Entretien avec Pierre Ricadat

Entretien avec Pierre Ricadat

La 7e édition du Festival du Film Coréen débute à Paris, au cinéma Saint-André-Des-Arts, ce mardi 30 octobre ! Jusqu'au mardi 6 novembre, avant-premières, découvertes et classiques rares sont au programme. Pierre Ricadat, chef programmateur, nous présente les temps forts du festival et les films à ne pas manquer !

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FilmDeCulte : Masquerade et The Thieves, les films qui font l’ouverture et la clôture du Festival du Film Coréen ont créé l’événement coup sur coup au box-office. Le premier a passé les 10 millions d’entrées, le second est presque devenu le plus gros succès de l’histoire du cinéma coréen, juste derrière The Host. Qu’est-ce que ces deux énormes cartons vous inspirent ?

Pierre Ricadat: C'est même fait pour The Thieves, record battu ! Cette année est exceptionnelle pour le cinéma commercial coréen. L'an dernier pas mal de gros films avaient déçu au box-office (notamment les "machines de guerre" My Way et The Front Line), et les succès étaient venus de films moins attendus comme Sunny (film d'ouverture du festival l'an dernier), Punch ou Silenced (qui sera projeté cette année). Là où 5 films coréens dépassaient les 4 millions de spectateurs l'an dernier (et seulement 2 en 2010), ils sont déjà 8 en 2012. Nous nous réjouissons également de la réussite de quelques films aux budgets nettement moins conséquents tels que Two Doors ou encore Pieta.

FdC : Il s’est passé des choses intéressantes du côté du cinéma coréen cet été. Tout d’abord il y a eu le Lion d’or à Venise pour Pieta, première récompense de cette envergure pour un cinéaste coréen, jusqu’ici placés mais pas gagnants. Est-ce que vous avez pu voir ce film ? A l’heure où l’on parle d’un essoufflement de la créativité dans la production coréenne, pensez-vous qu’une telle récompense puisse avoir un impact ?

PR: Nous avons essayé de montrer le film, mais malheureusement ça n'a pas été possible (le distributeur coréen préférait attendre les festivals de Venise et Toronto pour vendre le film en France, ce qui a été le cas mais trop tardivement pour nous). Personnellement je n'ai donc pas encore pu le voir. En terme d'impact, on peut parler de la décision de Kim Ki-duk de retirer son film des salles après avoir dépassé la barre des 500.000 spectateurs, afin de laisser la place à d'autres films indépendants (lesquels existent bel et bien, mais ont beaucoup de mal à trouver le chemin des salles). Un député a même proposé une loi (surnommée "Loi Pieta") instaurant un minimum de séances dédiées aux films indépendants dans les cinémas. A suivre avec attention donc.

FdC : Plus proche de nous, la sortie cet été de La Servante a été un beau succès. Les ressorties d’anciens films coréens sont rarissimes dans les salles françaises. Ce succès vous a-t-il surpris ? Pouvez-vous nous présenter votre sélection de classiques sélectionnés cette année au festival ?

PR: Le succès de La Servante me fait très plaisir, j'ai d'ailleurs été surpris par l'ampleur de la campagne publicitaire autour du film (avec des affiches visibles un peu partout) car je ne pensais pas qu'un tel film puisse en bénéficier. Cela prouve qu'il y a un réel intérêt pour ce genre de films. Malgré le fait que notre section Classiques soit celle qui attire le moins de spectateurs à notre festival, nous la maintenons chaque année et en sommes très fiers (nous sommes le seul festival de cinéma coréen dans le monde à proposer cela). Il s'agit souvent d'une chance unique pour les spectateurs de découvrir ces films et le public en sort généralement satisfait. Chaque année nous cherchons un angle d'approche différent pour aiguiser la curiosité de nos spectateurs : cette année nous avons choisi, pour chaque décennie des années 50 à 90, un film qui a provoqué le scandale par sa représentation des mœurs ou de la sexualité. On pourra donc ainsi comparer l'évolution de ce qu'il était possible de montrer à travers le temps. Certains réalisateurs ont même séjourné en prison à cause de leur film ! A noter la présence, alors que Sylvia Kristel vient de nous quitter, d'un film fortement inspiré d'Emmanuelle (jusqu'à son titre, The Aema Woman), premier film érotique coréen "assumé" et permis par une volonté politique de divertir le peuple et lui faire oublier ses envies de démocratie.

FdC : Contrairement à d’autres festivals consacrés à des cinématographies dont les programmations se concentrent souvent sur une définition plus restreinte du cinéma d’auteur, le Festival du Film Coréen se caractérise par son grand éclectisme. Il y a des films intimistes, des films de genre, des comédies, de l’expérimental, du doc… Lorsque vous effectuez votre travail de sélection, est-ce que ce souci d’éclectisme pèse sur vos choix ?

PR: En effet contrairement à d'autres festivals qui s'intéressent uniquement à des films d'auteur, ou bien qui se contentent de diffuser le top 10 du box-office de l'année, nous souhaitons vraiment montrer TOUS les cinémas. Cela demande beaucoup de travail car nous devons rester à l'affût de tout ce qui se passe pendant l'année et visionner le plus de films possibles. Nous essayons ensuite d'en dégager une sélection équilibrée qui représentera bien ces différentes facettes, avec dans chaque domaine le ou les films qui nous semblent les plus importants.

FdC : Question difficile : quels conseils donneriez-vous aux lecteurs qui souhaiteraient voir des films lors du festival ? Des coups de cœur particuliers ?

PR: Il y a la très rafraîchissante comédie Penny Pinchers ou encore le thriller sombre Helpless. En dehors des films les plus connus, je recommande d'aller voir le film du jeune réalisateur mis à l'honneur cette année, Stateless Things. Une vraie découverte, une personnalité forte et originale (ses courts en témoignent de manière assez radicale) dans le paysage du cinéma coréen actuel. Après, d'un point de vue plus personnel et pas forcément grand public, j'ai un petit faible pour le cinéma déglingué des frères Kim (dont vous avez pu découvrir le déjà tordu Anti Gas Skin l'an dernier) et donc j'invite les spectateurs aventureux (mais les lecteurs de FilmDeCulte le sont, non ?) à aller découvrir leur Self Referential Traverse: Zeitgeist and Engagement. Et puis laissez vous tenter par au moins un film classique !

FdC : Quels sont vos objectifs pour cette nouvelle édition ?

PR: Du point de vue de la fréquentation, cela s'annonce déjà très bien au vu des réservations qui explosent tous nos records précédents. J'espère que les spectateurs ne se contenteront pas des têtes d'affiches que sont The Thieves et Masquerade mais iront aussi découvrir le reste du programme. A part ça, que les problèmes techniques nous épargnent et tout ira bien !

Entretien réalisé le 29 octobre 2012

par Nicolas Bardot

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