Souvenirs goutte à goutte

Souvenirs goutte à goutte
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Souvenirs goutte à goutte
Omohide Poroporo
Japon, 1991
De Isao Takahata
Scénario : Isao Takahata d'après d’après le manga de Hotaru Okamoto
Avec : Youko Honna, Masahiro Ito, Yuuki Masuda, Michie Terada, Toshiro Yanagiba
Musique : Katsu Hoshi
Durée : 1h58
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Jeune employée de bureau, Taeko Okajima s’octroie quelques jours de congés pour partir à la campagne et rejoindre la famille de son beau-frère. Sur le trajet qui la conduit vers Yamagata, elle se rappelle les épisodes marquants de son enfance. 1966, l’année de ses douze ans…

JE ME SOUVIENS

Citadine introvertie et solitaire, Taeko part se ressourcer dans un décor champêtre. C’est l’été. A bord du train qui l’éloigne de Tokyo et de ses tours uniformes, elle se souvient… Le goût acidulé de l’ananas, le sac à main convoité de sa sœur, les mauvaises notes d’algèbre… Goutte à goutte, Isao Takahata égrène les souvenirs de jeunesse de Taeko. Qu’ils soient aigres ou sucrés, tendres ou humiliants. Familier des portraits de groupe, Takahata cerne les soubresauts de la cellule familiale, ausculte avec douceur et maestria ses heurts et ses blessures. La famille dysfonctionnelle de Kié la petite peste, les parents fripons de Mes Voisins les Yamada, les hôtes méprisants du Tombeau des lucioles ou la communauté affolée des tanuki de Pompoko: tout n’est qu’affaire de dérives affectives, de clans antagonistes, de disputes inconséquentes ou de non-dits lourds à porter. Le graphisme soyeux marie subtilement la candeur pastel des souvenirs, au naturalisme des paysages et des immersions rurales. Conjuguant le moi au passé et au présent, les compositions harmonieuses d’Omohide Poroporo gravitent autour des hésitations d’une célibataire de vingt-sept ans, perdue à la charnière de son existence.

RESONANCES

A l’affût de réminiscences culinaires ou auditives, Taeko se glisse dans le corps fluet et l’inclination rêveuse d’une écolière de la fin des années 70. Tiraillée entre tradition et modernité, la famille Okajima s’accoutume lentement aux usages occidentaux. Nanako la sœur aînée adopte la mini-jupe en hommage aux Beatles, pendant que Yaeko la cadette s’amourache d’une actrice de Takarazuka. Autorité taciturne et distante, le seul homme de la maisonnée arbitre d’un œil distrait les chamailleries de ses trois filles. Agglutinés les uns aux autres, les souvenirs se chevauchent sans lien apparent. Le portrait morcelé permet néanmoins de saisir une tonalité dominante. Les anecdotes – les bains, la cantine, la gifle ou la pièce de théâtre - éclairent chacune sur la maturation de l’enfant. C’est la petite fille qui souffle à l’oreille de l’adulte et l’amène à s’interroger sur ses choix. Les jeux de parallélisme et la pluralité des temps de narration placent sur un pied d’égalité les deux Taeko. Examinant ses vingt-sept ans (et ses velléités de changement) à la lumière de ses douze ans (l’âge de la puberté et du premier amour), l’héroïne de Takahata réunit les facettes complémentaires de sa personnalité.

UNE CHRYSALIDE

De longues plages de confidences, des entrelacs de couleurs; le cinéaste donne voix aux sinuosités de la mémoire et aux caprices de la pensée. L’histoire – un retour aux origines, une traversée indécise à la recherche de soi – se révèle bien plutôt une quête de l’Autre: l’amour naissant à travers le personnage de Toshio, la découverte de la réalité agricole par une jeune femme de la ville. Taeko ne s’embarrasse plus du cocon des souvenirs et participe à la cueillette du benibana, fleur vermillon cultivée pour la teinture des tissus. Rehaussé par sa portée documentaire, Omohide Poroporo se penche sur le travail fastidieux de la terre, sans se borner à un discours tronqué et simpliste. Lors d’un étonnant trajet en voiture en temps réel, Toshio dissipe un à un les malentendus sur la vie paysanne. Vacancière naïve convaincue des vertus magiques de la nature, Takeo prend alors la mesure de ses préjugés. Ample et virtuose, la mise en scène laisse délicatement filtrer les sentiments et miroiter un avenir serein. Les images du passé ne naissent jamais d’une impulsion nostalgique. Encouragée par des enfants imaginaires, Taeko saisit à pleines mains l’opportunité d’un nouveau départ.

par Danielle Chou

En savoir plus

Ricochets

Première production Ghibli à être entièrement rentabilisée à sa sortie, La Petite Sorcière (2,6 millions d’entrées au Japon en 1989) a ouvert la voie à un projet plus ambitieux, Omohide Poroporo (Souvenirs goutte à goutte). Inspiré des récits autobiographiques du shôjo manga éponyme de Hotaru Okamoto et Yûke Tone, le long métrage a nécessité deux ans de travaux acharnés et plus de 73 000 cellulos. Yoshifumi Kondô, le complice de longue date et réalisateur de Mimi o Sumaseba (Si tu tends l’oreille) en 1995, occupe de nouveau le poste de character design, après sa participation déterminante au Tombeau des lucioles. Tandis qu’Isao Takahata supervise le tournage de Omohide Poroporo, Hayao Miyazaki se lance dans la réalisation de Porco Rosso (Kondô figure au générique en tant qu’animateur-clé). Avec plus de 2,1 millions d’entrées au box-office japonais, le film de Takahata conforte en 1991 l’assise du studio. La chanson The Rose (composée par Amanda McBroom et interprétée par Bette Midler) illustrant le générique final, est ici reprise dans une version japonaise réécrite par Takahata.

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