Shining

Shining
Envoyer à un ami Imprimer la page Accéder au forum Notez ce film
Shining
The Shining
États-Unis, 1980
De Stanley Kubrick
Scénario : Diane Johnson, Stanley Kubrick
Avec : Shelley Duvall, Danny Lloyd, Jack Nicholson
Photo : John Alcott
Musique : Wendy Carlos
Durée : 1h59
Sortie : 16/10/1980
  • Shining
  • Shining
  • Shining
  • Shining
  • Shining
  • Shining
  • Shining
  • Shining
  • Shining
  • Shining
  • Shining
  • Shining
  • Shining
  • Shining
  • Shining

Jack Torrance, écrivain qui a trouvé un job de gardien d'hôtel fermé en hiver, sa femme et son fils Danny s'apprêtent à vivre de longs mois de solitude. Danny, qui possède un don de médium, le "Shining", est effrayé à l'idée d'habiter ce lieu, théâtre marqué par de terribles évènements passés...

ALL WORK AND NO PLAY MAKES JACK A DULL BOY

Une marée de sang déferle d'un ascenseur. Des jumelles livides, échappées d'un cliché de Diane Arbus, invitent un garçonnet à jouer avec elle. Un homme, déguisé en chien, est surpris alors qu'il s'affairait sur un autre. Un visage halluciné s'encastre dans une porte préalablement défoncée à la hache. Shining, de Stanley Kubrick, recèle quelques unes des images les plus marquantes et les plus perturbantes du cinéma d'horreur... ou du cinéma tout court. Après Spartacus, Lolita, Dr Folamour, Orange mécanique ou Barry Lyndon, Kubrick se lance à nouveau vers un tout autre genre, un pari d'autant plus incertain qu'il sort fragilisé de Barry Lyndon, chef d'œuvre mais malgré tout un bon bide en salles. Le réalisateur, passionné par les histoires gothiques, les récits de fantômes, souhaite d'abord adapter The Shadow Knows, roman écrit par Diane Johnson, une écrivaine qui enseigne le roman gothique à l'Université. La Warner lui propose alors de transposer The Shining, écrit par Stephen King, l'auteur de Carrie qui vient alors de pulvériser le box-office. Kubrick invitera alors Johnson à travailler avec lui à cette adaptation.

Malgré la musique inquiétante du générique, où Wendy Carlos adapte un extrait de la Symphonie fantastique de Berlioz, malgré l'isolement qu'on découvre, la voiture se frayant un chemin jusqu'à un hôtel perdu dans les Montagnes Rocheuses, Kubrick n'installe pas immédiatement ses codes fantastiques. La lumière est partout, et continuera de l'être, traversant les grandes vitres comme un éternel rayonnement. L'hôtel ne ressemble pas à une maison hantée, nous ne sommes ni dans La Maison du diable, ni chez Madame Bates. L'inquiétude fantastique s'installera d'elle-même, sans dire son nom, à l'image de cette lumière d'abord chaude, mais de plus en plus bleutée à mesure de film, presque morte, comme la peau prisonnière des glaces. La cellule familiale va se désagréger au rythme de la folie qui gagne le père de famille, Jack Torrance, qui se perd dans les nombreux miroirs de l'hôtel. S'agit-il de fantômes, spectres que le jeune fils, Danny, aperçoit au détour d'un couloir? Ou plutôt d'une projection, reflets de l'insconscient, un avertissement de la pulsion meurtrière qui fulmine, et qui se révélera à coups de hache? L'horreur chez Kubrick est avant tout psychologique. L'hôtel est espace mental, à la moquette en motif de neurones, aux couloirs que l'on parcourt en boucles obsessionnelles. Le labyrinthe végétal qui jouxte la bâtisse, d'abord observé sous forme de maquette par Jack, prend vie grâce à un champ/contrechamp, devenu un piège dans lequel maman et fiston sont les souris. Kubrick apprécie L'Exorciste et chérit plus que tout le Rosemary's Baby de Polanski, d'où cette approche psychanalitique, tendant vers l'abstraction, et laissant d'ailleurs en plan pas mal des explications du livre de Stephen King, épure poursuivie dans la salle de montage où une vingtaine de minutes est coupée entre la version américaine et la version européenne.

Transfert des âmes? Réincarnation? Possession? Le film laisse ses questions en suspens, en équilibre sur le fil de l'inquiétante étrangeté, Kubrick distillant ses archétypes du conte (la chambre de Barbe-Bleue dans laquelle il ne faut pénétrer, le Petit Poucet contraint à redoubler de malice lorsque l'Ogre est à ses trousses) ou de la mythologie (le rapport entre le père devenu stérile, page blanche infernale, qui avoue avoir maltraité sa descendance, imprégnée d'un même don mais dont elle n'est, elle, pas la victime) pour mieux brouiller les pistes ensuite. Les âmes sont à bout de souffle. On parle souvent d'un Kubrick qui multiplie les prises par maniaquerie, c'est aussi un moyen pour le réalisateur de pousser ses comédiens dans leurs retranchements, qu'il s'agisse de la folie baroque de croquemitaine de Jack Nicholson, ou de l'épuisement nerveux, à fleur de peau, d'une Shelley Duvall transfigurée par rapport au roman, plus fragile ici, plus attachée à Jack, et ainsi plus vulnérable, soumise à cette inconcevable aliénation. Kubrick se met à sa hauteur, mais surtout à celle du petit Danny, dont les déambulations donnent lieu au ballet à ras du sol mais pourtant aérien d'une steadicam conçue spécialement pour le film, et qui donne à Shining toute sa grâce hantée, en lévitation. Le film, aux Etats-Unis, rapportera plus du double de sa mise initiale. Il faudra pourtant attendre 7 ans avant que Kubrick ne repasse derrière la caméra, encore une fois pour un décor tout autre, à savoir le Vietnam de Full Metal Jacket.

par Nicolas Bardot

Commentaires

Partenaires