Festival de la Roche-sur-Yon: Entretien avec Paolo Moretti

Festival de la Roche-sur-Yon: Entretien avec Paolo Moretti

« L'image en mouvement dans son sens le plus large ». C'est par ces mots que Paolo Moretti, programmateur du festival de La Roche-sur-Yon depuis 2014, a présenté la programmation de cette édition 2017. Rencontre avec un passionné à la cinéphile transversale.

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Le Festival de La Roche-sur-Yon est un festival particulièrement éclectique. Si on devait trouver une formule pour tenter de résumer son approche transversale, on pourrait dire qu'il y a toujours une large place laissée à l'inconnu. Comment effectuez-vous le travail de sélection ?

On se casse bien la tête (rires). On essaie bien sûr de proposer quelque chose qui ne relève pas du déjà vu, du déjà connu. Cela vient en partie de l'expérience que j’ai eue dans d’autres festivals, notamment à la Mostra, mais cela aussi à voir avec la démarche que l’on a par ailleurs au FID Marseille. Si le cinéma m’intéresse autant depuis de nombreuses années, c’est parce que j’ai la profonde conviction que c'est est un art qui compose un vocabulaire visuel nous aidant à interpréter le monde, ce sont les images nouvelles qui viennent enrichir notre vocabulaire sémiotique pour mieux comprendre l’ici et le maintenant.

Dans la sélection, les films les plus pointus côtoient les films plus grands publics, mais surtout ils se mélangent. On se retrouve souvent devant des films qui pourraient aussi bien se trouver dans la section « nouvelles vagues » qu'en séance de gala à l'auditorium.

Mais bien sûr. Il ne faut surtout pas oublier la sensibilité commune que l'on partage avec les spectateurs qui, pour certains, viennent avec l'envie très légitime d'aller simplement voir un film. On ne veut pas se couper des spectateurs qui n’ont pas forcement la même exigence, notre défi c'est justement de conjuguer ces deux pôles-là dans un même objet. David OReilly en est un très bon exemple: c’est une super star mondiale dans son domaine mais il n’y avait jamais eu d’hommage en France dans un cadre cinématographique. Son travail est radicalement contemporain et en même temps accessible. Ça fait plaisir de voir que le public répond présent, qu’il se lance dans des expériences en allant voir des films dont il n’a jamais entendu parler. Nous avons un profond respect pour le regard du public, et je crois qu'au fil des éditions, une relation de confiance s’est installée. Quand je sélectionne un film, je pense avant tout au public de la Roche-sur-Yon, même si on ne s’adresse pas exclusivement qu'à eux. En sélectionnant presque uniquement des films en première française, on s’exprime en effet également à un niveau national, ce n’est pas anodin. Ma double mission c’est d’impliquer la population locale et de faire rayonner la ville a une échelle plus grande. Et chaque année, on se dit « oh my god, où sont les films qui correspondent à cette démarche ?» (rires).

Quelles sont les étapes du travail de sélection ?

On est un des rares festivals de cette taille et de ce genre à n’avoir aucune contrainte. Notre programme ne tourne pas autour d’une langue, d’une région, d’un thème ou d'un genre. Ce qui veut dire que potentiellement, n'importe quel film peut rentrer dans notre ligné éditoriale. La seule contrainte qu’on s'est donnée c’est de ne sélectionner aucun film de Cannes, car c'est un festival énorme et surtout déjà extrêmement bien exposé au niveau de la presse et des professionnels. La plupart des films qui y sont sélectionnés ont déjà un distributeur, par exemple, et comme je dirige également le cinéma le Concorde, je constate qu'un film passé par Cannes aura toujours plus de chances de marcher en salles qu'un film d'un niveau équivalent passé par un autre festival. J’ai envie de travailler sur des films qui méritent notre attention, afin d’intéresser à la fois le public et les professionnels. Mais j’estime que nos films sont du même niveau que ceux de Cannes ou d’autres grands festivals, car si nous les projetons en première française, ils ont fait leur première mondiale à Berlin, Venise ou Rotterdam. Notre niveau de qualité est le même, même si on n'a pas tapis rouge, ou qu'on n'a pas le budget pour faire venir des grandes stars (rires). D’ailleurs, soit dit en passant, je crois que nous sommes l’un des festivals les moins chers du circuit.

Ceci dit, je suis ravi que cette année nous puissions accueillir nos invités dans le cadre luxueux du Cyel. J'avais cette vieille fixette d'avoir un lieu central, pour garder toutes les énergies du festival dans un même endroit et je me réjouis beaucoup qu'il existe aujourd'hui et qu'il soit aussi beau. C'est tout neuf, il a été inauguré tellement récemment qu'on n'en trouve toujours presque pas de photos sur internet!

Le Cyel accueille d'ailleurs une exposition du travail de David OReilly. C'est un pari audacieux que d'avoir comme invité central quelqu'un qui a fait un peu de tout dans sa carrière (animation, clips, jeux vidéos, peinture...), sauf du cinéma à proprement parler.

David OReilly c’est quelqu’un que je suis depuis de nombreuses années. Comme beaucoup de monde je l’ai découvert en 2009 quand il a eu l’Ours d’or du court métrage avec Please Say Something, qui avait à mes yeux quelque chose de vraiment révolutionnaire dans l’animation 3d. C’est quelqu’un qui a fabriqué sa propre forme d’animation, de façon artisanale, avec une vision d’auteur, pour aboutir à un résultat unique. Il fait de l’animation mais avec à la base une fascination pour le cinéma classique, et ce n’est pas important s’il n’utilise pas un dispositif cinématographique classique. Même à l’époque où il faisait du graphic design, il était influencé par Bergman, Bresson ou Tarkovski. Il y a même un plan dans Please Say Something où le personnage avance avec peine contre le vent, qui cite Kurosawa. Il réfléchit aussi beaucoup au futur de l’image en mouvement. Et nous avons organisé cette exposition de son œuvre pour suggérer à notre tour des évolutions possibles pour le cinéma.

C’est la toute première fois qu’une exposition lui est consacrée, c'est bien cela?

Oui. Évidemment ses films n’arrêtent pas de tourner, mais cela concerne surtout les 3 ou 4 plus connus, qui datent d’il y a quelques années maintenant. Ce que je trouvais intéressant, c’était de montrer sa trajectoire, d'où il est parti et où il est maintenant. Il a déjà été mis a l’honneur dans le monde de l’animation ou dans le monde du jeu vidéo mais c’est la première fois que sont présentées ensemble les deux parties de son travail : ses films, mais aussi ce sur quoi il travaille depuis 2015, à savoir les jeux vidéos Mountain et Everything, qui sont des jeux sans comparaison. Je suis très heureux qu'il nous accompagne durant tout le festival.

Entretien réalisé le 21 octobre 2017.

par Gregory Coutaut

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