Entretien avec Christoffer Boe

Entretien avec Christoffer Boe

Révélé il y a neuf ans par Reconstruction, Caméra d'or à Cannes, le Danois Christoffer Boe signe, avec Beast, un long métrage envoûtant à la lisière du fantastique. Le film a été primé au Festival de Gérardmer. Entretien avec son réalisateur...

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FilmDeCulte : Il y a 9 ans, vous remportiez la Caméra d’or pour Reconstruction. Est-ce qu’une telle attention dès votre premier film a été une bonne ou mauvaise chose ?

Christoffer Boe: Il faudrait être fou pour se plaindre de recevoir autant d’attention pour un premier film ! Mais cela ne veut pas dire pour autant que ça n’a pas de conséquences évidentes. Cela peut vous influencer sans que vous ne vous en rendiez compte. A l’époque, je ne voulais surtout pas faire quelque chose de facile, d’accessible, de commercial, oserais-je dire. Je ne tenais pas à devenir populaire, je voulais surtout aller à contre courant. Avec le recul, je me rends bien compte à quel point ce prix à Cannes a été fondamental : cela aurait pu m’influencer en bien ou en mal, mais je préfère croire que ce fut en bien.

FdC : Considérez-vous Beast comme un film fantastique ?

CB: Non. C’est quoi, le fantastique ? C’est tout ce qui n’est pas réel. Or tous mes films sont réels et concrets, même s’ils traitent de choses qui ne le sont pas – c'est-à-dire les émotions.

FdC : Il y a une cohérence dans la lumière de vos films, je pense en particulier à l’utilisation de la lumière dans Everything will be Fine et Beast, dont les chefs opérateurs sont pourtant différents. Comment avez-vous pensé ces différentes collaborations ?

CB: Mes chefs opérateurs sont très doués, mais ils font ce que je leur dis de faire ! Sinon je les raille… gentiment. Mais suffisamment tout de même pour qu’ils s’adaptent à la vision que j’ai du film et que j’estime nécessaire. Le truc bizarre c’est que pour beaucoup de réalisateurs, la photo n’est pas très importante. Pour moi s’il y a un film, il y a au moins une image et du son, et peut-être un acteur.

FdC : Vous avez vous-même décrit le film comme une rencontre entre Qui a peur de Virginia Woolf et Alien. Pouvez-vous nous parler de ce point de départ ?

CB: Pour l’écriture, mon modèle c’était la musique de chambre : un exposé brutal sur la cohabitation entre amour et haine dans chaque histoire d’amour. Je tenais à traiter ce sujet de manière viscérale, je voulais que les émotions prennent corps. Les émotions, ce n’est pas que des mots. C’est du sang, des larmes, de la chair.

FdC : Le film joue énormément sur le mystère et le non-dit. Était-ce une manière, pour vous, de vous focaliser sur les moments de tension de cette histoire ?

CB: Pas vraiment. J’ai bien peur qu’il s’agisse simplement de la façon dont j’aime raconter des histoires. Malheureusement, mon goût n’est pas partagé par beaucoup. Il faudra bien que j’y remédie. Est–ce qu’il faudra que je change mes goûts ou ceux du reste du monde ? Je n’ai pas encore tranché.

FdC : Le film a été tourné très vite, pour peu d’argent. Ce manque de moyens ne transparait jamais à l’écran. Ces conditions étaient-elles une contrainte ou une liberté ?

CB: Des circonstances différentes créent des films différents. Je savais dès le départ que ce film devrait se tourner en à peu près 2 semaines, dans mon appartement (où nous avons quasiment tout tourné), avec pratiquement pas d’argent et peu d’acteurs. Ça m’a beaucoup inspiré, et je n’ai eu besoin que de six nuits pour écrire le scénario, dans des petits bars autour de Copenhague. Je revenais du tournage de Everything Will Be Fine qui m’a pris environ quatre ans entre l’idée initiale et le film fini, et j’avais besoin de faire quelque chose avec une énergie différente. J’ai eu l’idée du film en novembre, et 6 semaines plus tard nous donnions naissance à Beast.

FdC : La fin du film peut être interprétée de diverses façons. Aviez-vous une interprétation en tête, et correspondait-elle a celle que vous avez pu observer chez les spectateurs du film ?

CB: Pour moi la fin est simple et directe. Je pense que ça suit la logique du reste film, qui montre un homme courir après quelque chose de merveilleux qu’il ne pourra jamais atteindre. Je dois cependant admettre que tous les spectateurs n’ont pas vu la fin de la même façon. Alors, qui a raison ? Je ne sais pas.

FdC : Nicolas Bro joue dans tous vos films. Pouvez-vous nous parler de cette collaboration ?

CB: Je crois qu’on fonctionne bien ensemble : on se teste mutuellement, on s’incite à dépasser nos limites, parfois même nos capacités. Cette relation signifie énormément pour moi, c’est une approche unique – du moins à ma connaissance.

FdC : Quel est votre film fantastique préféré ?

CB: Possession de Zulawski.

FdC : On a beaucoup parlé de cinéastes danois l’an passé, entre Melancholia de Lars Von Trier, Nicolas Winding Refn qui a réalisé Drive, ou encore Susanne Bier qui a gagné un Oscar pour Revenge. Avez-vous le sentiment qu’il se passe quelque chose de particulier en ce moment au Danemark ?

CB: Non !

FdC : Pouvez-vous nous expliquer ce qui s’est passé sur Paris je t’aime ? (le court métrage de Boe n'a pas été conservé dans le montage final, ndlr)

CB: Je n’en ai pas la moindre idée !

FdC : Quels sont vos projets ?

CB: Je vais commencer à tourner dans quelques semaines un film sur deux amis: deux activistes radicaux et capitalistes de droite, anarchistes, pro-sexe et pro-drogues. Ils ont tout fait pour essayer de foutre le Danemark en l’air dans les années 60 et 70. Ça devrait être drôle !

Entretien réalisé le 21 février. Merci à Zire Schucany.

par Nicolas Bardot

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