Nuits fauves (Les)

Nuits fauves (Les)
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Jean est séropositif. Et il aime Laura. Mais Laura ne peut courir après ce garçon qui fonce à toute allure, brûlant la vie afin d’échapper à la mort, multipliant les rencontres, les conquêtes, les partenaires sexuels.

PUTAIN D’ENVIE DE VIVRE

Douze ans après la réalisation de son film manifeste, Cyril Collard n’existe plus, rejeté par la mode changeante, négligé en dépit de son triomphe ahurissant dans les salles et aux Césars. Aujourd’hui, ce jeune auteur, scénariste, réalisateur, compositeur, musicien, mort à 35 ans, est oublié, repoussé par un cinéma français qui n’en a retenu que l’argument commercial, l’argument vendeur: sa séropositivité. On en a fait le James Dean français, on a parlé de lui comme d’un génie précoce et complet mais, au final, on l’a digéré et son film n’existe quasiment plus. Sauf que (ou parce que, justement) Cyril Collard a mis le doigt sur quelque chose, à réussi à saisir un parfum, une sensation, prégnante à l'époque, pour en extraire un portrait aussi troublant que vivifiant, un portrait d’une génération (le mot est lâché) fauchée, sacrifiée sur l’autel des causes perdues. Où sont les repères, où sont les héros, que sont devenues les grandes idées? Il ne reste plus rien, et le peu qu’on nous donne est meurtri, paralysé par cette chose monstrueuse qu’est le sida, contre lequel on ne peut rien, mais que l’on tente d’oublier, l’espace d’un instant, pour l’amour d’une femme. Ou d’un homme. Les Nuits fauves, c’est avant tout le récit d’une fuite, merveilleusement saisie par une caméra toujours en mouvement. Jean s’évade, Jean panique, mais Jean entraîne tout dans cette déroute qui lui donne le sentiment insensé de vivre. A cette fuite, il faut adjoindre l’incroyable performance des comédiens, pris sur le vif pour la plupart, le cinéaste adoptant la méthode Pialat pour les diriger – Pialat, avec lequel il a travaillé, et auquel il rend hommage dans l’une des dernières scènes. On a beaucoup parlé de Romane Bohringer, qui passe du lumineux au ténébreux en un clin d’œil, mais il serait injuste d’oublier le reste du casting tant il confirme la force et la violence d’une œuvre unique et représentative d’un instant T donné. La génération née dans les années 70, ce n’est pas Le Grand Bleu, ce n’est pas Le Cercle des poètes disparus (films que l’on a qualifiés à tort de générationnels), c’est celle à fleur de peau des Nuits fauves.

par Anthony Sitruk

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Interactivité :

Soulignons tout d’abord la justesse et la sobriété des menus, sonorisés par la voix du cinéaste lui-même, et retranscrivant de façon sincère l’aspect à fleur de peau du film. Les menus s’affichent lentement, sur un fond blanc, sans jamais agresser l’œil du spectateur, et se fondent plutôt bien dans l’atmosphère du film – lui-même à la très belle copie. On regrette juste que les extraits de la version longue inédite de trois heures ne soient pas proposés dans cette édition, comme c'était prévu à l’origine.

Le premier bonus (53 minutes), assez classique, est constitué d’un montage alterné d’interviews avec les différents participants du film. On y retrouve la productrice Nella Banfi, le premier assistant réalisateur Jean-Jacques Jauffret, le chef opérateur Manuel Teran et, bien entendu, l’actrice Romane Bohringer. Les anecdotes fourmillent, particulièrement sur la pré-production du film et sur la façon dont Collard a réussi à convaincre la productrice de financer le film. A ce titre, certaines images se révèlent assez fortes émotionnellement, notamment lorsque cette même productrice tente de contenir ses larmes à l’évocation du projet. On y apprend également que le premier acteur pressenti pour le rôle de Jean était… Patrick Bruel.

Corinne Blue, dans un bonus qui lui est entièrement consacré, revient sur sa rencontre avec Cyril Collard, sur son implication dans le film, sur l’aspect autobiographique du scénario. Une interview émouvante (l’intervenante étant la dernière compagne du cinéaste) suivie d’un petit coup de gueule concernant les stéréotypes liés au sida.

Le plus intéressant des bonus est constitué des deux courts métrages de Cyril Collard, déjà édités en vidéo et diffusés sur les chaînes de télévision voici quelques années. L’occasion de revenir sur les fondements d’une œuvre entièrement tournée vers des thèmes précis et récurrents, quoique sans doute plus vagues dans le premier (Grand huit, 1982) que dans le second (Alger la blanche, 1986). L’homosexualité, l’immigration, l’errance, l’impossibilité d’aimer, les prémices des Nuits fauves et des doutes qui parsèment ce dernier film. On notera surtout qu’Alger la blanche constitue une sorte de prototype du long métrage à travers ce personnage de Jean amoureux d’un jeune Algérien qui lui reproche son incapacité à aimer. Deux courts métrages nécessaires pour comprendre l’œuvre du cinéaste, et qui complètent merveilleusement une édition sobre mais indispensable.

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