Entretien avec Frédéric Temps

Entretien avec Frédéric Temps

Président et délégué général de l’Étrange Festival qui débute ce jeudi, Frédéric Temps nous parle des temps forts et perspectives de cette très alléchante 18e édition...

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FilmDeCulte : L'Étrange Festival fête ses 18 ans. Comment est-il né ?

Frédéric Temps: Par une envie de retrouver sur les écrans, et donc à sa juste place, tout un pan du cinéma mondial, étrangement délaissé à l'époque, au début des années 90.

FdC : Comment effectuez-vous votre sélection tout au long de l’année ?

FT: Nous parcourons les différents marchés et festivals du globe et sommes informés des différentes productions en tournage ou montage, susceptibles de nous intéresser.

FdC : La multiplication récente de festivals consacrés au cinéma de genre, se succédant à l’automne, tels que le Festival de Strasbourg ou le PIFFF, complique t-elle les choses pour L’Étrange Festival ?

FT: L’Étrange Festival fut créé sur une envie limpide qui perdure deux décennies plus tard. Sans aucune influence ni référence. Ses inspirations ne se trouvent pas du côté des films d'horreurs, fantastiques ou violent, mais dans un carrefour des "genres" allant du documentaire sociologique au conte pour enfant en passant par un polar musclé, un slasher "couillu" ou un film expérimental. Si le festival de Knokke-le-Zoute, créé par Jacques Ledoux, fut probablement le premier à approcher cette "fusion" des genres dès la fin des années 40 et jusqu'au milieu des années 70, L’Étrange Festival est la référence la plus ancienne, sur le long terme, à avoir réussi en France cette mixité.

FdC : Il y a quelques années, L’Étrange Festival permettait des rétrospectives de cinéastes pas ou peu distribués en France, comme Masato Harada ou Sogo Ishii, ou des rétrospectives thématiques comme celle consacrée aux fantômes japonais. Ça semble être un peu moins le cas maintenant même s’il y a toujours une place réservée aux films rares et pépites cultes. Était-ce trop compliqué à organiser ?

FT: Pas plus compliqué que certaines cartes blanches ou certains hommages, mais cela coûte très cher (tirage de copies neuves, sous-titrage de films inédits, transport des copies) et les finances de la manifestation ne peuvent plus suivre, pour le moment, cette inflation galopante. Nous y reviendrons, forcément, lorsque les institutions se réveilleront et comprendront l'importance de la sauvegarde et de la redécouverte de toutes ses œuvres, influences évidentes pour toute une génération de cinéastes...

FdC : Quel cinéphile êtes-vous ? Quels sont vos cinéastes favoris ?

FT: Nos goûts cinéphiliques, fort heureusement, se répartissent sur des champs très larges et pourtant cohérents. Nous n'avons aucun préjugé ni aucune "chapelle". Certains films de Straub et Huillet ou de Sokourov sont plus "costaux" que la plupart des buzz du moment vendus à coup d'hémoglobine... Un film d'Hershell Gordon Lewis ou de William Castle déborde d'idées géniales que beaucoup de "clippeurs" actuels n'arriveront jamais à atteindre. L'un de vos confrères a trouvé une très belle définition de la manifestation : "L’Étrange Festival, c'est le cinéma là ou on ne l'attend pas".

FdC : De quoi êtes-vous le plus fier parmi toutes ces éditions de L’Étrange Festival ?

FT: Éternellement, et cela n'a rien de démagogique, la plus grande fierté que nous dégageons de la manifestation est la joie et le plaisir qui rayonnent sur le visage de la plupart des spectateurs, de plus en plus nombreux, et quel que soit leur âge, à la (re)découverte d'une oeuvre qu'ils ne s'attendaient pas à se prendre "en pleine gueule". Voir le public nous suivre dans nos envies et nos choix est la plus belle récompense de notre travail et nous motive à continuer et persévérer pour lui offrir chaque année une édition toujours plus spectaculaire.

FdC : Y’a-t-il des réalisateurs, des acteurs que vous rêvez d’inviter ?

FT: Tout est une question de temps... Il nous arrive de correspondre pendant plusieurs années avec un artiste ou son entourage afin de trouver le bon moment pour lui rendre hommage. Vous serez gâtés dans deux ans, pour le vingtième anniversaire...

FdC : Quel sentiment avez-vous lorsque vous voyez aujourd’hui des cinéastes tels que Nicolas Winding Refn, Kim Ki-Duk ou Sono Sion, dont vous avez diffusé les films très tôt, accéder à une reconnaissance internationale ?

FT: Que nous ne nous sommes pas trompés , mais ça pourrait arriver. Certains jeunes talents d'un jour deviennent forcément les icônes de demain. Le plus dur est de durer. Les trois cinéastes, très différents, que vous citez, sont aujourd'hui parmi les créateurs les plus innovants et inventifs sur la planète cinéma et il en sera probablement de même dans un proche avenir avec l'anglais Ben Wheatley. D'où le Focus que nous lui offrons cette année. Leur carrière est toute tracée. Il n'y a donc aucun étonnement à ce que des manifestations plus "assises" que L’Étrange Festival, s'en emparent afin d'injecter un peu de sang neuf dans leurs programmations souvent sclérosées. Mais ce vivier de talents que propose chaque année la manifestation commence à se faire savoir et il est évident que bon nombre de programmateurs, distributeurs ou producteurs regardent d'un peu plus près la programmation de L’Étrange Festival.

FdC : Auriez-vous quelques coups de cœur à faire partager à nos lecteurs pour cette édition ?

FT: A chaque édition, nous essayons, humblement, de proposer les meilleures pellicules que nous avons pu voir dans l'année. Aussi, il serait injuste de dégager un auteur plutôt qu'un autre. Disons que pour ce cru 2012, nous avons été très impressionnés par certaines premières œuvres comme l'Espagnol Insensibles, l'Irlandais Citadel, le Mexicain Los Chidos, le Russe Bullet Collector, l'hilarant A Fantastic Fear of Everything, le curieux Berberian Sound Studio ou le nouveau et majestueux documentaire de l'Américain Ron Fricke Samsara. Bref, il y en a pour tous les goûts...

FdC : Sur quels jeunes cinéastes « étranges » d’aujourd’hui parieriez pour le futur ?

FT: Fort logiquement, selon nous, c'est dans la sélection compétitive des courts métrages que l'on trouve les futurs talents de demain. C'est à L’Étrange Festival que furent montrés les premiers courts de Julio Medem, François Ozon, Jaume Balaguero, Alex de la Iglesia, Guillermo Del Toro et beaucoup d'autres avant qu'ils ne passent au long métrage. Aussi, ce "laboratoire" qu'est le court métrage donne déjà une certaine température assez juste de ce que sera le cinéma de demain.

Entretien réalisé le 29 août 2012

par Nicolas Bardot

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