Préparez vos mouchoirs

Préparez vos mouchoirs
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Raoul ne comprend pas. Sa femme Solange, qui l’aime, et qu’il aime en retour, ne sourit pas. Jamais. Ou si peu qu’il en est malade. Une frustration qui emporte le pauvre Stéphane, qui aspirait simplement à se taper un bon plat de moules dans un troquet parisien, au beau milieu d’une crise maritale aussi singulière qu’impromptue. Sa mission est simple: s’il parvient à la faire sourire, elle est à lui. Tout prof de sport qu’il est, il compte bien relever le défi avec l’aide de ses plus fidèles amis: Mozart, Carco, Céline, Colette. Que des grands…

Finalement, les films tout à la fois férocement drôles, touchants, provocants et poétiques, sont plutôt rares. Quelques Wilder, quelques Almodovar, et quelques Blier. Triste butin. Quatre années après son étincelant, son nécessaire Les Valseuses, Bertrand Blier réclame de nouveau le moteur pour croquer cette fois encore le portrait de deux paumés, balourds et doux, qui recherchent - rien de moins - que de comprendre la Femme. Avec un infantilisme attachant, les deux adolescents aux corps d’adultes intellectualisent la question dans tous les sens, le mauvais comme l’interdit. Le bon leur sera soufflé par un gamin de 13 ans, intelligent et précoce, bien plus que ses deux inattendus grands frères réunis, et qui profitera seul du sourire angeleur de la délicate Carole Laure. Auréolé de son Oscar de meilleur film étranger (ce qui n’est pas rien), le parolier et cinéaste Blier enchante littéralement, et de bout en bout. Jamais de gags, mais toujours de l’humour, un effeuillage tranquille des tabous sociétaires, un couple de comédiens inégalé et inégalable, et ce sens inné du surréaliste, ce goût prononcé pour l’incertain, le singulier, et le formidable… Oui, c’est incontestable, Préparez vos mouchoirs est un chef d’œuvre sans commune mesure, et oui, il est plus qu’évident aujourd’hui, qu’aucun film, jamais, ne retrouvera la fougue et la fantaisie de ce bijou.

Constat d’autant plus amer et déprimant que le seul cinéaste qui fut à même de prolonger la magie - Blier lui-même - semble présentement anesthésié, ou tout du moins dépourvu de ce culot créatif qui l’habitait autrefois. Tout comme il est également triste depuis, de songer à toutes ces années passées sans la présence du très regretté Patrick Dewaere, ou encore d’assister à la perpétuelle décrépitude de Gérard Depardieu, aidé en cela par la sempiternelle Josée Dayan et ses platitudes made in TF1 (Les Misérables, Monte Cristo, Balzac…). Dans Préparez vos mouchoirs, Depardieu et Dewaere étaient grandioses. L’allure rebelle du premier, menton en avant et réplique fusante, égalait presque la désinvolture du second, la moue naïve et gracieuse sur le faciès. Un phrasé unique et décomplexé finissait d’emballer un texte somptueux, irréel, et la complicité de ces deux géants faisait s’envoler le film dans une sphère autre, merveilleuse, peuplée de petits suisses dévastateurs, de promenades en forêt et de voisins allergiques à Mozart. Scène après scène, surprise après surprise, cerise après cerise, le gâteau mijoté par Blier n’en finit plus de regorger de saveurs, et semble si incommensurable qu’il faut se passer le film en boucle pour en apprécier toutes les subtilités, et savourer l’intelligence du propos.

par Yannick Vély

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Interactivité :

Fort heureusement, le film bénéficie d’un pressage de qualité, et ce n’est pas tout. Outre la bonne facture de l'image, l’honorable bande son, les habituels film annonce et filmographies, cette édition DVD possède un bien agréable documentaire de 38 minutes. La parole est longuement donnée à Bertrand Blier, puis Carole Laure, Riton Liebman qui a bien grandi, mais aussi Marc Esposito (réalisateur du récent Cœur des hommes, d’un docu sur Patrick Dewaere en 92, et co-fondateur du magazine Première), Jean Penzer le chef opérateur attitré de Blier et son cadreur de l’époque Yves Agostini. Un bonus plus qu’intéressant, qui revient bien évidemment sur la préparation du film, son tournage, sa sortie en salles et son accueil enthousiaste. Il est juste dommage que Depardieu et Serrault soient absents du document.

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