Cars
Etats-Unis, 2006
De John Lasseter
Scénario : Brad Bird
Avec les voix de : Owen Wilson, Paul Newman, Bonny Hunt, Tony Shalhoub, Michael Keaton
Musique : Randy Newman
Durée : 1h56
Sortie : 14/06/2006




Jeune, fou et casse-cou, Flash McQueen est une voiture de course prétentieuse et pleine d’espoir. Alors que son tempérament l’empêche de remporter une victoire cruciale pour le championnat, il se retrouve dans une petite ville en décrépitude, perdue dans les plaines du Grand Ouest américain.


YOUR WAY OR THE HIGHWAY

Qu’un bolide nous passe sur le corps si un nouveau film de Pixar ne créé pas l’événement. Les instigateurs de la vague 3D savent mieux que quiconque aguicher le chaland avec leur approche particulière et décomplexée de ce qu’un film CGI devrait être. Et il va sans dire que leur dernier bijou, Cars, termine sa course en pole position. L’auteur des trois premiers Pixar, John Lasseter, le gourou, le V12, le pare-brise panoramique de l’animation revient sept ans après son chef-d’œuvre: Toy Story 2. Nouveau tour de force: rendre des voitures anthropomorphes attachantes et crédibles, évoluant dans un monde sans humains (on ne s’étendra pas alors sur son origine, elles sont là comme un état de fait). Lasseter et son crew de mécanos bichonnent, polissent, règlent leur bébé comme pour un championnat. La patte Pixar est indéniable, de l’histoire aux images, c’est toute leur science et leur savoir-faire qui se déploient, épanouis et rodés, Lasseter n’a pas perdu la main et la magie émerge du bitume d’un paradis mécanique.


ROUE ARRIERE EN CBR

De son côté, la technique passe la vitesse supérieure. Paysages photoréalistes, sources lumineuses plus vraies que nature, les petits génies de Pixar démontrent sans sourciller une indubitable supériorité sur leurs concurrents, cloués sur place, condamnés à laisser leurs films au ras des pâquerettes du produit jetable. Alors qu’un Pixar se mérite, se digère, se mastique et se laisse revoir encore et encore. Et Cars ne déroge pas à la règle, empruntant la voie tracée par ses prédécesseurs, il parvient à assembler un tout cohérent et unique, bricolage chromé où les thèmes s’emboîtent et s’empilent et ronronnent comme un moteur bien réglé. Car au-delà des prouesses techniques, le fond est toujours présent. Lasseter communique son goût pour une nostalgie pas niaise d’une époque non pas révolue mais oubliée. Ce n’est pas une ode naïve à la vie simple à la campagne, mais la dénonciation d’une science sans conscience, d’une technologie sans âme qui oublie ses fondements. Le village rejeté de la Route 66 n’est pas décrit comme un repère de bouseux à l’esprit étriqué. Toy Story 2 et ses vibrations quasi métaphysiques ne sont pas loin.


MINIMUM OVERDRIVE

Voilà ce qui différencie Pixar de leurs chauffards de concurrents; ils savent écrire une histoire, indépendamment des gimmicks du genre. Un sidekick comique trouvera sa place uniquement à travers la narration et non pas sur le nombre de rires qu’il provoquera. Pourtant, après l’impressionnante introduction, l’intrigue prend son temps pour passer la seconde et le film patine dans la découverte du village alternatif et de ses habitants colorés. L’impression persistante d’un réservoir débordant de générosité. Une caméra qui s’attarde un peu trop sur la mécanique rutilante de ses idées. Une fois passé ce léger coup de mou qu’on pardonnera, le film repart en trombe dans une frénésie débridée. Les thèmes classiques du film d’animation – le retour à la nature, l’humilité, l’éloge de la simplicité, l’entraide – sont passés en revue, mais ne tournent jamais à vide. La perspective est toujours pertinente au travers des phares de Pixar. Ici, on ne court pas seul, mais pour une équipe, une écurie. L’autre point fort de Cars tient surtout dans sa capacité à ne pas laisser sur le bord de la route ceux que la débauche de virtuosité mécanique laissent froids. Les voitures ne sont qu’un prétexte et Lasseter tient à l’universalité de ses histoires. En somme, un film qui carbure au super presque sans plomb.


Nicolas Plaire



Les adieux à Heimlich

Le 17 août 2005, Pixar perdait l’un de ses plus talentueux vétérans, Joe Ranft, scénariste, story-boardeur, producteur et voix facétieuse de quelques-uns des héros emblématiques de la maison: Heimlich la chenille anxieuse de 1001 Pattes, Siffly le pingouin dépressif de Toy Story 2, ou encore Jacques la crevette maniaque du Monde de Nemo. Ironie du sort, Ranft est mort dans un accident de voiture, en pleine production de Cars. Le générique du film rend ainsi un émouvant hommage à celui qui reçut en 1996 une nomination à l’Oscar du meilleur scénario pour Toy Story, et fut distingué en 2000 par un Annie ("Outstanding Individual Achievement for Storyboarding in an Animated Feature Production") pour Toy Story 2. Comme John Lasseter, Joe Ranft a fait ses débuts chez Disney, à l’époque de La Petite Sirène et de La Belle et la bête. Les deux hommes se sont d’ailleurs rencontrés à la fac, dans les couloirs de la CalArts (Californian Institute for the Arts). Ranft a également côtoyé un certain Tim Burton (ancien de Disney) durant la production de L’Etrange Noël de Monsieur Jack. En 2005, il était encore crédité au générique des Noces funèbres.

Danielle Chou