8 Femmes

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Années 50. Dans une grande maison bourgeoise avec pour seule présence masculine un cadavre fraîchement poignardé, huit femmes, dont une meurtrière, se retrouvent coupées du monde, laissant éclater les suspicions, les rivalités, les crêpages de chignons et du reste, sans oublier de pousser la chansonnette.

Du Cluedo annoncé par la promo du film auréolé d'un casting renversant ne resteront surtout que les couleurs. Adaptant une vieille pièce de boulevard en l'ayant remodelé à la Sitcom, le réalisateur surdoué de Sous le sable réussit une comédie irrésistible, laissant en plan l'intrigue anémique à la Agatha Christie, simple prétexte à un hommage aux actrices par de multiples clins d'yeux (impossible de ne pas penser à Gilda en voyant Fanny Ardant), et plus particulièrement au Women de Cukor. Là où le générique du maître américain assimilait ces héroïnes à des animaux, Ozon commence avec un bouquet de fleurs censées illustrer leur caractère, impression renforcée par le soin vestimentaire apporté aux looks de chacune, de la vamp à la fillette espiègle, délicieusement kitsch et glamour.

Comme pour Gouttes d'eau sur pierres brûlantes, le film joue la théâtralisation à outrance. Après un prélude déroutant où la présentation des personnages se limite à une accumulation de stéréotypes, on s'aperçoit vite qu'Ozon, en stratège pervers, va vite venir chahuter son monde à grand coup de répliques vachardes et de pseudo-révélations en cascade, prétexte à un dynamitage des codes soulevant immanquablement l'hilarité. Aucun des plans du film n'est inutile, l'inventivité visuelle charme la rétine, et le vaudeville filmé se transforme en un huis-clos vachard et jamais vulgaire.

Là où Sous le sable témoignait d'un portrait de femme bouleversant d'intimité, nos huit amies à deux pattes ont clairement été incitées à surjouer, cherchant une distanciation avec le spectateur: tout peut arriver (impossible de ne pas se souvenir d'un plan d'ores et déjà culte sur les jambes de Deneuve et Ardant), rien n'est vraiment sérieux. Toutes impeccables, aucune des actrices ne cherche à se tirer la couverture, notamment par une multitude de plans de groupe, ce eight-women-show donnant à chacune l'occasion de briller par un numéro musical qui renverrait presque On connaît la chanson aux oubliettes. Impossible cependant de ne pas saluer la performance désopilante de la décidément inclassable Isabelle Huppert en vieille fille, tout en grimaces et en gueulantes névrosées. Drôle, unique, inénarrable et touchant, 8 femmes est un pur plaisir des yeux et des oreilles, un monument à plusieurs lectures, bref, que du bonheur.

par Yannick Vély

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