réalisateurs. Et ça se voit dans leurs films. Beaucoup d'entre nous ont comme modèle les cinéastes avec lesquels ils ont grandi, comme Paul Thomas Anderson ou les frères Coen, qui font des films qui n'appartiennent pas qu'à une catégorie.

L'une des réussites de Faults est que, petit à petit, on finit comme les personnages par croire des choses qu'on ne peut pas voir à l'écran. Cette foi du public envers le cinéma symbolise t-elle une idée du cinéma en général pour vous ?

C'est plus profond que ce que j'ai pu imaginer mais vous pouvez tout à fait faire ce lien. Tout ce à quoi vous pouvez vous accrocher quand vous regardez un film, c'est ce que vous donne le réalisateur. Au final, ce qu'on ne vous montre pas est probablement encore plus important. L’ambiguïté au cinéma, c'est essentiel parce que si tout est étalé devant vos yeux, vous ne réfléchissez pas. Et si vous ne réfléchissez pas, vous ne vous connectez pas. C'est mon boulot de réalisateur de faire confiance au public et à sa propre vision du film. Souvent, les gens interprètent les choses d'une façon qui n'a rien à voir avec vos intentions - et c'est leur droit. Et parfois leur interprétation est meilleure que ce que j'avais imaginé au départ. Votre droit en tant que réalisateur, c'est alors de dire que c'était tout à fait votre intention et de passer ainsi pour plus intelligent que vous ne l'êtes.

Entretien réalisé le 29 septembre 2014.

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par Nicolas Bardot

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