Goodbye South, Goodbye

Goodbye South, Goodbye
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Petits escrocs à la dérive, Kao, Tête d’obus et Patachou rêvent de partir à Shanghai monter une discothèque, mais cherchent en vain les moyens de concrétiser leur projet.

PARTIE DE CAMPAGNE

Languissant, hypnotique, superficiel ou étouffant, les mêmes qualificatifs sont recyclés au hasard pour décrire le cinéma de Hou Hsiao-Hsien. Une réalisation esthétisante pour un scénario dénué d’intérêt; le principal reproche fait à ses longs métrages n’a guère évolué en six ans. Tableau désabusé du confort moderne, Goodbye South, Goodbye hérissera les amateurs de beaux récits bien emboîtés. Trame dérisoire et personnages impalpables: le film ne s’embarrasse d’aucun ressort dramatique et passe en revue une succession de moments creux. Constamment déçue, l’action se limite à des réunions anodines, court-circuitées par quelques ballades motorisées. Or cette absence de jalons textuels n’est ni indifférence ni aveu de paresse. Simplement un rapport au temps et une approche narrative biaisés, visant moins l’efficacité du montage que la fixation d’un instant. Le cœur de Goodbye South, Goodbye ne se situe pas dans les mots – pures banalités -, mais dans le dénivellement de l’espace et la restitution d’une humeur passagère. Chez Hou, l’utilisation répétée du plan-séquence n’emprisonne jamais les personnages, elle les libère au contraire de tout artifice et de toute contrainte gestuelle. A l’intérieur des différents segments temporels se crée un jeu délicat de correspondances et de résonances.

INTERLUDES

Goodbye South, Goodbye invente l’effeuillage du plan par fragments épars. Le champ s’élargit et s’approfondit imperceptiblement. Une silhouette excentrée vient occuper le premier plan. Un personnage pivot retourne à la figuration. Les corps se relaient, tandis que le regard se focalise sur un tatouage ou l’arrivée en gare d’un train bleu. Epouser le rythme du film, c’est accepter de se perdre dans ses aléas et renoncer aux impératifs du discours et du temps. Hou se désintéresse de l’action en elle-même pour ne conserver que les périodes de flottement. Opposant des intérieurs contigus à des extérieurs vertigineux, le cinéaste brise toute hiérarchie entre le superflu et l’essentiel. Chaque corps, chaque espace possède sa propre histoire. Taxée de redondance et d’afféterie, la mise en scène de Hou Hsiao-Hsien opère ici une révolution sidérante. Délaissant l’autobiographie et le passé de Taiwan, le cinéaste se fond dans un décor urbain et campagnard de petits gangsters matérialistes, tiraillés entre tradition et mœurs occidentales. Il serait vain de reprocher au cinéaste de reposer sur sa seule virtuosité formelle. Hou ne fait que mimer l’art du calligraphe, en liant écriture et dessin, forme versatile et prose mélancolique.

TRAVELLING INDOLENT

Goodbye South, Goodbye communique par un langage lumineux et sonore. Aucune parole n’est signifiante. La bande-son place sur un pied d’égalité dialogues, musique et bourdonnements accidentels. Happée par la lumière, la caméra enregistre les variations de couleurs et les miroitements des objets. Kao et ses collègues se promènent quotidiennement en chemises bariolées. Equipés de bibelots infantilisants, Tête d’obus et Patachou, en fashion victims convaincus, semblent faire la promotion d’un catalogue Barbie. Rien ne se passe et pourtant Hou Hsiao-Hsien cristallise des instants magnifiques. Des travellings arrière stupéfiants, une nuit d’ivresse chaotique, une ballade en moto d’une plénitude renversante. Rendue impossible par la distance du regard et le refus du pathos, l’identification à un personnage devient identification à un lieu, le sud. Goodbye South, Goodbye recompose une géographie à la fois commune et extraordinaire. Lancés à corps perdus dans des affaires qui les dépassent, Kao et ses deux acolytes inconstants ne se résignent toujours pas à partir. Plus qu’un film atmosphère, Goodbye South, Goodbye est le récit d’un impossible adieu à Taiwan, ancienne "île de beauté".

par Danielle Chou

En savoir plus

Interactivité :

Peu de choses à retenir, si ce n’est une préface (2’50 min) signée par Thierry Jousse, rédacteur des Cahiers du cinéma qui résume brièvement le style Hou Hsiao-Hsien en quatre points (la nouvelle vague taïwanaise, l’art du temps et de l’espace, pas de parti pris, une danse contemporaine), pendant que défilent à l’écran des images extraites du film. Accompagné d’une bande-annonce de ’39 secondes (la fameuse séquence des motos), le DVD offre un chapitrage succint. On ne saurait trop conseiller le brillant portrait-documentaire d’Olivier Assayas, HHH tourné en 1997 pour prolonger cette escale en Asie. Hou Hsiao-Hsien y revient notamment sur les lieux de tournage de Goodbye South, Goodbye.

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