Explorers

Explorers
Envoyer à un ami Imprimer la page Accéder au forum Notez ce film
Explorers
États-Unis, 2011
De Joe Dante
Scénario : Eric Luke
Avec : Ethan Hawke, Dick Miller, Amanda Peterson, River Phoenix, Robert Picardo, Jason Presson
Photo : John Hora
Musique : Jerry Goldsmith
Durée : 1h49
  • Explorers
  • Explorers
  • Explorers
  • Explorers
  • Explorers
  • Explorers
  • Explorers
  • Explorers
  • Explorers
  • Explorers
  • Explorers
  • Explorers
  • Explorers
  • Explorers
  • Explorers
  • Explorers

Fan de science-fiction, le jeune Ben, aperçoit durant ses rêves d’étranges dessins de montage électronique qu’il s’empresse de communiquer à son ami Wolgang, génie en herbe, pour en réaliser la fabrication. Cet assemblage leur permet de créer une sphère électrique, manipulable par ordinateur et dans laquelle aucune force ne s’exerce. Comprenant le parti qu’ils peuvent en tirer, Ben, Wolfgang et leur nouvel ami Darren, construisent un appareil fait de matériel de récupération qui, inséré dans le champ de force, devient capable d’atteindre des vitesses stupéfiantes et de les emmener dans l’espace.

CHRONIQUE D’UNE MORT ANNONCÉE

Catapulté réalisateur du haut de la chaine alimentaire hollywoodienne après le succès phénoménal de son Gremlins, Joe Dante, qui ne s’est jamais vu autrement que metteur en scène de série B (modestie, goûts, culture et formation à l’école Roger Corman obligent), se retrouve très vite dans une situation aussi confortable que dangereuse. Les projets pleuvent sur son bureau, les propositions indécentes d’alliance culturelles et financières affluent, et on ne compte plus les projets auxquels sont nom est associé, comme un certain Batman que cherche à lancer la Warner. Mais c’est la Paramount, au travers de Jeffrey Katzenberg, qui parvient la première à enrôler Dante sur Explorers : un film d’enfants et d’extra-terrestres avec un léger ton mélancolique. Bref un projet idéal pour le profil du réalisateur de Hurlements et Piranha. Mais voilà, à peine la production engagée, Katzenberg quitte la société au profit de Disney et le film de se retrouver entre les mains de nouveaux producteurs qui n’ont qu’une idée en tête : faire d’Explorers LE blockbuster de l’été 1985. Et ce qui s’annonçait alors comme une partie de plaisir (grosse maison de production, budget confortable, réalisateur en pleine ascension, sujet valeureux) va vite virer au cauchemar. Paramount campant sur ses positions et ne voulant rien entendre, le studio oblige Dante à hâter la conception du film pour assurer les délais impartis. Le tournage se déroule donc entièrement en Californie d’octobre 84 à février 85, tant en extérieur qu’au sein des studios, mais avec la pression constante d’une deadline bien trop proche. Ainsi le scénariste Eric Luke se voit obligé de réécrire le scénario en cours de route et est même obligé de suivre le tournage en permanence, ajustant son histoire au fur et à mesure du tournage qui lui-même progresse alors que décors et effets spéciaux de plateau sont loin d’être finalisés. Résultat, la production se termine avec 13 jours de retard et la post-production est obligée d’être assurée en 15 jours seulement.

LA GUERRE DES MONDES

Mais le pire est encore à venir, car toujours aussi pressé par le temps, Dante est condamné à terminer son film du mieux qu’il peut, faisant sauter de nombreuses scènes. « Nous avons continué à réécrire le 3e acte du film jusque dans la salle de montage ». Il se voit donc faire l’impasse sur de nombreux points forts, et le montage saborde radicalement la vision première qu’avait le cinéaste. Ainsi, nombres de pistes sont amorcées sans qu’elles ne soient jamais développées et de nombreux sous-textes sont carrément supprimés (les relations familiales de Ben et de Darren, l’idylle naissante entre Ben et sa camarade de classe Lori Swenson, et surtout l’histoire de l’officier Charlie Drake, véritable incarnation adulte de Ben, qui ne subsiste plus qu’au travers d’une fausse sous-intrigue et qui promettait pourtant encore plus de romantisme au sein de cette histoire). Enrôlé dans un projet qui lui correspondait tant, c’est meurtri qu’il se contraint aux exigences du studio et qu’il voit peu à peu son film lui échapper. « Je n'accepte que parce que j'ai compris que le studio a décidé de sortir le film le 12 juillet, avec ou sans ma coopération, terminé ou inachevé, en contradiction flagrante avec la date spécifiée dans mon contrat. En fin de compte, mon besoin de rester avec le film l'emporte sur mon envie de suivre ceux qui me conseillent de traîner l'affaire devant la justice. Je ne peux pas supporter de voir un an de travail m'être arraché dans les dernières semaines de finition. Je dois mieux que cela à moi-même et à tous ceux qui ont travaillé sur ce film». Au final, Dante estime lui-même que le résultat est assez loin de ce qu’il avait prévu. Annoncé en fanfare comme « le nouveau film du réalisateur de Gremlins », Explorers sort le 12 juillet 1985 et est retiré de l’affiche au bout de seulement deux semaines d’exploitation, et avec seulement 7,4 millions de dollars (le tiers de sa mise) au compteur. Certes, avec les années et la réputation toujours intacte de Dante dans le cœur des amoureux du cinéma d’exploitation, le film a très vite atteint l’aura de ces œuvres aussi bien qualifiés de « malades » que de « cultes », mais l’on ne pourra jamais s’empêcher de trouver dommage le destin que ce film s’est forgé malgré lui.

DANTE SPEAK

Malgré tous les problèmes rencontrés durant la production du film et un échec cuisant au box-office, pourquoi Explorers ne dépareille pas dans la filmographie du furieux réalisateur de L’Aventure intérieure et fait parti intégrante de ses œuvres les plus acclamées? Tout simplement parce qu’en dépit des coupes et des remaniements divers et variés, Dante à tout de même réussi à minimiser les dégâts, à imprimer son style cartoonesque romantique, à apposer sa griffe de cinéphile bis tout en réussissant à insuffler le souffle de la passion au nez et à la barbe des dirigeants de studios cherchant sans cesse à « mainstreamiser » l’affaire. Ainsi, en plus de ses trois héros en décalage avec leur environnement et fans de sous-culture (tout comme le principal public du réalisateur finalement), nombreux sont les scènes, plans, séquences ou autres exemples transpirant ce qu’on pourrait appeler la « Dante’s touch », cette atmosphère teintée de nostalgie, d’enfance et de rêves inachevés coincée dans un coquille adulte au x nombreuses fissures. Et à travers cette aventure fantaisiste, le réalisateur se place en témoin d’une période, celle qui lie l’enfance à l’adolescence. Il renoue avec le côté magique de cet entre deux-âge, malgré une innocente noirceur, comme il l’avait déjà esquissé sur Gremlins, une sorte de marque de fabrique qu’il continuera à explorer plus tard sur des films comme Small soldiers et surtout sur sa pièce maitresse Panique sur Florida beach, plaçant tout un coté onirique et surréaliste pour une sorte de rêve éveillé aussi fabuleux qu’inquiétant et dont l'ensemble assez grossier peu parfois frôler le ridicule (on ne pourra pas en vouloir aux spectateurs rejetant en bloc le dernier tiers du film). Ainsi, sous couvert d'un spectacle familial, Explorers se révèle assez lucide et amer, s'inspirant des propres expériences du réalisateur, cet ex-gamin fasciné par les mystères de l'espace nés de son penchant pour la science-fiction, et qui aura largement inspiré le personnage sacrifié de Dick Miller incarnant l’ancienne génération ayant elle aussi rêvé d’inconnu et ayant connu l'excitation de l'aventure insouciante.

JE RÊVAIS D’UN AUTRE MONDE

Et si l’on rajoute à cela l’étude de la propre cinéphilie du réalisateur (ainsi qu’un véritable sous texte, au travers le prisme de la télévision, concernant le pouvoir des images), on obtient très vite l’ensemble des clés pour décrypter cette œuvre aussi bancale (on ne peut nier que la dernière partie dénote autant qu’elle est indispensable à l’ensemble) que passionnante, ce genre de film imparfait qui laisse libre cours à l’imagination et à l’interprétation de chacun, tout en suivant d’un autre œil les citations et références multiples (citons au hasard la Charles M. Jones High School, véritable nom du cartooniste de génie Chuck Jones, où vont étudier les enfants) d’un metteur en scène qui n’a jamais fini d’apprendre et d’enseigner aux élèves que nous sommes tous. Vous l’aurez donc compris, derrière cette façade de petit blockbuster foutraque pour graine de héros, Explorers cache un conte sensible d’une rare justesse, rempli d’affection et de mélancolie sur les illusions de l’enfance et l’appréhension du monde réel qui l’entoure, un véritable hommage à l’innocence perdue, une œuvre phare à ranger aux côtés du Stand by me de Rob Reiner, du Breakfast club de John Hughes et du Pump up the volume d’Allan Moyle.

par Christophe Chenallet

Commentaires

Partenaires