Découvertes FilmDeCulte: Entretien avec Fiona Tan

Découvertes FilmDeCulte: Entretien avec Fiona Tan

Quatrième temps fort de notre focus dédié aux découvertes du cinéma mondial: si Fiona Tan, née en Indonésie, est une révélation cinématographique avec ses deux premiers films remarqués (History's Future et Ascent), son nom est déjà connu puisqu'elle est une figure de l'art contemporain. Résidant désormais aux Pays-Bas, elle a représenté le pays lors de la Biennale de Venise en 2009. Ascent, dévoilé à Locarno, a été l'un de nos coups de cœur de l'année. Conçu à partir de milliers de photographies, le film fait un récit du Mont Fuji à l'imaginaire riche et à l'exécution radicale. Il sera diffusé le 31 mai au Musée de la Chasse et de la nature. Entretien avec sa réalisatrice...

  • Découvertes FilmDeCulte: Entretien avec Fiona Tan
  • Découvertes FilmDeCulte: Entretien avec Fiona Tan
  • Découvertes FilmDeCulte: Entretien avec Fiona Tan

Le concept de Ascent est assez inhabituel. Comment ce projet est-il né?

4000 photographies de ces 150 dernières années, aussi diverses qu'exceptionnelles, ont constitué la base de Ascent. Ces photos ont en commun un même sujet : le Mont Fuji. Beaucoup de ces images sont d'une indéniable beauté à couper le souffle – qu'il s'agisse des premiers exemples de photographies de studio japonaises du 19e siècle aux photos de propagandes des années 30, des images de presse de victoire américaine aux photos d'amateurs à travers les décennies. Ces milliers d'images entourent la montagne comme un nuage, le révélant et le dissimulant en même temps.

A l'origine, je pensais ne faire qu'un court métrage. Mais quand toutes ces photos ont été trouvées, j'ai réalisé que j'avais un choix d'images bien plus riche que ce que j'avais imaginé. J'ai commencé des recherches, et le projet a continué à prendre de l'ampleur. Comme beaucoup d'artistes et cinéastes, je suis une grande fan de Chris Marker. En particulier, j'admire son court métrage de science-fiction La Jetée, qui utilise aussi des images fixes et une voix-off. Ce que j'envisageais comme une courte vidéo a grandi, grandi jusqu'à devenir un long métrage.

Ascent est un film sur, avec, et qui vient d'une montagne dont l'importance culturelle est incommensurable – le Mont Fuji. Aux côtés des deux protagonistes, le spectateur escalade le Mont Fuji à travers des moyens géographiques, temporels et culturels. C'est un photo-film. Un film entièrement composé de photographies : une expérience filmique en équilibre délicat entre documentaire et fiction. J'ai développé une histoire à partir de ces images. Les plus de 4000 images collectées étaient beaucoup plus surprenantes et différentes que ce que j'attendais. Le Mont Fuji est un volcan aux nombreux visages et mes recherches m'ont emmenée de plus en plus loin, et ma fascination n'a fait que croitre.

Comment avez-vous trouvé (et choisi) les images qui constituent Ascent?

J'ai eu accès à la collection du Musée de la Photographie d'Izu, au Japon. Avec le musée, nous avons lancé un site internet suggérant au public d'uploader toute image en leur possession du Mont Fuji. En expliquant que j'avais besoin d'une montagne d'images – littéralement. Une fois les images reçues, j'ai mis quelques mois à trier et organiser toutes ces photos. J'ai eu un assistant japonais qui m'a idée sur la géographie, le contexte historique et la traduction. Le montage a été très long et a demandé beaucoup d'efforts. C'était un processus fascinant, nous réalisions que c'est au montage que nous faisions le travail de la caméra. J'écrivais et montais avec mon monteur en même temps, puis réécrivais et remontais avec notre designer sonore qui nous a fourni du matériel dès le début du montage.

Ascent est à la fois minimaliste et vertigineux. En tant qu'artiste, pensez-vous que less is more?

En général, oui. D'un point de vue conceptuel, au cœur de mon travail il y a toujours une remise en question profonde des liens artistiques qui existent entre la photographie et le cinéma. Une des motivations-clefs pour ce film vient d'un désir de ramener le cinéma à ses racines, à ce qu'il a d'essentiel – et de le réaliser avec les moyens les plus élémentaires. Cela a permis une méditation sur le visible et l'invisible, sur le deuil, la perte et la fuite du temps.

Faites-vous une différence entre votre travail de plasticienne et votre travail de réalisatrice ? Dans quelle mesure peut-on dire que l'un nourrit l'autre ?

En tant que plasticienne je travaille avant tout sur le film et la photographie, du coup c'était une progression naturelle d'aller vers le cinéma. Je ne vois pas de distinction si nette entre faire du cinéma et constituer une exposition. Il y a beaucoup de recoupements. Jusqu'à présent, je trouve que mon travail dans ces deux domaines sont l'expression d'une même réflexion et se nourrissent naturellement et mutuellement.

Quelles ont été vos inspirations pour Ascent, qu'il s'agisse de films mais aussi de littérature ou de peinture?

Le film est comme une promenade qui ferait écho à différentes œuvres d'art, des œuvres de Hokusai à celles de Van Gogh. La littérature et la poésie sont également toujours très importantes pour moi.

Quels sont vos réalisateurs favoris?

Chantal Akerman, Claire Denis, Heddy Honigmann et Agnès Varda sont les quelques noms qui me viennent immédiatement en tête. J'admire vraiment les premiers films de Michael Haneke. Et bien sûr, Chris Marker, comme je l'ai déjà mentionné.

Entretien réalisé le 17 décembre 2016.

Et pour ne rien louper de nos news, dossiers, critiques et entretiens, rejoignez-nous sur Facebook et Twitter !

par Nicolas Bardot

En savoir plus

Notre critique de Ascent

Commentaires

Partenaires