Festival de Rotterdam : Entretien avec Prabda Yoon

Festival de Rotterdam : Entretien avec Prabda Yoon

En compétition lors du dernier Festival de Rotterdam, Motel Mist est un ovni jubilatoire qui commence comme une farce sexy avant de basculer dans le thriller vengeur et la science-fiction mystérieuse. Ce qui se passe dans ce motel thaïlandais n'est décidément pas banal. Prabda Yoon, scénariste de Pen-Ek Ratanaruang qui signe ici sa première réalisation, a répondu à nos questions.

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Motel Mist est un film très inhabituel. Quel a été son point de départ ?

C'est à la base une idée que j'ai soumise à quelqu'un qui voulait faire un film à partir de mes écrits. Je lui ai envoyé le synopsis de Motel Mist, mais ça ne lui a pas plu. Moi j'étais très branché par cette histoire et je me suis dit que c'était peut-être le sujet parfait pour faire mes débuts de réalisateur, alors je l'ai envoyé à mes producteurs. Beaucoup de choses dans ce projet sont inhabituelles. Mais tout a été possible grâce au dévouement de l'équipe qui a tout donné pour que le film se fasse.

Motel Mist est visuellement efficace et séduisant. Pouvez-vous nous en dire davantage sur votre usage particulier de la couleur ?

Il était clair dès le départ que Motel Mist serait l'occasion de jouer avec les couleurs, et que chaque chambre aurait sa propre identité par l'usage de la couleur. Chaque couleur symbolise quelque chose et exprime ce dont il est question dans chaque chambre. Par contre, je n'ai pas trop envie d'en dire plus sur le sens de ces couleurs. Je préfère que le public se fasse sa propre interprétation.

Le sexe joue un rôle important dans Motel Mist, là encore de manière tout à fait inhabituelle. Pouvez-vous nous en dire plus sur la façon dont vous souhaitiez traiter de ce sujet ?

Pour moi ce n'est pas un film sur le sexe. Il n'y a quasiment pas de nudité explicite, à part dans le porno japonais qu'on voit à la télévision. Le sexe est utilisé pour créer une sorte de gêne, de discrimination violente. Quand il ne s'agit pas de porno, regarder du sexe à l'écran crée toujours quelque chose d'intéressant chez les spectateurs. Ça, ça m'intéresse. Cela met en quelque sorte le spectateur au défi.

A de nombreuses reprises durant Motel Mist, je me suis dit "Mais qu'est-ce qui est en train de se passer ?" - ce qui est particulièrement jubilatoire. En tant que spectateur, est-ce une sensation que vous cherchez particulièrement ? Est-ce que vous aviez cela en tête lors de la préparation de cette histoire ?

Exactement. Je suis particulièrement intéressé par toute forme d'art devant laquelle je m'écrierais : "What the fuck ?!". Les films qui m'inspirent ont cette qualité. Cela prend généralement un certain temps avant d'apprécier vraiment ce type de créations qu'on peut également détester, mais cela provoque toujours quelque chose en vous. C'est un peu comme quand vous voyez quelque chose pour la première fois, que celle-ci paraît bizarre - "Mais qu'est-ce que c'est que ce truc ?". C'est l'expérience de ce qui est neuf, de la découverte. Je ne suis pas en train de dire que Motel Mist est si génial que c'est comme voir quelque chose de totalement inédit, mais c'est en tout cas cette qualité précise que je cherche en créant.

Aviez-vous des références en tête venant d'autres films de science-fiction pour tourner Motel Mist ? Quels sont vos films de science-fiction favoris ?

Pas exactement une référence, mais on a regardé les œuvres de différents artistes, photographes, réalisateurs, afin de créer des conversations entre elles et faire naître des idées. Par exemple, certains d'entre nous ont revu Paris, Texas de Wim Wenders, même s'il s'agit d'un film assez différent. On a aussi beaucoup regardé de clips musicaux d'aujourd'hui. Un certain nombre d'entre eux sont fantastiques. Je ne regarde pas tant que ça de purs films de science-fiction pour m'inspirer - même si je prends beaucoup de plaisir à en voir. Ma préférence va plutôt aux premiers films de Cronenberg ou à certains films cultes des années 70 qui contiennent des éléments de SF. Je suis plus sensible à l'étrangeté et au mystère qu'à la science-fiction à vrai dire. Je me suis également intéressé aux films de Walerian Borowczyk peu de temps avant de tourner Motel Mist.

Le motel de votre film se nomme "Motel Mistress". Comment avez-vous décidé du titre Motel Mist ?

C'est une sorte de jeu de mots bien sûr. L'enseigne au néon du motel ne fonctionne pas totalement et les dernières lettres finissent par ne plus s'allumer. Motel Mistress est le véritable nom de l'hôtel, et lorsque celui-ci devient Motel Mist, cela signifie qu'il est contrôlé par une force mystérieuse. Et j'adore le mot "mist". Il émane de ce terme un très beau sens du mystère.

J'ai lu que vous aviez déjà un nouveau projet en tant que réalisateur, l'histoire d'une mère et de son fils qui serait également une histoire de vampires. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce projet ?

Je n'en suis qu'aux préparatifs. L'histoire se déroule à Pattaya, la station balnéaire thaïlandaise bien connue. C'est une histoire qui implique des femmes-vampires, la mafia russe, et un jeune homme un peu dérangé qui rencontre sa mère pour la première fois, sauf que celle-ci ignore qu'elle est sa mère. Leur relation s'intensifie d'une manière assez perturbante. Voilà ce que je peux dire pour le moment !

Entretien réalisé le 12 mars 2016. Un grand merci à Donsaron Kovitvanitcha.

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par Nicolas Bardot

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