Coffret Kon Ichikawa

Coffret Kon Ichikawa
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LA HARPE DE BIRMANIE : En 1945, quelques jours après l'armistice, un groupe de Japonais qui s'apprêtait à franchir les monts Birmans pour se replier vers la Thaïlande est fait prisonnier. KOKORO : En se rendant sur la tombe d’un ami, Nobuchi, un professeur retraité, retrouve un étudiant admiratif avec lequel il se lie d’amitié malgré la différence d’âge. Compréhensive en apparence, son épouse Shizu est jalouse du temps passé par Nobuchi seul ou avec son élève… SEUL SUR L’OCÉAN PACIFIQUE : En 1962, Kenichi Horie, un jeune Japonais, s’embarque seul dans une aventure hors-norme. Ayant construit en hâte un modeste voilier de 6 mètres de long, il quitte le port d’Osaka. Son objectif : traverser en solitaire l’océan Pacifique pour se rendre à San Francisco…

ELOGE DE LA FUGUE

A la fois proches et dissemblables, La Harpe de Birmanie, Seul sur l'océan Pacifique et Kokoro présentent trois facettes du talent de Kon Ichikawa : la fable pacifiste, le récit d'aventure et le drame psychologique. Réalisateur prolifique, Ichikawa s'est d'abord distingué dans l'animation (on lui doit notamment l'adaptation en 1978 du manga Phénix d'Osamu Tezuka), avant d'osciller entre comédies grand public et fresques inspirées d'oeuvres littéraires. Les trois longs métrages réunis par Carlotta sont ainsi trois adaptations. La Harpe de Birmanie est tiré du roman autobiographique de Michio Takeyama, Kokoro doit sa trame à un roman de Natsume Soseki, Seul sur l'océan Pacifique est inspiré d'un fait divers. Un fil évident lie ces trois voyages (spirituel, initiatique, temporel...) : la solitude, et plus précisément celle d'un homme en fuite, préférant la marge et les chemins de traverse aux carrières toutes tracées. Le héros renonce au confort, ressasse ses hantises, affiche sa désapprobation, son dégoût de la hiérarchie, de l'autorité, de la figure paternelle... Vagabonds et secrets, Mizushima le soldat converti en moine, le navigateur nonchalant et Nobuchi le professeur assailli par ses démons remontent le cours du passé pour mieux appréhender le présent, qui les exaspère et auquel ils restent hermétiques. Chez Ichikawa, l'individu est étroitement lié à l'Histoire. L'action de La Harpe de Birmanie se situe à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, celle de Seul sur l'océan Pacifique pendant le Japon de l'après-guerre. Kokoro fait état de la mort de l'empereur, à l'ère Meiji. Le contexte historique n’a rien d’anecdotique.

LE CHANT D'UN HOMME SEUL

Kon Ichikawa procède par énigmes et défait patiemment les nœuds inextricables de ses flash-backs. Qu'est devenu Mizushima ? Pourquoi ne revient-il pas parmi les siens ? Pourquoi Nobuchi visite-t-il seul la tombe de son ami Kaji ? Que cachent ses silences ? Qu'est-ce qui a pu motiver une traversée en solitaire jusqu'à San Francisco ? L'ennui existentiel, la lassitude du présent, le désir d'émancipation et de liberté jalonnent les trois récits, mais le regard et le discours d’Ichikawa se veulent apaisés. Les héros souffrent, mais ne le disent pas, ou seulement à demi-mots, d'une voix mélodieuse (la musique, personnage à part entière dans La Harpe de Birmanie), parfois amusée et ironique (Seul sur l'océan Pacifique) ou éteinte (les aveux par correspondance dans Kokoro). Ichikawa reste à distance, désamorce les crises, reporte les altercations, évite toute effusion. Quasi huis-clos, Kokoro est évasif et réticent quand La Harpe de Birmanie s'autorise enfin à quelques larmes... Inspiré de la vie de Kazuo Nakamura, soldat devenu bonze après sa capture, La Harpe de Birmanie est le point d’orgue du coffret, un chant d’amour humaniste, une chorale de voix émues aux accents tragiques, la quête déchirante d’un miraculé en quête de spiritualité. Laissé pour mort après la déroute de sa compagnie, le fantômatique Mizushima incarne à lui seul la solitude, le deuil et le renoncement. Le héros selon Ichikawa est un exilé volontaire, un paria épris de liberté partagé entre son devoir et sa conscience. Les mots restent suspendus, mais la révolution silencieuse bouleverse tout sur son passage.

par Danielle Chou

En savoir plus

Interactivité :

Réunis dans un joli coffret, les trois films sont accompagnés de bandes-annonces et de préfaces très instructives signées Diane Arnaud, universitaire et critique de cinéma. Claire-Akiko Brisset, Maître de conférences à l’université de Paris VII, revient quant à elle sur l’histoire authentique du soldat-moine Kazuo Nakamura, perçue comme "un retour symbolique aux origines du bouddhisme japonais".

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