Entretien avec Eric England

Entretien avec Eric England

Le tout jeune Eric England, 25 ans, réalise avec Contracted un film d'horreur joyeusement amoral sur une pauvre jeune fille qui attrape une terrible MST. Après l’Étrange Festival, le réalisateur américain présente son film cette semaine au Festival de Sitges. Rencontre avec un espoir du cinéma de genre.

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FilmDeCulte : Ce qui arrive à votre héroïne est terrible. Est-ce que cela vient d'une phobie personnelle ?

Eric England : A mon avis personne n'est excité à l'idée d'attraper une MST ! (rires) Je pense que le film est avant tout venu de cette idée: le sexe est tout autour de nous, partout. On a tous des relations sexuelles et pour ma part je suis assez obsédé par le sexe en général. Donc je voulais faire un film là-dessus. Les MST, c'est un des aspects les plus flippants du sexe, donc on est allé dans cette direction.

FDC: Et qu'est-ce qui, personnellement, vous terrifie ?

EE : Ce qui me fait peur ? Beaucoup de choses. La mort, le noir, les clowns, le vide, les insectes. Et avoir le cœur brisé.

FDC : Comment avez-vous travaillé sur la transformation de Samantha ?

EE : Du point de vue de l'histoire, j'ai essayé d'ancrer cette transformation dans un réalisme total. C'est l'approche que j'ai choisie, et c'est ce qui a défini le maquillage. Notre maquilleuse, Mayera Abeita, a été exemplaire. Elle a été capable de faire des trucs incroyables avec pratiquement pas un dollar. Il fallait être très créatif. Najarra (qui interprète le rôle principal, ndlr) passait par l'étape maquillage tous les jours pour qu'on la transforme. Mais comme on n'avait pas beaucoup d'argent, on devait s'assurer que les moments horribles servent efficacement l'histoire, plutôt que faire dans le pur spectaculaire.

FDC : Une des choses très réjouissantes de Contracted est que le film est totalement amoral. C'est à la fois horrible et assez drôle. Le début du film est assez réaliste tandis que la fin verse plus directement dans le grand-guignol. Pouvez-vous nous parler de cet équilibre entre l'horreur et le rire ?

EE : Quand on fait un film tel que Contracted, on sait qu'on va diviser le public. Certains vont penser que c'est une idée terrifiante et dégueu. D'autres vont trouver ça drôle. Moi je voulais réconcilier ces deux publics. Je ne voulais pas non plus tomber dans la parodie et faire quelque chose qui soit juste drôle, mais en même temps je souhaitais disperser des indices qui indiquent au public qu'on peut aussi rire de ce qu'on voit à l'écran. La partie sexuelle est censée être fun et dégoûtante, les conséquences sont censées être plus effrayantes. C'est ce que j'avais en tête, dès le départ. C'est une frontière délicate qu'on peut chevaucher, et il y a des scènes où l'on sait que l'on peut trouver le film plus fun qu'à d'autres moments. Le film, d'une certaine manière, vous le dit.

FDC : Depuis longtemps, la lesbienne au cinéma a souvent été utilisée comme un personnage négatif, une perverse ou une incarnation du mal. Il y a quelque chose de très ironique de voir ici une jeune fille lesbienne qui est une brebis totalement innocente et qui est pervertie par une relation... hétérosexuelle. Est-ce que cette inversion ironique des codes avait un sens pour vous ?

EE : Je suis heureux que vous le mentionniez et je vous remercie pour cela ! L'idée elle-même est assez unique et je voulais que mes protagonistes le soient aussi. Avoir un personnage de lesbienne pour cette histoire, c'était un choix audacieux et c'est ce que je voulais. Je savais que cela apporterait une autre dimension au film. Je crois que c'est le cas. On m'a dit que Contracted était très progressiste en ce qui concerne la représentation de la communauté gay et lesbienne. Pas seulement en tant que film en général mais en ce qui concerne le genre en particulier. Je me sens très honoré par cela.

FDC : Vous avez 25 ans et êtes né à une période qui correspond aussi à la fin d'un certain âge d'or de l'horreur. Quels ont été pour vous les films d'horreur marquants de votre jeunesse, parmi ceux réalisés ces 20 dernières années ?

EE : En fait j'adore plein de films qui ont été réalisés avant ma naissance, et beaucoup d'entre eux m'ont influencé. Si je dois citer les films avec lesquels j'ai grandi, ceux qui m'ont vraiment suivi dans ma jeunesse, je dirais Scream, Souviens-toi l'été dernier, Le Silence des agneaux, Sixième sens, Les Autres, Ring, The Grudge, Cabin Fever... et il y en a d'autres. J'adore le cinéma et j'adore l'horreur en particulier. Si l'histoire est unique et qu'elle marche, j'en suis.

FDC : Vous avez déclaré dans une interview, à propos de la production et de la distribution des films: "le pouvoir est en train de revenir peu à peu entre les mains des réalisateurs". Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ? Quelle évolution avez-vous perçue ces dernières années ?

EE : Ce que je voulais dire c'est que les cinéastes n'ont plus besoin d'attendre la permission de quiconque pour faire un film. Vous pouvez filmer quelque chose avec votre téléphone. Vous pouvez parfois même faire du montage ! La possibilité de raconter des histoire est plus facile que jamais et les montrer est plus simple également. La partie qui reste compliquée, c'est l'argent. Beaucoup d'artistes doivent faire d'énormes concessions pour s'en sortir. De nombreux réalisateurs qu'on adore, qu'on admire aujourd'hui peinent tout simplement à joindre les deux bouts.

FDC : Vous vous êtes exprimé sur votre nouveau projet qui mêle des éléments de L'Exorciste au sentiment de paranoia de The Thing. Pourriez-vous nous donner plus de détails ?

EE : C'est un film qui s'appelle Underneath et c'est une histoire classique de survie et de détermination. Il y a une atmosphère horrifique, c'est très accrocheur, les personnages sont superbes. TJ Cimfel, le scénariste de ce film, a un incroyable talent et c'est un honneur de travailler avec lui.

FDC : Savez-vous si Contracted sera prochainement présenté dans des festivals en France après l’Étrange Festival ?

EE : Je ne le sais pas encore, mais j'espère. J'adorerais visiter la France !

Entretien réalisé le 29 septembre 2013

par Nicolas Bardot

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