Cannes 2015: Entretien avec Edouard Waintrop

Cannes 2015: Entretien avec Edouard Waintrop

Quels seront les temps forts de la Quinzaine des Réalisateurs ? Après une riche édition 2014, Edouard Waintrop, Délégué général de la Quinzaine, nous parle des découvertes et événements du cru 2015...

  • Cannes 2015: Entretien avec Edouard Waintrop
  • Cannes 2015: Entretien avec Edouard Waintrop

Il y a eu à nouveau beaucoup de films qui ont fait l'événement l'an passé à la Quinzaine comme Bande de filles, P'tit Quinquin, Le Conte de la Princesse Kaguya, Les Combattants ou encore Le Procès de Viviane Amsalem. Quel bilan tirez-vous de cette dernière édition ?

Ce fut, je crois, une très belle Quinzaine que celle de 2014. Grâce aux films que vous citez, auxquels il serait possible d'ajouter Whiplash de Damien Chazelle, Alleluia de Fabrice Du Welz et Mange tes morts de Jean Charles Hue… Et puis tous les autres. Pour être plus sérieux je note que certains films ont marqué non seulement Cannes 2014 mais l'année qui a suivi. Avant tout P'tit Quinquin, Whiplash et Les Combattants

Y a t-il une dimension symbolique à voir revenir Philippe Garrel en ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs une quarantaine d'années après la présentation déjà à la Quinzaine de son premier long métrage, Le Révélateur ?

C'est avant tout la beauté de L'Ombre des femmes qui nous a motivés. Sur un thème qu'il a beaucoup illustré (un artiste, un cinéaste, entre deux femmes), Garrel a ici innové: il a donné le beau rôle aux dames et spécialement à l'une d'entre elles. Cela donne un film dense, inattendu et élégant. Avec une fin très émouvante... Évidemment le fait que Garrel ait été de la première Quinzaine des Réalisateurs en 1969 ne nous a pas laissés indifférents. C'est avec Actua 1, un court métrage de six minutes qu'il a tourné en mai 1968 et que nous projetterons avant L'Ombre des femmes en ouverture de la Quinzaine 2015, que nous célèbrerons à la fois sa carrière et ces événements qui ont accouché entre autres de la Quinzaine des Réalisateurs. Et qui ont donné l'opportunité à Philippe Garrel de participer à la naissance de notre section parallèle.

L'un des événements de l'année sera certainement la présentation des Mille et une nuits de Miguel Gomes qui est un projet hors normes. Qu'est-ce qui vous a séduit dans ce triple programme ?

C'est un film, ou plutôt ce sont trois films vigoureux, aventureux et pleins de surprises. Face aux Mille et une nuits, le spectateur passe par toutes les émotions : il rit parfois, sourit souvent, est étreint d'émotion et presque toujours stupéfait. C'est beau et plein d'allant. Chaque film (il y en a donc trois), même s'il est construit sur la même structure, est différent du suivant ou du précédent. Le premier est vif et souvent drôle, le deuxième sombre, le troisième commence dans la fantaisie la plus débridée puis devient enchanté comme son titre l'annonce. C'est certes un projet hors norme mais c'est parce qu'il est réussi qu'il nous a séduits.

Vous avez sélectionné un certain nombre de premiers films cette année : Efterskalv, Les Cowboys, Allende mi abuelo Allende, Songs My Brother Taught Me, Mustang. Pouvez-vous nous en dire plus sur ces découvertes ?

Efterskalv révèle un vrai talent de cinéaste, Magnus Von Horn, jeune Suédois formé à l'école célèbre de Lodz en Pologne. Au style élégant et au regard sombre. Les Cowboys est la première réalisation de Thomas Bidegain, l'un des scénaristes les plus en vue du cinéma français, compagnon d'écriture de Jacques Audiard notamment. Il affronte ici un problème contemporain avec les armes du récit et même du grand récit. Allende mi abuelo Allende a été une surprise totale. Ce film "familial", réalisé par la petite fille du premier président socialiste du Chili, révèle peu à peu non seulement des secrets, personnels et politiques, mais aussi combien la famille de cette figure de la gauche des années 70 est devenue depuis sa mort un "matriarcat" peuplé de femmes héroïques. Songs My Brother Taught Me met en scène des personnages passionnants dans une réserve indienne, celle de Pine Ridge, peuplée par les Sioux Oglala. C'est un très beau "roman de formation" qui se conclut d'une magnifique manière. Mustang est un film dynamique, parfois même - et c'est paradoxal - euphorisant. Il est pourtant basé sur une histoire bien noire, celle de la vie de cinq sœurs, cinq orphelines, dans une société aussi machiste que la société turque. Mustang correspond à ce que nous aimons dans le cinéma : il nous a fait rire et pleurer.

A contrario y a t-il des choses que vous attendiez et qui sont allées ailleurs, ou qui ne sont jamais venues ?

Nous manque un film indien à la manière des Gangs de Wasseypour. Un film aussi qui annoncerait une nouvelle époque du cinéma africain. Un long métrage de la nouvelle génération du cinéma chinois. Un britannique...

Vous nous aviez confié il y a deux ans avoir été particulièrement bluffé par Blue Ruin. Qu'est-ce qui vous a bluffé dans Green Room, le nouveau film de Jeremy Saulnier ?

Dans Green Room, nous retrouvons le talent de mise en scène de Saulnier mais cette fois dans une histoire encore plus sanglante, plus gore... Son humour et sa vista sont intacts, il a seulement encore fait des progrès dans son art de la mise en scène.

En quoi selon vous un film comme Dope constitue t-il un bon film de clôture ?

C'est une comédie enlevée, qui fait aussi la preuve que le cinéma américain sait se régénérer en affrontant les problèmes de société les plus lourds avec une légèreté et une connaissance du terrain que le cinéma européen peut lui envier. C'est un film idéal pour se quitter en espérant encore du cinéma. Et en ayant la pêche…

Entretien réalisé le 5 mai 2015. Un grand merci à Jean-Charles Canu.

Et pour ne rien louper de nos news, dossiers, critiques et entretiens sur Cannes, rejoignez-nous sur Facebook et Twitter !

par Nicolas Bardot

Commentaires

Partenaires