El Libro de piedra

El Libro de piedra
Envoyer à un ami Imprimer la page Accéder au forum Notez ce film
Libro de Piedra (El)
Mexique, 1969
De Carlos Enrique Taboada
Scénario : Carlos Enrique Taboada
Durée : 1h40
  • El Libro de piedra
  • El Libro de piedra

La jeune Sylvia prétend avoir un camarade de jeu nommé Hugo, mais sa famille pense qu’il s’agit d’un être imaginaire incarné par une statue de leur jardin. Mais d’étranges phénomènes vont bientôt bousculer leurs certitudes.

LE CŒUR DES FEMMES

La vingtième édition du festival de Gérardmer est l’occasion de découvrir le travail du réalisateur mexicain prolifique Carlos Enrique Taboada, considéré comme l’un des maîtres du gothique, proche d’Argento dans certaines de ses thématiques et cité comme principale influence par Guillermo Del Toro. C’est en effet la psyché féminine qui est au cœur de la partie fantastique de son œuvre. Ici les personnages masculins ne sont que des potiches, des victimes idéales rapidement évacuées. Tous les rôles intéressants, tous les personnages centraux sont laissés aux femmes, qu’ils soient positifs sou négatifs. Une inversion des clichés cinématographiques montrant que Taboada était en avance sur son époque, peut-être un peu trop pour connaître la reconnaissance qu’il méritait alors.

Dans ce Livre de pierre, le cœur des femmes est effectivement au cœur de tous les enjeux. Fillette trop solitaire à remettre dans le droit chemin, seconde épouse peinant à trouver sa place dans sa nouvelle famille, gouvernante volontaire cherchant l’équilibre parfait entre autorité et empathie. La fille, l’épouse et la maman : ces trois figures féminines se retrouvent enfermées sous le même toit, se partageant le plus gros du film et ne laissant que des miettes aux hommes, marionnettes réduites à faire tapisserie tandis que les filles agissent. Ou essayent.

Car la singularité d’El Libro de piedra réside dans son alliance presque paradoxale entre la sobriété du récit et la joyeuse perversion de certaines scènes. La fillette qui croit communiquer avec une statue de son jardin se met à ressusciter des salamandres et dessiner des pentagrammes sur le sol comme qui rigole, mais personne ne semble vraiment s’en inquiéter. Les adultes prennent en effet tout leur temps pour relier A et B, réalisant bien trop tard l’ampleur du problème. Ce perpétuel temps de retard de ces grands bourgeois parfaitement habillés et qui ne haussent jamais la voix sur cette fillette (pourtant rapidement qualifiée de perverse) teinte tout le film d’un humour inattendu. Mi-Rosy Varte mi-Delphine Seyrig, la gouvernante au brushing parfait (le vrai mystère du film est là, comment ses cheveux tiennent-ils en place ?) se retrouve à escalader le toit d’une église en talon aiguille, mais là encore tout va bien. Une scène impayable et gonflée qui, à l’image du film entier, mélange avec succès angoisse et kitsch, rappelant parfois les craquages queer de Maman très chère. Pour notre plus grand plaisir bien sûr.

par Gregory Coutaut

Commentaires

Partenaires