Panique à Needle Park

Panique à Needle Park
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Bobby est un petit dealer toxico tchatcheur, végétant à Needle Park, quartier poisseux du New-York du début des années 70. Helen l'y croise, tombe amoureuse, et commence elle aussi à se shooter. Entre ses doses et son amour pour Bobby, elle n'arrive pas à choisir.

GOD HELP BOBBY AND HELEN

Découvrir en DVD – ou se replonger dans, c’est selon – une œuvre telle que Panique à Needle Park, inscrite au patrimoine cinématographique, donc en un sens intouchable, a en soi quelque chose d’intimidant. C’est d’ailleurs d’autant plus vrai dans le cas d’un film teneur de flambeau à plus d’un titre, révélateur de talents multiples (devant comme derrière la caméra), héraut d’une certaine mouvance naturaliste du cinéma américain des 70’s. Ce qui est à craindre hurle avant tout: une possible non-résistance au temps, une certaine fausseté surannée, une surestimation due au contexte d’époque… Et puis le film commence, et l’angoisse s’envole. Panique à Needle Park est fidèle à sa légende: un grand film, poignant, parlant, résonnant et, surtout, toujours vivant. Deuxième des trois vraies fulgurances cinématographiques de l’ancien photographe people Jerry Schatzberg (la suite de sa filmo revêtant une importance moins flagrante), après Portrait d’une enfant déchue et avant L’Epouvantail, Needle Park s’impose donc en bloc de granit impossible à fissurer.

THEY’RE IN LOVE IN NEEDLE PARK

C’est à du brut, comme un Requiem For a Dream avant l’heure, façon documentaire, que Schatzberg nous confronte. Caméra tremblée, perdue dans la ville et à l’étroit en intérieur, close-ups sur des seringues gonflant des veines, plongée en apnée claustrophobe dans les sables mouvants des caniveaux du New-York de 1971, spirale violente et minutieusement restituée de la drogue, de la misère sociale, du manque sous toutes ses formes (dope, thunes, baise) et de leurs concurrences… Méticuleux, malgré ses ellipses emportées, Needle Park s’offre lentement, presque insidieusement, décrivant des cercles concentriques autour de la fatalité, de l’implosion. On ne doit pas seulement cette dernière à un Schatzberg aussi inspiré dans ses partis-pris que sobre dans son traitement, mais aussi, et pour beaucoup, à un jeu d’acteur vibrant d’intériorité. Al Pacino, bien sûr, pour son premier rôle au cinéma, qui résume à lui seul toute l’étendue de sa carrière et la palette de son art, du Parrain au mésestimé Influences. Mais il faudrait être aveugle pour passer sous silence la prestation géniale de Kitty Winn (hélas perdue depuis, ou presque, pour le septième art, si l’on excepte L’Exorciste et son récent remake), grands yeux interrogateurs, frimousse heureuse à l’ouverture, ange déchu et déçu au final. Le reste étant à l’avenant, Panique à Needle Park mérite bien sa place au panthéon du cinéma.

par Guillaume Massart

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Interactivité :

Pour un film tel que celui-ci, devenu mythique suite notamment par la révélation énorme que fut Al Pacino pour le cinéma US, il était nécessaire que Carlotta Films honore son édition DVD de suppléments à la hauteur. C’est chose faite avec quatre interviews de Schatzberg (dont une cachée, on ne sait trop pour quelle raison), menées par Vincent Paul-Boncour, pour quarante minutes foisonnant d’anecdotes, de détails et, il faut bien l’avouer, d’un brin d’auto-congratulation. Reste que ces entretiens ont la bonne idée de donner des clefs de lecture d’ordres divers. Avec "Jerry photographe", Vincent Paul-Boncour donne un rapide coup de projecteur sur la carrière paillettes pré-cinéma de Schatzberg, et tord ainsi le cou au possible photographe underground à la Larry Clark que l’on aurait pu fantasmer. "Jerry cinéaste" poursuit l’exploration génétique du filmmaker naissant, de Portrait d’une enfant déchue à Needle Park, repoussé un temps, puis ressuscité par l’apparition du sang neuf de Pacino au générique. "Al & Jerry", passage obligé de toute analyse passionnée de Panique à Needle Park, insiste sur l’ingéniosité du jeune acteur de théâtre, se construisant à tâtons devant la caméra (Schatzberg refusait de lui montrer les rushes). Kitty Winn n’est pas complètement oubliée, puisque le bonus caché (pour y accéder, dans l’écran bonus, surlignez "Al & Jerry" puis utilisez la flèche vers le bas), "Jerry à Cannes", permet de revenir sur le prix d’interprétation reçu par la dame. A ces trois quarts d’heure viennent s’ajouter cinq scènes commentées trop courtes pour ne pas nous faire regretter un véritable commentaire, mais tellement riches qu’on serait mal avisé de ne pas les mentionner.

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