Festival Paris Cinéma: Entretien avec Aude Hesbert

Festival Paris Cinéma: Entretien avec Aude Hesbert

Du 28 juin au 9 juillet se déroulera la 11e édition du Festival Paris Cinéma ! La Belgique sera le pays à l'honneur cette année. Aude Hesbert, déléguée générale et directrice artistique du festival, nous dit tout, tout, tout de cette nouvelle édition.

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FilmDeCulte : Cette année la Belgique est le pays à l'honneur. Pouvez-vous nous raconter comment ce choix est né et comment vous avez établi votre programme ?

Aude Hesbert : Ce choix est né du constat de la vitalité du cinéma belge récent, tant côté flamand que du côté francophone, et de la volonté de mettre en avant des jeunes réalisateurs et comédiens. C’est ainsi que nous avons choisi de rendre hommage à Joachim Lafosse et Felix van Groeningen, deux jeunes cinéastes qui en quelques années à peine, ont fait la preuve de leur très grand talent. Depuis les premiers temps du cinéma muet, les talents belges n’ont cessé d’irriguer et de nourrir le cinéma français, qu’ils soient réalisateurs, producteurs, chef opérateurs, techniciens et comédiens bien sûr. Ce sont tous ces acteurs belges, dont on ignore parfois l’origine, et qui dynamisent et électrisent le cinéma français que nous voulions mettre en valeur : Jonathan Zaccaï, Deborah François, Benoît Poelvoorde, Jean-Luc Couchard, Pauline Etienne, Yannick et Jérémie Renier… et bien sûr Natacha Régnier, une actrice radieuse et solaire, qui allie grâce et modernité et à qui nous rendrons un bel hommage en plus de 20 films qui témoignent d’un parcours exemplaire et déterminé. Comme Natacha Régnier est une comédienne à la fois exigeante et d’une grande générosité, elle rencontrera le public quasiment tous les soirs autour de films de son choix et le 2 juillet dans le cadre d’une Masterclass.

Et puis, comme il était hors de question d’envisager, dans le cadre d’un festival, de dessiner une histoire du cinéma belge (un projet titanesque !), nous avons fait le choix de prendre les chemins de traverse de la comédie, genre fertile et culte s’il en est en Belgique, et de présenter un focus autour de la comédie belge. C’est pourquoi nous ouvrirons ce programme belge avec une séance fracassante au Louxor autour d’un film invisible en salle depuis longtemps puisque le film n’a plus de distributeur: C’est arrivé près de chez vous ! Et puis nous voulions enfin donner un aperçu de la diversité du cinéma belge : des films des pionniers comme Alfred Machin ou Jacques Feyder, des films en costumes ou drames paysans flamands, en passant par quelques œuvres de la Nouvelle Vague belge des années 60 et représentatives du réalisme magique si caractéristique de l’art belge, aux films de grands cinéastes d’aujourd’hui comme Lucas Belvaux ou les Frères Dardenne…

FDC : De nombreux films belges seront donc projetés, parmi lesquels des films rares ou méconnus. Auriez-vous des coups de cœur à faire partager à nos lecteurs ?

AH : Je vous invite à découvrir, si vous ne le connaissez pas, Les Mouettes meurent au port, un film majeur de l’histoire du cinéma flamand, signé par le trio Rik Kuypers (cinéaste amateur), Roland Verhavert (critique de cinéma) et Ivo Michiels (écrivain et critique de cinéma) : une image en noir et blanc expressionniste magnifique, des vues avant-gardistes du port d’Anvers, un drame digne d’un film noir…. A découvrir aussi, un film qui me tient particulièrement à cœur, très difficile à voir en salles : Portrait d’une jeune fille de la fin des années 60 à Bruxelles de Chantal Akerman qui faisait partie de la mythique série d’Arte Tous les garçons et les filles de leur âge. Et puis bien sûr les films d’Alfred Machin, cinéaste visionnaire et fantasque, présentés en ciné-concert au Louxor en collaboration avec les Archives françaises du Film.

FDC : L'an passé, lorsque nous vous avions demandé de décrire les films retenus en compétition, vous aviez appuyé sur la forte dimension politique présente dans bon nombre d'entre eux. Avez-vous noté des récurrences particulières dans les différents films sélectionnés en compétition cette année ?

AH : Moins que l’an passé, ces récurrences sont toujours davantage le fruit du hasard que d’un choix délibéré. Néanmoins, quelques titres peuvent nous donner des pistes : Kid, Eka & Nina, Chronique d'une jeunesse géorgienne, Ilo Ilo, Youth… Nous allons bel et bien plonger dans les univers de l’enfance et de l’adolescence cette année.

FDC : La compétition de Paris Cinéma a réservé ces dernières années une présence égale aux réalisateurs hommes et femmes (avec parfois même plus de réalisatrices que de réalisateurs). Quel est votre sentiment au sujet des reproches faits à Thierry Frémaux quant à la faible présence de réalisatrices en compétition à Cannes ?

AH : Ces reproches ne seraient justifiés que s’ils étaient adressés en véritable connaissance de cause, c'est-à-dire qu’il faudrait savoir quelle était la qualité des films de femmes qui lui ont été proposés. C’est la même chose pour les films africains qui sont toujours sous-représentés. Je pense que cette absence de représentation des femmes dans les grands festivals n’est pas forcément la faute des sélectionneurs ; elle n’est que la conséquence d’une inégalité ancestrale où les femmes sont encore sous-représentées dans les lieux de pouvoir. Mais, depuis les années 50, en une génération à peine, il s’est déjà passé beaucoup de choses, et en ce sens c’est déjà une révolution, alors restons optimistes!

Et puis le cinéma et la cinéphilie ont longtemps été des histoires d’hommes qui regardaient les femmes faire de jolies choses, comme le disait Truffaut… On ne révolutionne pas cette histoire en un claquement de doigts. Nous essayons toujours, de notre côté, dans la mesure du possible bien sûr et sans jamais faire passer ces critères avant la qualité des films, de respecter un certain équilibre géographique et de présenter des films de réalisatrices. Et il y en a de très forts cette année en compétition à commencer par Kid de la cinéaste flamande Fien Troch ou La Bataille de Solférino de Justine Triet, un premier film survolté et très maîtrisé en même temps.

FDC : Lorsque nous nous sommes entretenus il y a deux ans, vous nous parliez du succès croissant de Paris Project. On voit ces derniers temps des projets venus de Paris Project présentés en festivals. Paris Project représente t-il pour vous l'un des enjeux majeurs de Paris Cinéma ?

AH : C’est évident oui car Paris est une ville unique au monde, qui concentre un vivier de producteurs extraordinaires et qui, malgré les inquiétudes justifiées des professionnels, continue d’être un paradis pour la coproduction avec l’accès à des fonds d’aide comme le World Cinema Fund du CNC ou encore la politique unique d’Arte, tous deux partenaires de Paris Project. Cette année, 3 films sur 9 en compétition sont issus de Paris Project, c’est un record ! Aujourd’hui, un grand nombre des films d’auteurs les plus réputés au monde sont coproduits grâce à la France. Paris Cinéma se devait de travailler sur cette spécificité géographique et culturelle et cette ouverture sur le monde fait bel et bien partie de l’identité du festival.

FDC : Vous avez vu beaucoup de films pour constituer votre sélection. Avez-vous eu l'impression de voir quelque chose de neuf, des pays particulièrement créatifs ?

AH : Nous avons visionné quelques 1100 films. Cette année, nous avons eu moins de coups de cœur du côté de l’Asie. Nous avons évidemment vu beaucoup de films belges, nous avons tenté d’explorer le cinéma sud-africain de la nouvelle génération, grâce à la Saison France-Afrique du Sud, avec quelques bonnes surprises du côté documentaire. Et nous constatons toujours une belle vitalité de pays comme le Canada ou Israël.

FDC : Il y a beaucoup d'avant-premières prestigieuses au programme, comme la Palme d'or La Vie d'Adèle, d'autres films cannois, des films de la Berlinale... Rencontrez-vous parfois des difficultés auprès de distributeurs pour diffuser certains films ?

AH : La vraie difficulté c’est le temps : une semaine pour tout boucler après Cannes quand les distributeurs n’ont qu’une idée en tête : se reposer après Cannes ! La tâche est un peu ardue et nous endossons le rôle ingrat de harceleurs de première! Mais heureusement, l’expérience joue aussi en notre faveur et les distributeurs nous connaissent bien et nous font confiance après 10 ans, cela permet d’aller plus vite et de mieux anticiper la tempête cannoise. Nous dépendons évidemment quand même, pour cette section avant-premières, des stratégies de sortie des films et il y a toujours quelques regrets…

FDC : J'imagine que vous avez déjà quelques idées pour la 12e édition...

AH : Quelques pays en tête surtout avec une longue liste d’attente !

Entretien réalisé le 7 juin 2013.

par Nicolas Bardot

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