Frankenstein

Frankenstein
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Frankenstein
États-Unis, 1931
De James Whale
Scénario : John L. Balderston, Francis Edward Faragoh, Robert Florey, Garrett Fort, John Russell d'après les oeuvres de Peggy Webling et Mary Shelley
Avec : John Boles, Mae Clarke, Colin Clive, Boris Karloff
Photo : Arthur Edeson
Musique : Bernhard Kaun
Durée : 1h11
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Le jeune savant Henry Frankenstein parvient, à partir de restes humains assemblés, à donner vie à une créature.

LE MONSTRE EST VIVANT

Un homme en costume avance sur scène et s’adresse, face caméra, au public: «Comment allez-vous ?». Le prologue de Frankenstein est à la fois un avertissement, un jeu avec la censure, mais surtout un moyen détourné afin de titiller le public avec cette histoire conçue pour hérisser les cheveux les mieux laqués («elle vous donnera des frissons, il se peut qu’elle vous choque»). Universal fait stationner quelques ambulances devant les salles, tandis que de fausses infirmières offrent des remontants aux spectateurs transis. L’intox ludique est en place, et l’affaire est entre de bonnes mains puisque c’est Edward Van Sloan, le Van Helsing de Dracula sorti quelques mois plus tôt, qui s’en charge à l’écran. Le revival monstrueux n’arrive pas par hasard : le vampire Lugosi et la créature Karloff naissent en plein cœur de la grande dépression, qui est à son pic entre 1931 et 1932. Le public a besoin d’un horrible exutoire, l’adaptation de Mary Shelley est le matériel rêvé. Mais plutôt que le roman de Shelley, c’est d’une pièce que le film de Whale est adapté, comme le Dracula de Browning partait d’une version scénique simplifiée plutôt que de l’œuvre tentaculaire de Bram Stoker. Parmi les changements : on ajoute l’assistant Fritz, on prive la créature de parole. Mais les grandes lignes persistent et le mythe littéraire devient mythe cinématographique.

La dimension mythologique annoncée dans le livre par son sous-titre, «Le Prométhée moderne», est conservée par Whale, fantôme faustien et science sans conscience, double maléfique et présomption divine. Une version néanmoins épurée que le réalisateur rehausse grâce à son talent de conteur, installant en un pano son atmosphère morbide où une statue de faucheuse surveille un cortège funèbre. Comme chez Shelley, on ne donne pas vraiment de date ou de lieu, nous sommes quelque part au XIXe siècle, en Europe, sans voiture ni téléphone, et l’on peut encore croiser quelques sinistres gibets au bord des routes. Le décor est là, reste à l’habiller. David Lewis, le compagnon de Whale, a repéré dans The Criminal Code un acteur qui pourrait faire un monstre satisfaisant. Bela Lugosi a passé des essais, avant d’abandonner en déclarant qu’il ne jouerait pas une brute muette couverte de maquillage. La place est libre pour Boris Karloff qui n’est pas un nouveau venu puisqu’il a 44 ans et compte près de 80 apparitions au cinéma. Leslie Howard et Bette Davis sont un temps envisagés pour les rôles de Henry Frankenstein et d’Elizabeth, mais ce sont finalement Colin Clive et Mae Clarke qui sont choisis. Pour devenir la créature, Karloff passe, lui, sous les mains expertes du légendaire Jack Pierce, qui le tartinera de coton et de collodion.

Whale, influencé par l’expressionnisme allemand, perd ses personnages dans des décors aux plafonds trop hauts pour eux, aux perspectives tordues, avant de sanctifier le théâtre du fantastique, ce laboratoire dont le look sera repris plus tard dans d’autres films. Bien que parfois un peu ankylosé, Frankenstein recèle des scènes devenues cultes dans l’histoire du cinéma, comme l’assaut du moulin par les villageois sous les flammes de leurs torches, et surtout la parenthèse tragique que constitue la rencontre de la créature avec une fillette, figure innocente qui est la seule à ne pas craindre ce monstre né de main humaine, scène reprise comme un fantôme, des années plus tard, dans le sublime L’Esprit de la ruche de Victor Erice. Evidemment, les thèmes de Frankenstein ne sont pas au goût de tous, et la réplique «Maintenant je sais ce que c’est d’être Dieu» fut en son temps censurée de la version télévisée, sous la pression religieuse qui préférait voir à l’image une étrange saute de montage. La fin du film fut par ailleurs modifiée au dernier moment car jugée trop noire, le héros devant finalement s’en sortir, et si l’on filme Colin Clive de bien loin, alité, c’est tout simplement parce qu’il s’agit d’un autre acteur, Clive étant parti en Angleterre sur un autre tournage. Frankenstein reçut un accueil insensé, qui le voit se classer 4e plus grosse recette des années 30, derrière Autant en emporte le vent, Blanche Neige et les 7 nains et Le Magicien d’Oz, juste devant King Kong. La suite, La Fiancée de Frankenstein, elle aussi devenue culte, n’allait pas tarder à pointer son bout de nez…

par Nicolas Bardot

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