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Filmographie
Les acteurs de Tim Burton
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Autour de Tim Burton
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Entretien
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Johnny Depp ou l’homme fragile. Frankenstein inachevé se blessant tout seul avec ses armes insoupçonnées dans Edward aux mains d’argent ou réalisateur aveuglé par sa passion dans Ed Wood, inspecteur effarouché dans Sleepy Hollow ou amoureux inquiet dans Les Noces funèbres, chocolatier délirant en manque de père dans Charlie et la chocolaterie, l’acteur incarne à la perfection l’image du anti-héros cher au cœur de Tim Burton. Les traits romantiques du Pierrot lunaire perdu dans son château abandonné, l’excentricité candide de l’exalté metteur en scène ou la préciosité d’Ichabod Crane dissimulent pourtant des trésors. Le premier est un véritable artiste, tranchant ses œuvres du bout de ses ciseaux, le second est animé par un feu qui le rapproche finalement d’un Orson Welles dans le coin sombre d’un bar, tandis que le troisième, derrière ses manières guindées, maîtrise parfaitement des techniques révolutionnaires qui éclaireront le XXe siècle dont l’aube pointe à l’horizon. En incarnant Edward, la créature conçue par un savant fou (Vincent Price lui-même), Depp se fait maître étalon du personnage burtonien, convoquant ses ambiances gothiques, une sensibilité à fleur de peau, un fétichisme des mains et un éternel statut de paria - des motifs qui nourriront l’œuvre du chef. Sorti de la bassine d’une série télévisée par le bout des doigts de Burton, Johnny Depp est devenu son acteur fétiche au fil de la décennie passée, laissant même un peu de lui dans le personnage incarné par Ewan McGregor dans Big Fish. Cet Edward Bloom dont on clame les mérites, n'est-il pas aussi cet homonyme aux mains d'argent, un ami de vampires, ou ce parent éloigné qui court après les cavaliers sans tête? Sweeney Todd, le barbier démoniaque, sonne comme un virage pour Depp qui explore une face beaucoup plus sombre de la planète Burton.

Nicolas Bardot

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C’est encore une étrangère quand elle pose son balluchon sur La Planète des singes. L’anglaise Helena Bonham Carter est mariée à Shakespeare, Henry James, Kenneth Branagh, James Ivory, aux vers tourmentés, aux dentelles et aux corsets de l’ère victorienne. Etrangère à la mythologie burtonienne, l’actrice a néanmoins contribué à celle de Mary Shelley; elle participe au tournage de Frankenstein version Branagh. Helena s’y connaît en monstre et en excentricité. Premier rôle féminin de La Planète des singes, la nouvelle venue se glisse aisément dans la peau d’une… guenon. Tim Burton ne s’intéresse guère à la voluptueuse Estella Warren, reléguée à un rôle de blonde arriérée. Ari, elle, est une femelle chimpanzé de son temps. Réfléchie et militante, elle défend les droits humains, vient en aide au capitaine Leo Davidson (Mark Wahlberg), et lui souffle un baiser en guise d’adieu. Lisa Marie, également grimée en chimpanzé, minaude au second plan. C’est la dernière fois qu’elle apparaîtra dans un film de Tim Burton. Helena Bonham Carter prend le relais, mais occupe un registre différent. La muse d’hier était muette, la promise de demain sera éloquente. Apparue depuis dans trois longs métrages, Big Fish, Charlie et la chocolaterie et Les Noces funèbres, Helena Bonham Carter boitille d’un chaudron à l’autre et attend, fébrilement, le retour de son éternel mari. Amoureuse délaissée, sorcière à l’œil crevé, elle prête sa voix à La Mariée, la poupée défunte, dont le chant désespéré épouse les battements d’aile d’un papillon. La Mariée vécut malheureuse… mais ses créateurs eurent un enfant (en 2003, Helena Bonham Carter donne naissance à un garçon, Billy Ray Burton).

Danielle Chou

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Lady Crane, s’envolant dans le ciel, portée par des pétales de fleurs printanières… Longtemps Lisa Marie a incarné chez Tim Burton l’idéal féminin décalé, témoin précieux des fantasmes dégénérés et figure de l’intouchable. Un personnage hypersexué tout d’abord. Le look étrange et la démarche reptilienne de la martienne ne semblent guère perturber les hommes qui se penchent à ses reliefs pour s’y désaltérer, à leurs risques et périls - l’objet sexuel distille un venin dans son mutisme. Invitation du doigt, ronde dans le ciel, seins ronds et offerts, dessins dans la cheminée: les cercles ensorcelants d’une mère qui incarne le premier trouble sexuel posent les jalons d’une libido étouffée chez le jeune Ichabod. Le charme vénéneux de la Finlandaise au nom d’incantation, Maila Syrjaniemi, participent quant à lui beaucoup à l’attraction Vampira. Reste cette dame singe qui ne saurait cacher ses attributs thoraciques, mais qu’on sent déjà un peu en retrait dans l’attention que lui porte son créateur. Le fantasme, lui, ne semble guère de notre univers: fantôme torturé à la Bava dans Sleepy Hollow, martien vengeur dans Mars Attacks !, animal d’ailleurs dans La Planète des singes, présentatrice de l’au-delà et incarnation du vampire au féminin dans Ed Wood. Depuis, les chemins se sont séparés entre l’artiste et sa muse, la créature d’entre-deux mondes s’est quelque peu effacée, au contraire des icônes qu’elle a incarnées et qui comptent comme autant de séquences cultes du cinéma de Burton. Lisa Marie statufiée en demeure l’une des figures les plus emblématiques.

Nicolas Bardot