Entretien avec Ilian Metev

Entretien avec Ilian Metev

Ilian Metev a été l'une des découvertes du Festival de Cannes avec Sofia's Last Ambulance, présenté à la Semaine de la Critique. Le film suit le parcours chaotique d'ambulanciers dans la capitale bulgare. Entretien avec un réalisateur à suivre.

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FilmDeCulte : Quel a été votre parcours avant la réalisation de Sofia's Last Ambulance ?

Ilian Metev: Adolescent, je voulais devenir violoniste. Et puis pour un certain nombre de raisons, peu à peu, je me suis tourné vers les arts visuels et finalement le cinéma. Je voulais faire du documentaire de création, j'étais obsédé par l'idée de refléter quelque chose de purement authentique. J'ai étudié à la UK National Film & Television School et j'ai obtenu mon diplôme avec un moyen métrage intitulé Goleshovo, qui a attiré pas mal d'attention et qui a fini par m'aider à trouver des soutiens pour faire Sofia's Last Ambulance.

FdC : A quel moment s'est arrêté le choix de ne cadrer que le visage de vos ambulanciers dans Sofia's Last Ambulance ? Est-ce un choix strictement éthique ?

IM: J'ai pris cette décision très tôt dans la préparation du film. Il y a de nombreuses raisons de se concentrer exclusivement sur le visage des infirmiers. La première était intuitive, ça ne me semblait tout simplement pas bien de filmer des patients pendant ces moments traumatisants. Ensuite, j'ai eu envie de rester au plus près de l'équipe médicale pour comprendre au mieux ce qui les pousse à faire ce qu'ils font. Mettre au même niveau une description purement visuelle de leur quotidien aurait détourné l'attention. Je voulais capturer l'instant précis où leur expression change.

FdC : Il y a un sentiment d'urgence durant tout le film, vos ambulanciers retrouvent notamment un cadavre qui a été oublié chez lui. Dans quelle mesure Sofia's Last Ambulance est-il pour vous un film sur la Bulgarie d'aujourd'hui ?

IM: Nous avons toujours traité l'ambulance comme une sorte de microcosme reflétant la vie aujourd'hui en Bulgarie. Ça s'exprime par les obstacles contre lesquels les protagonistes se battent, tout comme par les différentes personnes qu'ils rencontrent au cours du film. En même temps, j'espère que le film exprime une force que les personnages ont en eux et qui transcenderait les frontières.

FdC : Sofia's Last Ambulance pourrait être aussi bien un documentaire qu'une fiction. Dans un entretien qu'il nous a accordé récemment, le réalisateur chinois Wang Bing parle du rapprochement qu'il a observé dans le cinéma contemporain entre fiction et documentaire. Quel est votre point de vue à ce sujet ?

IM: Pour moi, le terrain d'expression le plus excitant au cinéma est l'authenticité du documentaire et le contrôle formel généralement associé à la fiction. Je ne crois pas que ça soit si neuf cela dit, les néo-réalistes italiens comme Rossellini ou Visconti exploraient déjà cette frontière. En tout cas, des technologies nouvelles nous permettent de développer de nouvelles façon de travailler. Dans mon travail, je pense à peine au genre. Je vois des images et des sons, voilà tout. Parfois ils m'inspirent, parfois non.

FdC : Lors de la présentation du film à Cannes, Charles Tesson a parlé du fait que vous, comme d'autres nouveaux réalisateurs bulgares (Kamen Kalev, Konstantin Bojanov), sont établis à l'étranger ou sont passés par des écoles de cinéma à l'étranger. Qu'est-ce que cela révèle, selon vous, sur l'état de la production cinématographique en Bulgarie ?

IM: Je ne peux globalement parler que de mon expérience. Pour moi, étudier à Londres était un privilège, vu que j'ai eu l'opportunité d'absorber des cultures très diverses et de rencontrer des gens du monde entier. Cet échange m'a aidé, je crois, à avoir un regard neuf sur la vie contemporaine en Bulgarie. Il y a de plus en plus de voix qui s’elèvent, en Bulgarie-même comme ailleurs, qui reflètent de manière cinématographique la réalité de notre pays. J'espère que ça va continuer.

FdC : Votre film est très singulier. Aviez-vous des modèles en tête avant de tourner ce premier long métrage ?

IM: Pendant la réalisation de Sofia's Last Ambulance, je ne me sentais pas de regarder d'autres films. Je voulais garder mon esprit clair. Il y a néanmoins des cinéastes qui m'inspirent, comme Ozu ou Bresson. La constance formelle de leur œuvre et les émotions qu'elle parvient à communiquer m’inspirent beaucoup. En fait je pensais souvent aux compositions de Bach. Bach utilise très souvent un minimum d'éléments avec à l'arrivée une grand puissance émotionnelle. Il y a plusieurs scènes que j’ai d’ailleurs appréhendées comme des mouvements de musique avec des thèmes, des variations… Avec ma monteuse Betina Ip, nous avons construit le film de façon analytique et intuitive à la fois.

FdC : Avez-vous profité de votre présence à Cannes pour voir d'autres films ?

IM: Malheureusement, mon planning était tellement serré que je n'ai rien pu voir.

FdC : Quels sont vos projets ?

IM: Il y a deux projets sur lesquels je travaille actuellement, un en Bulgarie, un à l'étranger. Après avoir tourné en festival, j'ai hâte de me plonger dans ces projets.

Entretien réalisé le 13 juin 2012

par Nicolas Bardot

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