Entretien avec Derek Franson

Entretien avec Derek Franson

Le Canadien Derek Franson a été l'une des révélations du Festival de Gérardmer, en début d'année. Comforting Skin, premier long métrage singulier, est au programme de l’Étrange Festival. Le film raconte l'histoire d'un tatouage qui prend vie. Entretien avec le réalisateur...

  • Entretien avec Derek Franson
  • Entretien avec Derek Franson

FilmDeCulte : Quel a été votre parcours avant la réalisation de ce premier long-métrage ?

Derek Franson: J’ai travaillé comme assistant de production sur des publicités, ça m’a permis de joindre les deux bouts et de me faire la main en tant que réalisateur. Devoir effectuer une grosse quantité de travail en un temps minimal me laissait pas mal de temps pour exercer ma créativité ailleurs, c’est comme ça que j’ai pu me concentrer sur mes propres projets.

FdC : Quel a été le point de départ de Comforting Skin ? Qu’est ce qui vous a donné envie de raconter cette histoire ?

DF: Cette idée m’est venue il y a tellement longtemps que j’ai du mal à me souvenir ! Hum, tout est parti de cette idée d’un tatouage pouvant se déplacer tout seul sur la peau. A partir de là, je me suis rendu compte de toute la richesse des thèmes et des symboles qui en découlait. Puis j’ai fait un peu de "rétroingénierie", pour créer par la suite un personnage dont la psychologie corresponde à cette idée. C’est surtout le développement du personnage de Koffie et sa complexité qui m’ont vraiment inspiré. Si Comforting Skin ne racontait rien d’autre qu’une simple histoire tatouage vivant, j’aurais rapidement perdu tout intérêt à le faire.

FdC : Comforting Skin est à la fois surnaturel et très réaliste. Comment diriez-vous que le film s’affranchit des règles du genre ? Avez-vous l’impression d’avoir réalisé un pur film fantastique ?

DF: Oui, j’ai l’impression d’y être parvenu. Mais je tenais à ce que ce conte cruel mélange le fantastique et le monde réel, parce qu’aux yeux du public, c’est justement cela qui rend les moments étranges plus vraisemblables, et ce qui apporte aux moments réalistes un sentiment de malaise et d’inquiétude.

FdC : Ce qui fait en partie la réussite du film c’est que Koffie se situe à l’exact opposé des clichés des personnages féminins des mauvais films de genre. Cela faisait partie de vos intentions dès le départ ?

DF: Cela faisait bien évidemment partie de mes intentions. Mais ce n’était pas seulement dans le but de faire quelque chose de différent. Il fallait que le personnage de Koffie soit une vraie femme tout simplement pour que le public puisse s’identifier à elle. Pour moi, c’était inenvisageable de faire autrement.

FdC : Aviez-vous des modèles en tête pour ce personnage ?

DF: Non. Victoria Bidewell s’est emparée du personnage avec une véracité qu’aucune influence n’aurait pu lui dicter.

FdC : L’aspect surnaturel de Comforting Skin est anti-spectaculaire et évite beaucoup de clichés et d’effets faciles (musique oppressante, jump-scares…). Cela traduit–il vos goûts en tant que spectateur ?

DF: Tout à fait. Je n’aime pas les films paresseux. Ceci dit je n’aime pas non plus les films trop ésotériques ! Quand j’étais petit, je dormais dans des draps Star Wars, et je voulais que mes parents conduisent à 88 miles à l’heure comme Doc Brown, donc je suis tout à fait client de grand spectacle. Il y a bien sûr des archétypes, des règles et des astuces qui marchent merveilleusement bien quand on veut raconter une histoire, mais il faut surtout savoir s’en servir intelligemment.

FdC : Le film parle beaucoup de relations frustrées, d’élans amoureux compromis, il y a dans chaque personnage une amertume et une étrangeté très surprenante dans un film de genre. Comment avez-vous appréhendé cela ?

DF: Je n’avais pas pour but de faire à tout prix quelque chose de différent par rapport au genre en général. Inclure ce type de comportement psychologique était indispensable car le tatouage nait justement de ces émotions : le narcissisme, la mélancolie et l’amertume lui servent à la fois de terreau et de souche. Au-delà de ça, j’adore quand les personnages sont vrais, qu’ils ont de l’épaisseur et des défauts, qu’ils n’ont pas l’air de sortir du parfait cahier des charges pour tel genre cinématographique.

FdC : L’une des scènes-clés du film est la scène de sexe entre Koffie et Synthia, qui est à la fois étrange et très touchante. Comment l’avez–vous appréhendée ?

DF: Je suis très touché que vous mentionniez cette scène parce que c’est ma préférée du film. Ceci dit je ne la trouve pas particulièrement touchante. Au contraire, c’est pour moi la scène la plus brutale du film car c’est là où Koffie doit faire face à la trahison ultime. Mon but était de créer une scène très violente sans jamais montrer de violence physique. Et curieusement, ça a été la scène la plus facile à tourner. Le travail du metteur en scène et grandement facilité quand il peut compter sur des acteurs de talent, et c’est justement ce que j’avais sous le coude. Quand on s’est senti prêt à s’attaquer à cette scène, on s’est éclipsé tous les trois d’une pause déjeuner et on l’a tournée en cachette. Au final, c’était un peu comme une simple chorégraphie : dès que j’ai commencé à tourner, Vic et Jane ont pu se laisser aller à leurs émotions.

FdC : Un autre élément surprenant du film, c’est que vous n’avez pas peur des dialogues.

DF: Les dialogues peuvent soit tirer une scène vers le haut, soit au contraire l’alourdir complètement. Ce qui m’intéresse surtout c’est comment les dialogues parviennent à créer un rythme à l’intérieur d’une scène, indépendamment du processus de montage.

FdC : Quels sont vos futurs projets ?

DF J’ai beaucoup de projets en cours, mais il y a en a trois sur lesquels je me focalise particulièrement. Un film d’aventures intitulé Smartparts qui devrait ressembler à un mélange des Aventures de Jack Burton dans les griffes du mandarin et des Aventuriers de l’arche perdue. J’ai aussi un thriller d’espionnage qui s’appellera Mule et un film de pure science-fiction qui s’appellera Velocity.

FdC : Pour finir, avez-vous vous-même un tatouage ?

DF: Eh bien non ! C’est le coté irréversible qui me fait peur.

Entretien réalisé le 13 mai 2012

par Gregory Coutaut

Commentaires

Partenaires