De diablotin déchu en justicier traumatisé, Michael Keaton est, sous les doigts magiques de Tim Burton, le héros titre du film que l’on appelle pour résoudre le moindre pépin généré par un quelconque fauteur de trouble illuminé. Dépravé, loufoque, extravagant sous les traits de Beetlejuice, réservé, énigmatique, classieux en Bruce Wayne / Batman, il traverse en grande diagonale toutes les possibilités de son jeu d’acteur. Deux personnages en B qui se répondent, l’un étant l’antithèse de l’autre. Le premier, méchant au pays des gentils, le second, gentil au pays des méchants. Burton a fait de Keaton LA référence inébranlable des
Batman à venir, l’opposant à un Joker aux veines remplies de jus d’insecte. Prédisposé pour les rôles de comédies déjantées dont il a nourri Beetlejuice, c’est seulement pour les beaux yeux de Tim que Michael a accepté d’enfiler le costume de la chauve-souris apportant au personnage un côté tête en l’air délicieux. Une incursion dans un mode de jeu plus sérieux qui ébranlera sa carrière. Mais Burton reste le précurseur. Keaton ne rempilera pas du masque et de la cape, laissant sur le bas-côté les suites douteuses et par là même sa collaboration avec le maître de ces lieux.
Julie Anterrieu
Winona Ryder est entrée par deux fois dans l'univers fantastique de Tim Burton. La première pour donner ses traits à Lydia, la fille de la famille achetant la maison hantée de
Beetlejuice, et la seconde pour interpréter Kim, la fille de la famille adoptive d'Edward, dans
Edward aux mains d'argent. Deux filles de familles aussi différentes que l'on peut s'imaginer. En effet, Lydia est brune, dépressive, "
toute ma vie n'est qu'une chambre noire" et très solitaire, son seul ami devant être son appareil photo. Alors que Kim représente l'image même de l'adolescente américaine modèle, blonde aux cheveux longs, bien dans sa peau, populaire et avec un petit ami. Et pourtant, elles ont un point commun, c'est par elles que tout va se déclencher. Le spectateur attentif peut d'ailleurs se demander si le personnage de Kim ne prend pas la suite de celui de Lydia. A la fin du premier film, Lydia va se trouver une deuxième famille et petit à petit se transformer en une adolescente épanouie, ressemblant en cela à Kim. Deux personnages au caractère fort qui ont marqué le début de la carrière de la comédienne, qui va osciller entre les bluettes inaperçues du grand public et les films de réalisateurs confirmés. En plus d'avoir tourné avec Tim Burton, elle s'est aussi retrouvée devant la caméra de Jim Jarmush, Francis Ford Coppola, Martin Scorsese, Bille August ou encore Woody Allen.
Carine Filloux
"
Prenez garde...". Martin Landau revient de loin. Aussi loin que Bela Lugosi, son double englué dans la solitude, toxicomane lové dans son éternelle cape transylvanienne. On a voulu enterrer le comte, le comte est de retour. Et les chihuahuas aussi. Ses colères homériques prouvent qu'il n'est pas "
l'épouvantail à la retraite" que toute la profession s'accorde à bouder. Ancien de l'Actor's Studio aux côtés Steve McQueen, Landau griffonne pour le
New York Daily News, tutoie Alfred Hitchcock, Francis Ford Coppola et Woody Allen, entre deux navets en col roulé lycra. Mais c'est la télévision qui le consacre en chirurgien du camouflage dans
Mission: impossible. Les paris malchanceux succédant aux options extravagantes, sa carrière (mal) aiguillée par la roue de la fortune ne résiste pas à l'usure des séries B... jusqu'à sa rencontre avec Tim Burton et un Oscar du meilleur second rôle pour
Ed Wood. Martin Landau
est Bela Lugosi, le fond de teint et la queue de pie, la douleur sourde et les overdoses existentielles. Les crises du tragédien sont ponctuées par les gémissements du
Lac des Cygnes: le Narcisse dans toute sa majesté. Bela et Eddie, l'acteur négligé de son vivant et le plus mauvais réalisateur du monde. Lui qui avoue n'avoir jamais vraiment connu son père, joueur de base-ball raté, Tim Burton exalte une amitié sincère et poignante. De retour avec Christopher Lee dans le prologue de
Sleepy Hollow, Martin Landau voit désormais son nom gravé en lettrines dorées dans la mythologie burtonienne.
Danielle Chou