Coffret Fritz Lang

Coffret Fritz Lang
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M le Maudit: Partout, on en parle. Dans la presse, dans les chaumières, dans les commissariats, dans les bars enfumés… Un tueur rôde dans la ville et s’en prend aux enfants. Tout le monde en parle, mais aucune piste en vue. La pègre, dont les affaires sont compromises par la trop grande présence policière, décide alors de prendre l’affaire en main, de mettre la main sur le coupable et de lui faire subir la justice du "peuple"… Le Testament du Dr Mabuse: Connu et redouté pour sa folie criminelle, le célèbre Dr Mabuse, depuis la cellule capitonnée de son asile psychiatrique, continue de sévir par la force de l’hypnose et de la télékinésie…

LE DIVIN ET LA CHOSE

Déifié, sanctifié, mythifié… C’est tout juste si on ne sacrifie pas un cinéphile tous les ans en la mémoire du Grand Fritz Lang. Si bien qu’avec le temps et les couches successives d’analyses, de légendes, de bouquins, d’études,… l’œuvre du cinéaste au monocle, à l’image de celle de Hitchcock, s’est quelque peu désincarnée. L’arrivée de l’objet Fritz Lang, via le DVD et notamment ce genre d’éditions luxueuses, digipackées, gonflées aux bonus et reliftées comme de juste, relèguent rediffusions au Cinéma de Minuit et dans les cinéma Action, ou visions morcelées dans les salles de classe amorphes des facultés, au rang de (mauvais?) souvenirs. En accédant au titre de bien de consommation matérielle et plus seulement spirituelle, des chefs-d’œuvre intouchables tels que M le Maudit ou Le Testament du Dr Mabuse se voient parés d’une saveur presque nouvelle. Le goût de la redécouverte, une forme de virginité retrouvée. Cette démythification par la réification et, quelque part, la banalisation, profitent aux films en ce qu’elles les rendent à leur forme originelle, pure, à savoir des films de genre (polar, aventure), évidemment remarquables dans leur propos et bluffants dans leur forme, mais également et avant toute chose divertissants.

HAPPINESS IS A WARM GUN

Hérésie, crime de lèse-majesté? Pas forcément. Certes, M le Maudit est sans aucun doute le film le plus important de toute la filmographie de Lang et la densité des thématiques qui y sont développées (peine de mort, lutte des classes, furie aveugle des masses, disparition de la confiance du citoyen envers l’institution), ainsi que la pertinence de leur traitement, force le respect et résume à elle seule sa carrière. De la même manière, Le Testament du Dr Mabuse est le dernier film allemand de Lang, sa force subversive anti-nazie est intacte, et il paraît difficile de passer sous silence l’anecdote du bureau de Goebbels lorsqu’on l’évoque. N’empêche qu’on a également affaire avec M à un polar génialement troussé, aux gimmicks narratifs captivants (la comptine qui ouvre le film, les sifflements de Peter Lorre…), à l’humour populaire (défilé de tronches, concours de maladresse dans les rangs policiers….) et formidablement rythmé; et avec Mabuse à un film d’aventure très classique dans ses représentations, évoquant les meilleurs moments des BD de Hergé ou de Jacobs, avec ce qu’il faut de génie du mal, de flingues et de malfrats. Ne serait-ce que pour ce plaisir presque coupable – on se surprend à vouloir prendre des notes, puis on se ravise, comme gêné – ce coffret mérite largement sa place dans toute DVDthèque. Et, au cas où ça ne vous suffirait pas, rappelons qu’il s’agit quand même, accessoirement, de deux des plus grands films de Fritz Lang…

par Guillaume Massart

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Interactivité :

Après le plaisir de la simplicité de la redécouverte, le passage par la case bonus a tout de la gueule de bois. Commençons par le moins rude, avec le documentaire de Jorge Dana, "Fritz Lang: le cercle du destin", rappel chronologique convenu et sans surprise du parcours du cinéaste allemand, mais nécessaire dans l’optique tout public que semble adopter cette édition. Les étapes majeures de la vie et de l’œuvre de Lang y sont donc retracées et commentées par diverses personnalités (à noter les excellentes interventions du toujours génial Claude Chabrol), de ses débuts muets à ses derniers films européens, en passant par son départ précipité d’Allemagne en 1933, son échec hexagonal et sa fructueuse période américaine. Les extraits choisis sont pour la plupart bien intégrés dans la narration et les photogrammes insistent plutôt efficacement sur les inspirations picturales de l’auteur des Nibelungen. On retrouvera d’ailleurs une même ambition dans un bonus, décevant dans sa conception, mais partant d’une bonne intention, autour des storyboards des deux films et des décors de Emid Hasler.

Le reste des suppléments, en revanche, malgré une érudition qu’on ne contestera pas, sont d’une platitude et d’un ennui extrêmes. L’analyse menée par Radha-Rajen Jaganathen de M le Maudit pour la collection "Image par image" est sans doute extrêmement intelligente et très riche mais, quoi qu’on y fasse, c’est avant tout le côté soporifique et mécanique de la chose que l’on retient. D’autant que les procédés techniques de décorticage des séquences sont à ce point archaïques (ralentis saccadés, cadres gris mouvants, schémas griffonnés) et le rythme tellement lent, qu’il est difficile de tenir les quarante minutes de l’exercice. Mais le comble du ridicule est atteint avec les deux dialogues feutrés entretenus par l’historien Noël Simsolo et le critique Alfred Eibel dans leur salle de projection privée, se renvoyant comme les potaches savants et grisonnants qu’ils sont, anecdotes, exclamations et banalités gloseuses. Triste et narcotique spectacle que ces intellectuels tellement sûrs de leur bon savoir qu’ils en viennent à oublier de s’intéresser au spectateur, pour se mener une guerre d’ego à grands coups de connaissance exhaustive de leur sujet. Une détestable démonstration de pédanterie, dont et les films et nous-mêmes nous serions bien passés.

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