Entretien avec Arvin Chen

Entretien avec Arvin Chen

Lauréat du prix du jury au Festival du film asiatique de Deauville, le Taiwanais Arvin Chen signe son premier long métrage avec Au revoir Taipei. Ex assistant d'Edward Yang, parrainé par Wim Wenders, Arvin Chen répond à nos questions, juste après s'être occupé de la promotion de la sortie de son film à Taïwan.

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FilmdeCulte: Pouvez-vous nous parler de votre passage à la Cinéfondation de Cannes ? Comment votre projet s’est-il développé ?

Arvin Chen: La Cinéfondation de Cannes m’a d’abord permis de rencontrer différents investisseurs éventuels, des producteurs, des distributeurs et des vendeurs, mais cela m’a surtout permis de me rendre compte directement de ce que c’était que de se retrouver dans un grand festival international. Cela permet de prendre beaucoup de recul, de voir qu’est ce qui peut vous attendre quand vous faites tel ou tel genre de film. Aller à Cannes m’a vraiment aidé à monter Au revoir Taipei.

FdC: Après des études aux Etats-Unis, pourquoi avoir choisi de revenir à Taipei pour réaliser votre premier film ?

AC: En fait j’ai vécu aux Etats-Unis quasiment toute ma vie, mais ce que je voyais ne m’a jamais beaucoup inspiré. La première fois que j’ai quitté les Etats-Unis (pour aller vivre à Taipei), c’était à peu près au moment où j’ai commencé à faire des films, et je crois que Taipei m’a poussé à aller dans ce sens. C’est la première ville qui m’ait réellement inspiré.

FdC: La ville joue un rôle très important dans votre film, ce n’est pas qu’un simple décor. Comment l’avez vous appréhendée techniquement ?

AC: Ce qu’on voulait, surtout, c’était trouver la beauté et le romantisme dans le Taipei de tous les jours : dans une superette, une librairie, un temple, un parc, une rue… puis de regarder ces lieux de manière un peu différente, et de voir ce qui pouvait leur donner vie (les couleurs, la composition, la musique…).

FdC: L’aspect visuel du film est en effet très important, surtout les couleurs. Comment avez-vous travaillé avec votre chef opérateur?

AC: Nous avons collaboré étroitement sur chaque scène. Pour moi, Michael (notre chef-op) participe autant à raconter l’histoire que moi. On détaillait ensemble chaque aspect visuel (y compris bien sûr l’utilisation des couleurs), et on s’en servait pour créer un univers unique.

FdC: Pourquoi avoir choisi de clore le film sur une séquence musicale ?

AC: J’adore les comédies musicales. Quand un personnage ressent telle ou telle émotion, il peut se permettre de commencer à danser et chanter. Dans notre film, cette fin musicale représente le rêve de Susie qui devient réalité.

FdC: Vous avez dit aimer les films de la Nouvelle vague. Comment diriez-vous qu’ils vous ont influencé?

AC: Ce que j’aime surtout, c’est le coté farfelu des personnages, la légèreté des sentiments, et cette manière de capter la réalité de la rue. L’utilisation du jazz nous a aussi beaucoup influencés.

FdC: Suivez-vous toujours l’évolution du cinéma français ? Y a-t-il aujourd’hui des cinéastes (français ou non) dont vous vous sentez proche ?

AC: Je ne suis plus vraiment de très près le cinéma français, mais il y a plusieurs réalisateurs que j’admire énormément, comme Olivier Assayas, par exemple. Je ne sais pas trop de quels réalisateurs je me sens le plus proche, mais celui que j’admire le plus, parmi mes contemporains, est sans aucun doute Bong Joon Ho.

FdC: Comment vous êtes vous retrouvé à travailler avec Edward Yang ? Pouvez-vous nous parlez de votre expérience à ses cotés ?

AC: J’avais vu son film Yi Yi, et il m’avait tellement plu que j’ai trouvé le moyen d’entrer en contact avec lui et de lui demander conseil. Il m’a proposé de venir apprendre sur le terrain avec lui, à Taipei, et j’ai saisi ma chance. Ce n’était pas évident de travailler avec lui, il était très exigeant avec tout le monde, y compris lui-même, mais c’était vraiment un génie. Il savait exactement ce qu’il voulait dire avec ses films… et il n’acceptait JAMAIS le moindre compromis. C’est quelque chose auquel j’aspire également.

FdC: Pouvez-vous nous parler de votre rencontre avec Wim Wenders, qui a en partie produit votre film ?

AC: J’ai rencontré Wim via l’une de nos productrices, In-ah Lee, qui travaille régulièrement avec lui. Wim a été très bien, plus encore qu’un professeur et un mentor pour moi (et pour la plupart de l’équipe). Il nous a donné beaucoup de conseils et nous a appris à toujours rester sur nos gardes. Il aime à dire qu’il est notre « ange gardien venu d’Allemagne ».

FdC: Quels sont vos futurs projets ?

AC: Un autre projet situé à Taiwan, je l’espère, mais qui se passerait cette fois dans les années 80, et qui s’appellerait Nanjing East Road. C’est encore une comédie romantique douce-amère, qui se passerait dans le milieu des affaires.

FdC: Comment avez-vous réagi en apprenant que votre film avait obtenu le Prix du jury à Deauville cette année ?

AC: J’étais très surpris et un peu gêné, surtout vu l’influence que le cinéma français a eu sur ce film. J’ai juste beaucoup regretté de ne pas pouvoir me rendre personnellement au festival, puisque j’étais en train de faire la promotion du film pour sa sortie à Taiwan.

Entretien réalisé par Nicolas Bardot - Traduction Gregory Coutaut

par Nicolas Bardot

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