Los Angeles 2013

Los Angeles 2013
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Enfermé depuis quelques années dans une prison d’Etat, malgré la réussite de la mission effectuée en 1997 à New York, Snake Plissken est transféré sur les abords de l’île de Los Angeles, devenue depuis le grand tremblement de terre une prison dans laquelle sont parachutés tous les opposants au régime. Plissken doit y retrouver la fille du président des Etats-Unis, enlevée par des rebelles à la solde du chef des exilés de l’île.

SUITE OU REMAKE?

Autant, lorsque l’on aborde un tel film, passer rapidement sur les détails qui fâchent. Eliminons donc au plus vite le problème des effets spéciaux, sabotés par une société mise en faillite durant la post production du film. Carpenter n'ayant strictement rien pu faire, ils sont ce qu’ils sont, piteux, avec ce que cela suppose de synthèse visible. L’amusant, c’est qu’ils concordent finalement plutôt bien avec l'aspect bande dessinée du film, omniprésent et évident (couleurs, costumes, histoire...), qui l’éloigne parfois du western, le genre de prédilection du cinéaste. La première question qui se pose à la vision du film est de savoir pourquoi Carpenter a choisi le remake plutôt que la suite. Pourquoi reprendre à la ligne une histoire identique - celle de New York 1997 -, très vaguement modernisée, pourquoi réutiliser au plan près certaines scènes? Los Angeles 2013 est bien une suite dans laquelle les partis pris de l’original se trouvent radicalisés, et ne tente absolument jamais d’approcher le statut bâtard de remake… mais cette suite présente un concept relativement particulier dont le sujet principal serait (comme dans une bonne partie des films du cinéaste) le cinéma. Il a été demandé à Carpenter de "refaire son plus grand succès", c'est ce qu'il a fait... Au pied de la lettre, opérant simplement un déplacement spatial vers une ville qu’il aime (d’où l’aspect différent du film, qui contraste violemment avec le ton volontairement angoissant du premier épisode - qui se déroulait dans New York, que Carpenter a en horreur). Ainsi, le film est avant tout un énorme pavé jeté à la gueule des producteurs qui ont payé Carpenter rien moins que cinq millions de dollars, sur les cinquante qu'a coûté le film, afin qu’il refasse ce qu’ils considèrent comme son meilleur film. Il faut s’appeler John Carpenter pour oser prendre une telle somme et livrer un film qui se moque éperdument des studios et des conventions qu’ils cherchent à imposer.

LA NUIT AMERICAINE DE BIG JOHN

Cinéma, donc. De quoi parle le film? D'un personnage, Snake, conscient d'être projeté dans une histoire qu'il a déjà vécue. La première scène où il apparaît, présentant un incroyable décadrage, est symptomatique du concept. De dos, à l'intérieur d'un fourgon blindé, il apparaît dans la pénombre. La caméra se trouve derrière lui, en direction de la porte arrière, ouverte vers l’extérieur, vers l’intrigue et l’univers dans lesquels il devra entrer contre son gré. Cet encadrement représente le cadre du film, celui dans lequel Snake Plissken est emmené les mains liées. Il franchit cette porte sans avoir le choix, et entre ainsi de plein pied dans une diégèse qu'il a déjà vécue, une histoire qui l’ennuie, une histoire de producteur. Durant tout le film, les événements se répèteront. "Plus les choses changent, et plus elles restent les mêmes". Façon de dire que pour Carpenter, rien n'a changé au sein d'Hollywood. Il livre ainsi un film dans lequel le héros s’évertue à reproduire des mouvements qu'il a déjà fait seize ans plus tôt. La scène dans laquelle il s'assoit en soupirant sur une chaise alors qu'il ne lui reste que quelques heures à vivre, identique à celle de New York 1997, est à ce titre exemplaire. Héros nihiliste, Snake en a assez d'être ballotté à travers une société qu'il ne reconnaît pas, tout ce qui lui importe étant d’être encore vivant à la scène suivante. Et durant tout le film, il se verra obligé d’intégrer un univers qui n’est pas le sien, un univers fréquemment représenté par un simple décadrage (voir la très belle scène où Plissken se trouve face à un hologramme présentant les tenants de sa mission).

JOHN CAPENTER II: LA MISSION

On a beaucoup dit que Snake était anti-américain, tout comme Carpenter, ce qui est totalement faux. Carpenter (et Snake) aime l'Amérique et encore plus Los Angeles. Il aime son pays, au point de souligner les tares du gouvernement qui le dirige. Un peu à la manière d'un Rambo, Carpenter aimerait que son pays "les aime autant que nous l'aimons". Cela peut sembler stupide, mais ça annihile d’emblée tout accusation contre l'homme et son personnage. Dans le film, Carpenter critique ainsi tout ce qui, à ses yeux, pourrit le système. C'est là que le film dépasse largement son modèle, dans cette façon d'aller au bout de son message politique. Tous sont pourris: de droite ou de gauche, nous sommes tous foutus. Même le révolutionnaire aux allures de Che ne peut nous sauver et représente un danger pour un personnage aux ambitions de liberté tel que Snake. Ainsi, tout y passe, la chirurgie esthétique, les politiques, les révolutionnaires, les riches, les pauvres, les policiers, les militaires... Dans la scène du basket, qui fait écho au combat de Snake sur un ring dans l’original, Carpenter montre cette fois que l'ennemi ne se situe plus sur un ring, mais à l'intérieur même d'un sport à priori inoffensif qui starifie puis élimine ses idoles en quelques saisons. En choisissant un sport de ce type à la place d'un combat, Carpenter assène une idée en plus, violente, comme toujours.

PLUS LES CHOSES CHANGENT…

Cette idée, il aurait malheureusement fallu que le spectateur l’accepte, tout comme il aurait fallu qu’il accepte celle d’un film qui se fout en apparence de sa gueule. Faisant écho avec quelques mois d’avance à l’échec de Mars attacks, LA 2013 partage avec le film de Burton le douloureux privilège d’être la victime d’un spectateur plus concerné par le président guerrier du patriotique ID4 que par les agissements de marginaux qui refusent un système dans lequel ils ne se reconnaissent pas. Système qui, pourtant, continue de faire les yeux doux à Carpenter, puisque malgré l’échec de son film, il a par la suite réalisé les excellents Vampires et Ghosts of Mars. Le premier, dénué de tout sous entendu critique et politique (malgré le contexte religieux) est un succès, tandis que le second, énorme baffe balancée à la figure de spectateurs amorphes, est un flop monumental et incompris, probablement son échec le plus grave. Un flop à la mesure de celui de Jack Burton qui, en son temps, fut détruit par l’ensemble de la presse et du public. Il est aujourd’hui devenu un classique. Tout comme le sera bientôt ce Los Angeles 2013? Ne craignons pas d’affirmer que oui.

par Anthony Sitruk

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